Les Champs Libres accueillent l’historien Fabien Lostec vendredi 20 septembre dans le cadre des Journées européennes du matrimoine et du patrimoine. Après La Libération, en 1944, de nombreuses épurations dites sauvages ont frappé des villages bretons. Les études recensent 581 personnes exécutées en Bretagne, dont un tiers de femmes. Notre partenaire, la chaîne TVR, revient sur le cas de trois femmes accusées à tort et pendues à Monterfil le 4 août 2024.
Le cas de la région Bretagne à la fin de la Seconde Guerre mondiale est particulier. Si le niveau de résistance a été somme toute similaire à d’autres régions, la Bretagne comptait une minorité collaborationniste très active formée à partir de militants nationalistes bretons. En son sein, le Parti National Breton (PNB) fut le parti politique le plus collaborationniste en Bretagne. Les chefs du PNB, dont Olivier Mordrelle, dit Oliver Mordrel, et Fransez Debauvais, réfugiés à Berlin, profitèrent de la débâcle française pour rentrer en Bretagne dans les fourgons de l’occupant. Le PNB et ses affiliés mirent au service des Allemands une formation nationaliste et ethniciste, indépendantiste, anti-démocratique, influencée par les celtisants allemands et complaisante à l’égard de la xénophobie et de l’antisémitisme.
Dans ce cadre, après la défaite de 1940, écartant la question de l’autonomie de la Bretagne, les Allemands ont utilisé ces bretons autonomistes et agents collaborateurs dans des opérations militaires ou des actions de répression contre les résistants qui défendaient aussi bien la République française que l’idéal d’une commune liberté. Symbole de ce collaborationnisme effréné, le chemin du Breton Célestin Laîné, qui était en lien avec l’Abwehr dès les années 20, va de la création vers 1936 du Kadervenn des organisations nationalistes bretonnes au Lu Brezhon (armée bretonne crée en 1940) avant de devenir le Bezen Perrot, la Légion Waffen SS bretonne en 1943. La France aura connu durant l’Occupation allemande 3 légions SS : la Französisch SS-Freiwilligen-Sturmbrigade, la 33e division SS Charlemagne et la légion bretonne Bezen Perrot.
En 1944, après La Libération, nombre de Français – résistants ou non – se lancèrent dans une chasse aux collaborateurs, ce que les historiens nomment “l’épuration extra-judiciaire”. Elle visait les personnes qui avaient collaboré avec les autorités d’occupation allemandes. Appelée aussi “épuration de voisinage”, “épuration populaire” ou “épuration sauvage”, elle a entraîné la mort d’environ 9 000 personnes.
« En Bretagne, les pouvoirs publics et la population bretonne ont d’abord cédé à une ” mémoire-panique “, surestimant les dangers (insurrections) du PNB. Toutefois, c’est avant tout comme collaborateurs que les membres du Parti Nationaliste Breton ont été réprimés ; du reste tous n’ont pas été inquiétés, environ 15 à 16 % des membres du PNB ont été traduits devant les tribunaux, rares sont les sympathisants à avoir été jugés. Ce qui fait de l’épuration un épiphénomène dont la réalité est très éloignée de l’image mythique d’une répression massive, entretenue par la mémoire traumatisée des nationalistes bretons », lit-on dans Bretagne et identités régionales pendant la Seconde Guerre mondiale, Acte du Colloque de Brest, 15-17 novembre 2001.
Sur 651 femmes condamnées en France à la peine capitale à la Libération, 46 ont été réellement exécutées. Dans le cadre des nombreuses épurations qui ont frappé des villages bretons, les femmes accusées étaient souvent tondues. « Au début de 1944, des femmes sont brutalisées à Mûr-de-Bretagne dans une zone où un maquis de l’Armée secrète (AS) vient de se former. Mais sous réserve d’inventaire, des opérations de « tontes » de femmes à domicile sont signalées à partir de mai 1944 dans la région de Guingamp, celle où les FTP qui ont reçu des parachutages d’armes en février-mars sont très actifs », écrit Christian Bougeard dans son ouvrage La Résistance et les Français, Enjeux stratégiques et environnement social, chapitre « Résistance et épuration sauvage en Bretagne », publié aux éditions PUR en 1995. « Le 5 mai, une trentaine d’individus rase les cheveux de cinq filles à Carnoët. C’est le début d’une série d’opérations du même genre qui semble répondre à un mot d’ordre, en ville à Guingamp, mais aussi dans des villages où existent des groupes ou des maquis FTP, à Plouisy, Locarn, Lanrivain. »
Au total, 581 personnes ont trouvé la mort en Bretagne : 11 victimes en Ille-et-Vilaine, 243 dans les Côtes-du-Nord, 214 dans le Morbihan compte et 113 dans le Finistère 113, dont un disparu enlevé par la Résistance. « De plus, un homme et une femme détenus par les FFI se sont suicidés dans leur cellule à Pont-Aven le 16 octobre 1944. »
Dans l’ouvrage Les Françaises, les Français et l’épuration, publié aux éditions Gallimard en 2018, les historiens François Rouquet et Fabrice Virgili apportent un regard nouveau sur le terme “épuration sauvage”. Si on ne peut ni nier la soif de vengeance à la fin de la Seconde Guerre mondiale, ni légitimer les tontes de femmes et les pendaisons à la va-vite des personnes suspectées qui ont bien eu lieu, ce ne fut pas le bain de sang dépeint, mais des actions majoritairement pilotées et anticipées. « Contrairement à la légende noire, il y eut peu de « règlements de comptes », ce qui constituait un tour de force dans la mesure où il y avait quantité de comptes à régler. Au total, le nombre d’exécutions sans jugement, pratiquées une fois le lieu libéré et l’occupant parti ou fait prisonnier, se situa entre 1 500 et 2 000 », écrit le professeur émérite d’histoire Laurent Douzou dans un article au sujet du livre de François Rouquet et Fabrice Virgili. Le terme semble une construction née en France dans les années 1980, après la sortie de L’Épuration sauvage de Philippe Bourdrel en 1988 précisément.
Cependant, que le terme soit aujourd’hui galvaudé ou non, on ne peut pour autant faire l’impasse, ne serait-ce que d’un point de vue historique, sur les victimes innocentes de l’épuration. TVR35 raconte l’histoire de trois femmes, accusés à tort d’avoir dénoncé des résistants et pendues le 4 août 1944 : Marie et Germaine Guillard, mère et fille originaires de Monterfil, et Suzanne Lesourd, arrivée de l’Aisne. Un hommage leur a été rendu le 4 août dernier dans les bourgs d’Iffendic et de Monterfil.
INFOS PRATIQUES
Conférence « 1944-1951 : l’épuration des femmes collaboratrices » de Fabien Lostec
20/09/2024 à 17h30
5e étage de la Bibliothèque des Champs Libres (durée : 1h).
Entrée gratuite
Encore un article tronqué et faux déjà sur le nombre de victimes en Bretagne le chiffre de la Loire Atlantique n’étant pas communiqué ,peut-être parce que c’est le régime hitlérien qui a créé les pays dits de Loire encore d’actualité dans la France négationniste d’aujourd’hui sur l’identité bretonne . le PNB a été créé pour lutter contre l’état français pour libérer la Bretagne du nationalisme étriqué de ce pays voisin et les collabos français ont été en pourcentage largement supérieur à ceux de Bretagne ! les français passent leur temps à voir la paille dans l’oeil de leurs voisins sans voir la poutre qui est dans le leur ! malheureusement aussi le colonialisme français perdure encore aujourd’hui dans cette ripoublique !