Le 2 octobre 2023, on dénombrait 97 féminicides en France, dont 84 ont été commis par des ex maris et ex compagnons. Hélas, leur nombre ne diminue pas : en 2022, on enregistrait 118 meurtres commis au sein du couple. La région Bretagne, à elle seule, a enregistré 32 féminicides entre 2017 et début 2023. Certaines femmes qui ont échappé à l’enfer de la maltraitance masculine ont décidé de témoigner, et sont devenues auteures : elles s’appellent Claire Berest, Christelle Naulet et Florence Torrollion. Un homme témoigne également, Louis Bocquenet.
L’appellation du féminicide en français ou femicide est popularisée en anglais dans les années 1980 par la Britannique Jill Radford. Sa définition est : un meurtre de femmes commis par des hommes parce ce que sont des femmes.
Partout, on constate une explosion des féminicides ! Mais, c’est en Grèce que l’on compte la plus forte augmentation du nombre : de 8 meurtres en 2020, il est passé à 23 en 2021. Les féminicides sont commis la plupart du temps au domicile de la victime. L’agresseur est souvent sans activité professionnelle, au chômage, parfois retraité. Par contre, les associations féministes constatent que leur augmentation survient surtout en période estivale et pendant les vacances de fin d’année. Elles en expliquent les différentes raisons : les vacances sont un moment de proximité en famille où la violence peut se décupler ; certaines femmes maltraitées refusent de partager leurs congés avec le mari violent et profitent de ce moment pour quitter le foyer et espérer un meilleur avenir avec leurs enfants pour la rentrée ; l’isolation de la victime est accentué pendant les vacances et l’agresseur se consacre encore plus à son obsession de domination.
En Bretagne, une analyse de l’âge des victimes de féminicides a été étudiée depuis 2017. Il apparaît que deux tranches d’âge sont plus représentées : les femmes de 31 à 40 ans et les femmes de plus de 80 ans. En ce qui concerne les auteurs de féminicides bretons, la tranche d’âge de ces hommes se situe entre 41 ans et 50 ans.
Dans les cas des 32 féminicide en Bretagne, trois modes opératoires ont été employés par des hommes contre leur épouse, compagne ou ex compagne : douze ont été commis avec arme à feu ; onze par des coups portés à la main ou par des étranglements ; neuf ont été poignardées à l’arme blanche (la méthode la plus répandue en France). Selon d’autres données, toujours en Bretagne, une fois sur trois le meurtrier, coupable d’un féminicide, met fin à ses jours juste après le drame. Sur les 32 féminicides depuis 2017, treize hommes se sont pendus ou ont retourné l’arme contre eux.
La Bretonne Christelle Naulet à titré son livre Piégée, une biographie sortie le 7 juin 2023.
Le livre, c’est 282 pages pour raconter l’enfer qu’a vécu l’auteure pendant 21 ans auprès d’un pervers narcissique. C’est le témoignage captivant d’une femme dont la résilience n’a d’égal que sa force de survie, car un pervers ne change pas d’attitude, il change juste de victime !
À 50 ans, Christelle Naulet veut comprendre ce qui l’a conduite à tomber dans ce piège. Elle revient sur son enfance et sur l’origine de ce voile qu’elle a posé sur ses yeux pendant tant d’années. Elle raconte comment elle a occulté les signes de cette relation toxique, placée sous le joug de la manipulation affective et de l’emprise.
Aujourd’hui, l’auteure ne souhaite qu’une chose : que sa vérité soit dite enfin haut et fort sur cet homme qui l’a emprisonnée dans sa toile pendant toutes ces années ! Des travers juridiques aux lenteurs administratives, elle brosse un tableau sans fioritures des embûches qui ont été mises sur son chemin de femme et de mère. Pour elle, l’écriture de ce livre a été une thérapie et aussi un moyen d’aider ses enfants à comprendre ce qu’elle a vécu ! Aussi, j’espère que mon histoire pourra servir à d’autres papillons aux ailes cassées qui n’ont pas encore conscience que leur prédateur est en train de tisser une toile mortelle dans leur tête.
L’écrivaine Claire Berest est la petite-fille de l’homme politique breton Eugène Berest (1922-1994) et ancien maire de la ville de Brest dans le Finistère de 1973 à 1977.
Claire Berest vient de sortir son dernier livre intitulé L’épaisseur d’un cheveu aux éditions Albin Michel le 23 août dernier. L’auteure met en place un compte-à-rebours avec une extrême précision et livre dans son roman une fascinante autopsie d’un homme qui est en route vers la folie.
Etienne et sa femme Vive, délicieusement fantasque, forment un couple solide et amoureux depuis dix ans. Parisiens éclairés qui vont de vernissage en concert classique, ils sont l’un pour l’autre ce que chacun cherchait depuis longtemps. Mais quelque chose va faire dérailler cette parfaite harmonie : ce sera aussi infime que l’épaisseur d’un cheveu, aussi violent qu’un cyclone qui ravage tout sur son passage. Il était alors impossible d’imaginer que trois jours plus tard, dans la nuit de jeudi à vendredi, Etienne tuerait sa femme…
À Saint-Brieuc dans les Côtes d’Armor, Florence Torrollion, a confié sa vie, son histoire dans un livre titré Ma mort dans ses yeux. Le livre raconte sa descente aux enfers et la mort qu’elle voit de près, de par l’obsession d’un homme qui la blesse grièvement au visage avec son arme blanche en 2014.
Quand à la fin des années 1980, Florence qui vit à Saint-Claude dans le Jura, rencontre l’autre, comme elle le nomme dans son livre, elle a 26 ans ; l’autre a 48 ans. Au début de la relation, l’autre la valorise, la comble de présents, etc. L’autre sait profiter de ses failles, de ses anciennes blessures car il sait que Florence a subi des violences de la part de sa mère dans son enfance. L’autre qui n’est pas célibataire se partage entre sa famille et Florence. Petit à petit, les violences psychologiques s’installent et Florence est rabaissée, humiliée, harcelée et dénigrée. Elle tente à plusieurs reprises de partir, mais l’emprise est en train de s’installer et Florence reste ! En 2007, aux violences psychologiques s’ajoutent maintenant les violences physiques (nez fracturé et séjours à l’hôpital, etc.), économiques et sexuelles. C’est l’enfer, l’autre surveille et contrôle tout.
Le 14 mai 2014, l’autre est armé d’un couteau et arrive sur le lieu de travail de Florence, la blesse au bras et à la main, la frappe au visage et lui ouvre la joue de la commissure de la lèvre jusqu’à l’oreille, car il vise le cou. Florence doit sa vie à ses collègues, à son entourage présents sur le lieu de l’agression. L’autre est interpellé et incarcéré en détention provisoire. Au bout de dix-huit mois de prison, l’autre est remis en liberté avec un bracelet électronique. Florence a très peur et décide de quitter le Jura et de se réfugier en Bretagne en août 2014. L’autre décède en juillet 2017 quelques mois avant d’être jugé. La justice déclare un non-lieu.
Florence gardera toute sa vie des cicatrices dans le visage. Aujourd’hui, elle continue la lutte pour elle et pour les autres. Devenue psychopraticienne, elle s’est spécialisée dans l’accompagnement, l’aide et l’écoute des victimes.
Il y a aussi le témoignage d’un homme : « J’avais le devoir de témoigner ! », dit-il aujourd’hui. Louis Bocquenet, résidant à Saint-Brieuc dans les Côtes d’Armor, est un ancien footballeur du stade rennais. Il a 73 ans quand il publie fin 2020 La passagère aux éditions Les Archives dormantes.
Il devient psychologue de profession, après la terrible épreuve qu’il va vivre dans sa jeunesse : Louis fait face au meurtre de Odile sa bien-aimée alors qu’il est âgé de vingt-quatre ans. La jeune femme est tuée par son ex petit ami. À l’époque, Louis rédige un journal, le témoignage de ce drame dont il publie le livre cinquante ans plus tard. La passagère est une histoire d’amour vécue et celle d’un meurtre que l’on qualifie de nos jours de féminicide !
Au moment du drame, le jeune homme a trouvé un petit boulet au Maroc. La jeune fille disparaît en janvier 1971. Son corps est retrouvé deux mois plus tard par des promeneurs sur une plage du cap d’Erquy (22). L’ex petit ami d’Odile avoue l’avoir étranglé. Louis Bocquenet tente, lui, de surmonter sa peine à travers les poèmes et le ballon rond.
RAPPEL : En France, sur les 118 femmes victimes de féminicide l’année dernière, 24 d’entre elles avaient déposé une plainte ou une main courante, pourtant une femme meurt tous les trois jours dans notre pays. Chaque heure qui passe, les forces de l’ordre interviennent à 38 reprises pour des violences conjugales.
Vendredi 6 octobre à Pierre-Bénite (69), une femme a été poignardée par son conjoint en présence de leurs quatre enfants mineurs. Cela porte le nombre de féminicides à 98 pour 2023.
Numéro d’urgence, disponible 24 heures sur 24 : 3919.