Cette année encore, nombreux furent les passionnés de rock et autres amateurs qui se sont déplacés pour le 11e Binic Folks Blues Festival. Fidèle à lui-même, ce dernier a offert une programmation plutôt variée qui continue de mettre à l’honneur le rock garage et les dérivés les plus électriques du blues. Nous avons retenu pour vous trois concerts parmi tous ceux de ces trois journées, avec les performances d’Henry’s Funeral Shoe, Handsome Jack et Hudson Maker.
Comme de coutume depuis 11 ans, le port de Binic a vibré une fois de plus aux sons du Binic Folks Blues Festival. Depuis sa création en 2008 par l’association La Nef Des Fous et le label Beast Records, il continue d’attirer un nombre de plus en plus croissant de festivaliers. Et ces derniers sont parfois venus des quatre coins de la France pour participer à cette expérience unique parmi toutes celles qui animent l’été musical breton. Outre ce cadre balnéaire rafraîchissant, force est de constater que le festival tient toujours ses promesses et a proposé cette année une programmation qui, même si elle reste principalement axée sur le rock garage, valorise toujours une variété de styles dérivés du blues. Parmi les artistes et groupes qui s’y sont produits, trois d’entre eux ont particulièrement retenu notre attention…
La première journée du vendredi 26 juillet fut rythmée notamment par le retour d’Henry’s Funeral Shoe. Le duo, formé en 2008 par les frères Aled et Brennig Clifford respectivement guitariste et batteur, avait déjà marqué le festival de sa présence à trois reprises, dont la dernière remonte à 2015. Quatre ans après, les Gallois ont récidivé et, une fois arrivés à 19h sur la scène Pommelec, ils ont commencé leur set par « High Shoulders Everywhere », morceau extrait de leur prochain album « Smart Phone, Rabbit Hole » dont la sortie est prévue pour le 20 septembre.
Tout au long de ce concert, les deux musiciens ont déployé un rock rugueux et rageur proche du heavy blues, caractérisé notamment par un jeu de guitare électrique constitué des powerchords percutants et de sonorités saturées. Une esthétique qui leur a souvent valu d’être comparés aux Black Keys et aux White Stripes, groupe dont ils ont d’ailleurs assuré certaines premières parties. Cependant, leur style musical semble davantage lié à des influences tirant du côté de groupes tels que les Who, dont Aled avait découvert les albums dans la collection de disques vinyles de son père. Armé de sa Stratocaster blanche, le guitariste et chanteur du duo y a également exploité une vocalité hurlante et hyper saturée, qui peut parfois rappeler celle de Julian Casablancas des Strokes en même temps qu’elle évoque les canons du punk rock.
À l’oreille, on perçoit également dans la musique d’Henry’s Funeral Shoe une certaine inspiration blues, notamment à travers les ostinato qui structurent la plupart de ces chansons et quelques passages en « glissandi » réalisés occasionnellement au bottleneck par Aled Clifford. Cet emprunt est manifeste entre autres dans « Grown So Angry », morceau construit sur un ostinato aux mélodies ascendantes et descendantes. On a également apprécié leur interprétation de « Second Hand Prayer » (issu du premier album « Everything’s For Sale » sorti en 2009), au tempo débridé et aux lignes mélodiques de guitare aux légères allures de boogie woogie. Toujours est-il que jusqu’à la dernière chanson, leur morceau éponyme « Henry’s Funeral Shoe » au riff explosif, les deux frères ont su dynamiser à eux seuls le public qui ne s’est pas laisser distraire par la pluie.
Le samedi 27 juillet à 20h30, c’est une ambiance différente mais non moins électrisante qui a plané lors du concert de Handsome Jack à la scène Banche. Ce groupe fondé en 2004 est originaire de la ville américaine de Lockport, dans l’État de New York. Il réunit Jamison Passuite à la guitare et au chant, Joey Verdonselli à la basse, Phil Allport à la guitare et aux claviers, ainsi que Steve Sandman à la batterie. Leur premier passage au festival fut l’occasion pour eux de délivrer un blues rock jouissif qui s’affirme dès les premières notes de « Keep On », la première chanson de leur set également présente sur leur dernier album « Everything’s Gonna Be Alright » (2018). Leur musique présente donc certains éléments fondamentaux du blues (notamment les fameux ostinatos et glissandi au bottleneck pré-cités), combinés à des sonorités de guitare saturées qui font ici écho aux styles rock de la fin des années 60 et des années 70.
Dès la première écoute, la voix saturée et très lyrique de Jamison Passuite conquiert immédiatement et elle s’avère très proche de celle de John Fogerty, le chanteur et guitariste de Creedence Clearwater Revival qui a jadis oeuvré à populariser ce blues rock à l’américaine. Dans certaines chansons comme « City Girls », on retrouve d’ailleurs des parcours harmoniques très proches de ceux des esthétiques country et qui sont très présents dans les morceaux de Creedence. Mais au-delà de cette ressemblance, on constate très vite que le chanteur d’Handsome Jack possède une assez grande souplesse vocale qu’il démontre à plusieurs occasions. Ainsi, on savoure, dans des morceaux comme « Echoes », ses envolées parfois lyriques dans les aigus et des inflexions mélodiques souvent plaintives et terriblement bluesy, qui le rapprochent davantage de Robert Plant de Led Zeppelin ou encore de Steve Marriott de Humble Pie. On le remarque notamment dans « Getting Stronger », morceau structuré autour de powerchords détonants qui peuvent évoquer l’esthétique pré hard rock de Led Zeppelin dans leurs premiers albums. Pendant le morceau « Between The Lines », ses mélismes (en chant, interprétation de plusieurs notes sur la même voyelle) semblaient plutôt refléter les influences gospel et soul du groupe, lequel revendique sa musique comme étant de la « boogie soul ». Par ailleurs, on eut droit à un solo de guitare incandescent, voire brûlant de passion au milieu de la chanson « Bad Blood ». Quant à « Baby Be Cool », elle est construite sur des enchaînements d’accords un peu plus mouvants, ainsi qu’un rythme marqué et lent, qui ont installé une ambiance véritablement sensuelle.
À l’issue de leur performance, la musique d’Handsome Jack semble ainsi avoir fait l’unanimité parmi les festivaliers et son charme semble avoir d’autant plus opéré que ces derniers n’ont pas manqué d’applaudir chaleureusement les musiciens à de nombreuses reprises.
Enfin le dimanche 28 juillet, le groupe rennais Hudson Maker donna à la scène Cloche ce qui fut sans doute l’une des performances les plus ébouriffantes de cette dernière journée du festival. Il fut créé en 2013 par le contrebassiste Tof (habitué du festival binicais et officiant également pour Sleeper Bill & Mr. Tof), le guitariste et chanteur Alban, ainsi que le batteur Francky. À travers leurs deux albums sortis en 2014 et 2018, le groupe s’est mis un point d’honneur à interpréter leurs compositions dans le style du rockabilly des années 50. Lunettes noires calées devant les yeux, à la manière des Blues Brothers, ils ont immédiatement attaqué leur concert par « Me I Like », l’un des morceaux de leur premier opus « Crazy Train » sorti en 2014 sur le label Beast Records.
D’entrée de jeu, ils ont déployé une rythmique rapide syncopée, énoncée à la batterie par Francky et renforcé par le jeu percussif de Tof à la contrebasse à la manière de Bill Black, l’un des musiciens de studio ayant accompagné Elvis Presley sur ses premiers succès. De même, Le jeu souvent virtuose et enflammé d’Alban à la guitare, rappelle presque immédiatement celui de Scotty Moore, autre musicien qui épaula le King pendant les années 50. Cette inspiration transparaît notamment à travers ses explorations mélodiques dans les aigus, parallèlement à d’autres lignes mélodiques au registre plus grave et dans le style « honky tonk » qui font davantage écho aux premiers morceaux enregistrés par Johnny Cash aux mêmes studios Sun de Memphis. On retiendra aussi qu’au milieu de ces chansons rockabilly et honky tonk, le groupe a également interprété le morceau « Can You Help Me ? », l’une de leurs compositions dans l’esthétique plus ancienne du « bluegrass » (style de country dont l’émergence fut attribué à l’artiste américain Bill Monroe au début des années 40).
En l’espace d’une heure, Hudson Maker nous a ainsi entraîné dans un véritable voyage musical dans le Sud des Etats-Unis, si loin de nous géographiquement mais si proche de nous d’un point de vue musical. D’ailleurs, l’enthousiasme qu’ont suscité les chansons des Rennais sur les festivaliers atteste de l’aura et de la formidable puissance émotionnelle du rockabilly, qui continue de séduire de générations en générations. Pendant leur reprise du morceau « Matchbox » de Carl Perkins , on a pu observer des jeunes gens effectuer quelques déhanchements de twist et parfois même quelques petites chorégraphies de danse rock’n’roll. Il n’en fallait pas plus pour que le trio soit pressé d’un rappel qui lui a permis de donner une reprise survitaminée de « Get Rhythm » de Johnny Cash, au cours de laquelle Alban a démontré encore plus de virtuosité au cours de son solo à la guitare. Un beau moment de communion qui s’est donc terminé dans l’allégresse.
Bien sûr, cette chronique n’est qu’une petite sélection parmi les 40 groupes qui ont su ravir les participants du Binic Folks Blues Festival. Rendez-vous pris en juillet 2020 pour la 12 édition de ce festival décidément pas comme les autres…
BINIC FOLKS BLUES FESTIVAL
Association La Nef-D-Fous
Mairie de Binic
2 Quai de Courcy 22520 Binic
Les moments forts de l’édition précédente sont ici.