Du 10 au 19 septembre 2018, l’Orangerie du Thabor met en valeur le travail de Céline Ziwès, alias Zède, alias Bibiche pour les intimes. Artiste rennaise protéiforme, Bibiche expose une œuvre colorée et expérimentale allant du dessin à la linogravure, en passant par la photographie ou le collage papier.
Dans l’atmosphère chaude et lumineuse des serres du parc, la promenade peut valoir le détour. Flâneur du dimanche ou féru de street-art, il n’est pas difficile de trouver son aise dans les petits formats fluo de Bibiche Zède. Fruit d’un travail de recherche technique et de rêveries voyageuses, l’œuvre présentée peut surprendre ou déconcerter par sa simplicité comme elle peut réjouir par sa douceur, sa dimension humaine et son audace sensible, sans prétention. Nous avons rencontré Bibiche Zède pour un entretien.
Unidivers : Ce n’est pas votre première exposition. Celle-ci a-t-elle quelque chose de différent ?
Bibiche Zède : Oui, c’est peut-être la plus complète. J’ai été du début jusqu’à la fin d’une idée que j’avais. Tout a commencé avec un seul tableau Sous tes yeux le voyage bleu; j’ai tiré le fil de cette histoire-là, qui est devenu la mère nourricière dont toutes les autres œuvres ont découlé. Aussi j’ai pris plus soin de mes travaux. Jusqu’à présent j’avais un dessin un peu plus agressif, plus brouillon aussi. Je me suis dit que ce tableau-là débutait un nouveau moment dans mon dessin, plus posé, plus calme.
U. : Vous expliquez-vous cette évolution ?
Bibiche Zède : C’est progressif. J’ai toujours travaillé sur des paysages urbains et ce qui a évolué peut être, car depuis 3 ans je vis de mon dessin, c’est que je suis plus calme, plus sereine et ça se ressent dans le contenu. Quand on est plus enclin à la rêverie, moins stressé, le dessin suit.
U. : Malgré la répétition des formes, j’ai pu sentir une bienveillance générale, un dessin assez doux…
Bibiche Zède : Il n’y a pas de sens absolument profond derrière cela, mais j’aime bien l’aspect doux de certaines formes, comme quand on prend le train… c’est souvent là que j’ai mes idées, dans le train ou la voiture. On voit des paysages, des champs qu’on a envie de toucher, comme l’herbe verte dans Charlie et la Chocolaterie qu’on pourrait manger. La nature, du moins quand elle n’est pas maîtrisée, peut parfois être très ronde et douce. Même des villes peuvent donner ces impressions de douceur. J’essaie de rendre ça.
U. : Vous attardez-vous beaucoup sur le sensoriel ?
Bibiche Zède : Oui il y a un aspect très sensoriel dans la façon que j’ai eue de travailler sur cette exposition-là. J’ai découpé de petites formes en papier, une par une. Puis je les ai peintes et je les ai touchées de mes doigts, chacune, très longtemps. Ce n’est pas obsessionnel, mais disons que je m’en occupe comme si c’était de petites personnes que je vais essayer d’assembler pour voir comment elles dialoguent entre elles.
U. : Le thème c’est le voyage, où le retrouve-t-on dans l’exposition ?
Bibiche Zède : Partout, car on peut voyager de partout. Dans sa tête en fermant simplement les yeux, ou en bas de chez soi. Pour moi le voyage c’est lorsque la rétine s’imprègne de choses différentes, de nouvelles formes, nouvelles couleurs, nouvelles personnes et ça peut être en regardant deux p’tites dames qui discutent au Thabor. Il se passe quelque chose. C’est regarder le monde différemment. On met une sorte de filtre en se disant par exemple : « si je voulais que ce monde-là ressemble à un collage graphique, comment m’y prendrais-je ? ».
U. : Je trouve quelque chose de très enfantin dans votre travail, est-ce assumé ?
Bibiche Zède : Ma mère m’a toujours dit de ne pas mélanger le rouge et le violet. Et puis quand j’ai été vivre au Mexique, j’ai vu que le rouge et le violet ça allait super bien ensemble et que c’était très beau. Donc ce qu’on m’avait dit était une perception parmi d’autres. Je revendique que l’enfant a une forme de spontanéité qui se perd dans l’âge adulte. Je revendique le fait d’essayer de conserver cette fraîcheur qu’ont les gamins et leur spontanéité… ne pas avoir peur de mélanger le rouge et le violet.
U. : Vous expérimentez beaucoup, avec la matière par exemple…
Bibiche Zède : Ce sont plus des techniques que des matières, car il y a toujours du papier. Les techniques vont changer entre le spray, la gravure, le dessin… je ne saurais franchement pas dire comment je les choisis. Je me dis que je vais faire de la linogravure alors je vais en faire et puis après je pars sur autre chose. Tout n’est pas réfléchi.
U. : Une anecdote sur un tableau ?
Bibiche Zède : Plutôt sur les trois photos là. Faire danser les phares 1, 2 et 3. Ce sont à la base de petits ramequins dans lesquels je mettais mon encre pour les illustrations. Souvent je me suis dit, en y mettant les gouttes d’encre, que ça ressemblait à ce qu’on a dans les yeux lorsqu’on les ferme très fort, avec la persistance rétinienne. Je les ai prises en photo, que j’ai saturées à fond, puis imprimées. J’ai appelé ce travail Faire danser les phares parce que quand on est petit et qu’on rentre à la maison à l’arrière de la voiture de ses parents, la nuit, et bien il y a les phares qui dansent comme ça sur le long de la route. Ce sont des images que j’ai gardées, qui sont très belles.
Il y a plein d’images qui imprègnent notre sensibilité tout au long de la vie. On a tendance à les écraser les unes après les autres. L’objectif, en travaillant un peu sur la méditation, les yeux fermés etc, c’est de se reconnecter à ces images-là, qui font qu’on a un panel infini d’images dans la tête.
U. : D’où le côté « obsessionnel » des formes dans votre travail ?
Bibiche Zède : Disons répétitives. Après vous pouvez dire que je suis obsessionnelle, ça ne me dérange pas. Je pense que beaucoup d’artistes sont obsessionnels, car l’idée, lorsqu’on trouve un intérêt dans une forme ou autre, c’est de chercher jusqu’au bout, jusqu’à épuisement de la forme, pour être sûr de ne jamais rien rater. On peut parler d’obsession dans le sens où on pousse la recherche jusqu’au bout, pour ne pas se contenter du premier geste.
L’exposition Sous tes Yeux le voyage de Bibiche Zède a lieu à l’Orangerie du Thabor du 10 au 19 septembre 2018.
Téléphone : 06 63 88 23 59, contact[@]bibichezede.com.