BY THE RIVERS OF BABYLON, CHANT DE RÉSISTANCE DE KEI MILLER

Romancier et poète, Kei Miller est né en 1978 à Kingston, en Jamaïque, où il a grandi. Il vit au Royaume-Uni. Après L’authentique Pearline Portious, son premier roman traduit en français, By the Rivers of Babylon a la force d’un accomplissement. Kei Miller sera en France du 23 au 26 novembre 2017.

Sur les bords des fleuves de Babylone, Nous étions assis et nous pleurions, en nous souvenant de Sion. Aux saules de la contrée Nous avions suspendu nos harpes. Là, nos vainqueurs nous demandaient des chants, Et nos oppresseurs de la joie : Chantez-nous quelques-uns des cantiques de Sion ! (A.T. Psaume 137)

BY THE RIVERS OF BABYLONE KEI MILLER

By the Rivers of Babylon prend place sur les hauteurs se dresse Beverly Hills, le quartier huppé de Kingston qui exhibe d’audacieuses villas de plusieurs étages. Juste en dessous, dans la plaine, les maisons en béton et ciment s’organisent de manière anarchique autour de rues au nom de fleurs. C’est le quartier nommé Mona. Tout au bout de la voie rapidement dégradée se dresse dans une morne vallée : le quartier pauvre d’Augustown (imaginaire, mais semblable au lieu bien réel d’August Town).

C’est là qu’habite la communauté rasta, notamment Ma Taffy, sa nièce Gina et le fils de cette dernière, Kaia. Ce matin-là, le jeune garçon rentre en pleurs de l’école. Le maître d’école, Monsieur Saint-Joseph, lui a coupé ses dreads. Malgré sa cécité, Ma Taffy sent de suite poindre une journée d’autoclapse : une journée de révolte. Pour consoler l’enfant, elle lui raconte l’histoire de Bedward, le prêcheur volant. Dans la lignée de Marcus Garvey, Bedward fut un prophète dont le pouvoir de lévitation redonna espoir au peuple rastafari.

La pierre que les tites-gens comme nous ont sur la tête, Irène. On l’a dès qu’on est né, là, au-dessus du crâne. C’est elle qui nous empêche de nous relever.

BY THE RIVERS OF BABYLONE KEI MILLER

S’élève alors la voix d’un peuple que les Babyloniens veulent étouffer, s’en prenant à la seule chose qui leur reste : leur croyance. Le prédicateur symbolise l’espoir d’une liberté qui, enfin, peut donner des ailes, emporté par le chant de toute une nation.

Existe-t-il de désir plus humain que celui de s’élever, de voler ?

Le récit de Kei Miller est celui d’une seule journée : quand un homme blanc porte une nouvelle fois atteinte au signe distinctif d’un enfant innocent. Les dreads sont un signe de force pour les rastas. Mais il est jalonné d’autres histoires, celle des hommes que ce maudit pays a décidé de mettre à terre. Bien sûr, Ma Taffy raconte l’histoire du prêcheur volant, mais il y a aussi celle de Clarky, le marchand ambulant qui s’est pendu alors que la police venait de lui raser la tête. Ou celle plus récente de la jeune Miss G. amoureuse d’un jeune homme de Beverly Hills.

À travers la découverte de plusieurs personnages, l’histoire de cette journée fatale progresse avec une tension de plus en plus palpable. Comme Ma Taffy, le lecteur sent monter l’odeur de cette journée, étrange, douceâtre et suffocante.

La directrice de l’école, Madame G., « l’importante-femme-grand-quelqu’un de la société », que l’on apprend à connaître au cours du roman, aurait peut-être pu changer la donne. Mais, nous sommes en Jamaïque : les noirs et pauvres ne sont rien face aux « Blanc-tite-cuiller-en-argent. »

BY THE RIVERS OF BABYLONE KEI MILLER

Avec cette fiction By the Rivers of Babylon Kei Miller rappelle qu’après leur liberté acquise en 1838 (date d’abolition de l’esclavage dans cette colonie britannique), les rastas se sont installés à Augustown. Terre d’asile où le gouvernement jamaïcain a maté leur rébellion dans les années 30. En référence à la Bible, Babylone, symbole du monde occidental écrase Sion, le territoire perdu de l’identité rastafari.

Vole, vole, jusqu’à Sion, vole, vole jusqu’à la maison. Dans la lumière du matin, le travail aura pris fin, Vole, vole, l’homme vole, s’envolera vers sa maison.

By the Rivers of Babylon s’élève comme un véritable chant de résistance et de liberté d’un peuple qui souhaite simplement échapper aux tourments de la terre, aux jugements injustes de ceux qui les regardent de haut.

By the rivers of Babylon Kei Miller (Augustown, traduit par Nathalie Carré), Zulma, 7 septembre 2017, 304 pages, 20,50 euros.

À lire également : 6 romans à ne pas manquer, la rentrée littéraire 2017.

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Marie-Anne Sburlino
Lectrice boulimique et rédactrice de blog, je ne conçois pas un jour sans lecture. Au plaisir de partager mes découvertes.

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