BIÈRE BRETONNE, LES MICROBRASSERIES FOURMILLENT

Terminé le temps où Britt et Coreff dominaient le marché de la bière en Bretagne, troisième région la plus productrice en France. Désormais, ils doivent abreuver les Bretons (et les autres) avec la concurrence de 150 microbrasseries qui s’ouvrent de plus en plus depuis 4 ans. À la veille du lancement du Saint-Malo Craft Beer le 8, 9 et 10 mars, faisons un point sur l’économie de la bière en Bretagne. Sans surprise, elle se porte très bien.

La bière bretonne n’est plus bue de la même façon. En examinant le site bieresbretonnes.fr, qui recense pratiquement toutes les microbrasseries de la région, un constat se dégage ; plus de la moitié ont ouvert ces cinq dernières années. Parmi elles, La Louarn à Rennes. Brieg Peresse et Corentin Le Tallec ont démarré la commercialisation en décembre 2018. Comme beaucoup d’autres brasseurs, ils se sont lancés grâce à un financement participatif. « Ça nous a permis d’observer qu’il y avait une vraie hype autour de notre bière. On parle de nous avant même le début », explique Brieg.

« Cela ne m’étonnerait pas que le nombre de microbrasseries double en Bretagne à l’avenir »

Bière bretonne

Cette réflexion s’est approfondie en Californie, véritable paradis des brasseurs. « Chez nous, je dirais que 10 % des bars achètent en microbrasserie. Là-bas, c’est vraiment du 50/50″, observe Corentin. Il est revenu de son séjour américain avec le plein d’expérience dans le monde de la brasserie en plus de l’administration. Brieg, lui, avait déjà des idées de recettes et les premiers matériaux. Malgré un marché de plus en plus concurrentiel, les deux comparses ne sont pas inquiets pour l’avenir. « Plus on propose, plus on ramène d’amateurs et plus on a besoin d’offres. Ce sont les consommateurs qui font changer les choses », ajoute Brieg.

« La concurrence a toujours été saine »

Cette multiplication de microbrasseries est une concurrence sérieuse pour les brasseries plus historiques comme Coreff ou Britt. Tranquillement installées depuis 1985, elles doivent maintenant composer avec quelques 150 microbrasseries recensées selon le site bièresbretonnes.fr. Le directeur de Coreff, Matthieu Breton ne s’en inquiète pas du tout. Il s’en réjouit. « Ce n’est pas mauvais pour nous. Au contraire, ça fait naître un engouement ». Pas de quoi modifier la stratégie de la brasserie. « Ça nous oblige à rester bons et actifs », ajoute-t-il. Lui aussi constate un engouement général sur la bière bretonne. « On observait déjà une base de consommateurs locaux. Avec le bouche-à-oreille, les bières locales connaissent un engouement général et suscitent ainsi la curiosité ».

Gabriel Thierry : « Ce n’est pas la même concurrence. Britt par exemple, va davantage avoir comme rival Kronenbourg ou Amstel qui monopolisent plus de bars ».

Cliquez sur la photo pour découvrir une cartographie des microbrasseries en Bretagne

La Bretagne : terre de bière

Mais pourquoi cette soudaine multiplication depuis cinq ans ? Faisons un peu d’histoire. Si la Bretagne n’est que la troisième région la plus productrice en bière, elle est peut-être la plus historique. « C’est un mouvement qui vient des États-Unis qui légalise le brassage à domicile dans les années 70 et surtout de l’Angleterre », raconte Gabriel Thierry, journaliste et auteur de l’ouvrage La bière bretonne, histoire, renaissance et nouvelle vague. « Cela existait déjà vers le 17e siècle, mais à partir de ces années 70, les brasseurs commencent à être imaginatifs ». Lors d’un voyage au Pays de Galles, la future première équipe de Coreff ramène en souvenir les breuvages locaux et décident de créer leur propre bière. En 1985, la première microbrasserie en France est née. Le phénomène est lancé.

Bière bretonne
La brasserie Coreff autrefois à Morlaix a déménagé à Carhaix en 2005.

Depuis cinq ans, les microbrasseries ne cessent de se multiplier. Cette tendance s’inscrit plus globalement dans la gastronomie où le bio et le local sont très recherchés par les consommateurs. La bière n’est pas exempte du phénomène. De plus, l’arrivée de l’IPA (India Pale Ale), une saveur très populaire, avec plus d’amertume et plus fruitée, pousse les brasseurs à l’imagination et donc à se lancer. C’est le mouvement du Craft-Beer qui donne son nom au salon de Saint-Malo. « Ce sont des recettes, basées au départ sur le houblon, qui attirent un public de connaisseurs avide d’innovation », explique le journaliste

Un produit apprécié des touristes

« La Bretagne n’est pas une terre de vin. Ici, c’est la bière, car nous sommes aussi une région festive et proche de l’Angleterre », constate Matthieu Breton. De plus, les annuels afflux touristiques ne vont pas empirer les choses. Plus qu’un produit gastronomique, la bière bretonne devient un produit local que l’on rapporte en souvenir. Et comme de nombreux villages bretons possèdent désormais leur propre breuvage, il devient aisé de repartir avec la bouteille du coin. « On sait que les communes triplent leurs ventes l’été. Les touristes mangent et boivent local », remarque Matthieu Breton. Nos jeunes brasseurs de La Louarn l’ont bien compris. « En ce moment, on travaille pour pouvoir sortir de nouvelles bières pour le printemps et l’été. C’est à ce moment-là qu’on réalisera nos meilleurs chiffres ».

Matthieu Breton : « En Bretagne nous avons de nombreux festivals qui contribuent aussi au développement de la bière locale »

Microbrasseries et microrisques

Ces multiplications posent le problème de la bière à étiquette. « Le risque est que l’on retrouve des bouteilles de Morlaix fabriquée en Belgique par exemple. Le côté local paraît présent, mais ce n’est qu’une façade », prévient Gabriel Thierry. L’autre problème concerne le mythe de la bière bretonne en lui-même. « Aujourd’hui, même s’il en existe d’excellents, le beaujolais a perdu de sa superbe, car certaines bouteilles très peu chères n’ont pas été bonnes », signale le gérant de Coreff. « Oui, ça a toujours été comme ça. Il y en a des réussies et d’autres moins. C’est ce qui fait de la bière un produit vivant », répond le journaliste.

Et la multiplication des microbrasseries ? Ce n’est pas un problème. Même s’il en existe, il y a plus d’ouverture que de fermeture. Du moins pour l’instant. Pas de quoi inquiéter les deux brasseurs de La Louarn. « Le marché reste très ouvert, car la réglementation est faible. Cependant, les charges administratives sont assez élevées », constate Corentin Le Tallec. Il est donc peu recommandé de se lancer seul. « Dans les années 90, on observait déjà des craintes sur la multiplication des microbrasseries. Seulement, il y en avait une vingtaine à ce moment-là. Et depuis, économiquement il y a de très belles réussites », remarque Gabriel Thierry.

Et la bière du futur ?

Tous ces microbrasseurs encouragent aussi l’agriculture locale. On s’aperçoit que des filières 100 % bretonnes se mettent en place dans la production d’orge et de malt, les composants de la bière. « Les producteurs de houblons sont en hausse », s’aperçoit le journaliste. Diverses expérimentations commencent à émerger, à commencer chez nos brasseurs de La Louarn. « On teste constamment différentes choses tournées vers le local et le bio ». Ils tentent aujourd’hui de placer leurs créations dans de grands fûts. D’autres s’essaient à de la bière sauvage avec une levure et une flore sauvage. La mousse a encore beaucoup d’avenir…

« La bière reste un produit festif, avec un goût surprenant et différent. Lorsqu’on visite une brasserie, il ne faut pas hésiter à demander cinq petits galopins de diverses saveurs ».

La bière, bien que délicieuse, reste un breuvage alcoolisé à consommer avec modération.

Brasserie Louarn : 9 allée Claude Debussy, 35000 Rennes. 06.65.68.48.56

Coreff : 2 place de la gare, 29270 Carhaix. 02.98.93.00.70 contact@coreff.bzh

Gabriel Thierry : La bière bretonne, histoire, renaissance et nouvelle vague paru aux éditions Du coin de la rue. Gabriel Thierry donnera également une conférence sur le renouveau de la bière bretonne au Craft Beer de Saint Malo samedi 9 mars à 15h15.

Craft Beer Saint-Malo : du vendredi 8 au dimanche 10 mars. Vendredi : De 17h à 20h, samedi de 12h à 22h et dimanche de 12 à 19h. Le Quai : Bassin Duguay-Trouin, 35400 Saint-Malo.

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