Les enfants aiment le principe du calendrier de l’Avent, les adultes aussi — surtout s’ils sont gourmands. Il permet de patienter jusqu’à Noël de façon agréable : pendant vingt-quatre jours, on ouvre les petites fenêtres en carton du calendrier et on déguste chaque jour un chocolat caché. Mais ça, c’était avant. Aujourd’hui, les calendriers de l’Avent réservent bien d’autres surprises que les friandises. D’où vient cette tradition, et depuis quand existe-t-elle ?
Avant de parler du calendrier de l’Avent, rappelons ce qu’est l’Avent. Dans la tradition chrétienne occidentale, l’Avent est la période qui commence le quatrième dimanche avant Noël — le dimanche qui tombe entre le 27 novembre et le 3 décembre, donc au plus proche de la Saint-André (30 novembre). Le mot Avent vient du latin adventus, « avènement », « arrivée » : l’attente de la venue du Christ, célébrée à Noël, et plus largement l’attente de sa venue dans l’histoire et dans les consciences. L’histoire liturgique est progressive : au fil des siècles, des usages se fixent, et la tradition romaine est structurée, entre autres, par le travail liturgique de Grégoire le Grand (VIe siècle), sans que l’on puisse réduire la naissance de l’Avent à un seul « fondateur ».
Cette attente prend des formes différentes selon les confessions. Dans l’Occident chrétien, l’Avent n’est plus aujourd’hui une période de jeûne strict pour la plupart des fidèles, même s’il garde une tonalité de préparation et de sobriété. Dans les Églises orthodoxes, en revanche, on observe un jeûne de la Nativité (souvent quarante jours, à partir de la mi-novembre), qui demeure une pratique importante de préparation spirituelle.
L’Avent a aussi engendré des traditions populaires, dont la couronne de l’Avent. On dispose quatre bougies sur une couronne de rameaux et l’on en allume une chaque dimanche précédant Noël. Les rameaux verts symbolisent la vie qui persiste au cœur de l’hiver, tandis que la flamme des bougies évoque l’espérance et la vigilance : une lumière qui grandit, semaine après semaine, à mesure que l’on s’approche de Noël.

L’hypothèse la plus souvent retenue par les historiens est que le calendrier de l’Avent s’enracine dans des pratiques de décompte et de « pédagogie domestique » apparues dans l’espace germanique, notamment dans des milieux protestants : on faisait patienter les enfants avec des images pieuses, des lectures, des marques à la craie sur une porte, ou de petites vignettes quotidiennes. En Bavière, au XIXe siècle, on évoque par exemple la coutume de donner chaque jour une image (souvent religieuse) à coller ou à afficher dans la chambre : bergers, anges, Sainte Famille, fleurs, jouets… En Autriche, on retrouve aussi des formes de préparation, parfois plus courtes, comme des traditions centrées sur une neuvaine précédant Noël.

Le calendrier de l’Avent, tel qu’on le connaît (un objet imprimé, conçu pour être utilisé jour après jour), se développe en Allemagne au tournant du XXe siècle. Plusieurs jalons existent. Des musées allemands rappellent par exemple qu’il existe des calendriers imprimés très précoces dès 1900 (protégés comme modèles d’utilité) et que, dans la décennie suivante, le typographe et éditeur munichois Gerhard Lang (souvent présenté comme l’inventeur ou l’un des grands popularisateurs du calendrier de l’Avent) contribue à en diffuser des versions commerciales. En 1908, il commercialise notamment une forme de calendrier imprimé inspirée de souvenirs d’enfance : un support et des éléments à détacher/coller. Puis, vers 1920, apparaissent les premiers calendriers avec de petites fenêtres (“portes”) à ouvrir, qui deviendront le standard.


La Seconde Guerre mondiale bouleverse cette tradition dans l’espace allemand. Le régime nazi cherche à marginaliser les symboles chrétiens dans l’espace public et à réorienter les usages de Noël. Le calendrier de l’Avent, très populaire, est en partie détourné : on voit apparaître un calendrier de propagande intitulé Vorweihnachten (« avant Noël »), produit par des services culturels liés à la propagande du parti. Les contenus changent : récits, comptines et chants réécrits, bricolages aux symboliques « germaniques » revendiquées, recettes… et, dans les années de guerre, une coloration militariste assumée (jusqu’à proposer, selon des exemples documentés, des motifs de chars en flammes ou de navires ennemis détruits dans des pages destinées aux enfants). Après 1945, le calendrier de l’Avent redevient ce qu’il était d’abord : un rituel domestique, tendre, répétitif, tourné vers l’attente.
En France, la tradition se diffuse surtout à partir des années 1950, d’abord comme une curiosité venue d’Allemagne, puis comme un produit saisonnier. Et c’est une date qui revient souvent : 1958, année fréquemment citée comme l’apparition des premiers calendriers au chocolat — une bascule décisive, qui installera durablement l’idée du « petit plaisir quotidien » derrière chaque case.

À notre époque, la grande distribution s’est emparée de cette coutume au point de la décliner à l’infini. Les calendriers de l’Avent d’aujourd’hui ne se limitent plus aux enfants : les adultes sont également ciblés, avec des calendriers thématiques. La vente ne se limite plus aux chocolats, aux bonbons et aux friandises : jouets, miniatures, échantillons, accessoires… les fabricants rivalisent d’imagination pour séduire tous les goûts.
Les calendriers de l’Avent pour adultes se révèlent parfois insolites : côté boissons, il existe des calendriers de thés, de cafés, de bières ; les gourmands trouveront des calendriers de dégustation (jusqu’aux fromages) ; les animaux de compagnie ont aussi leurs versions dédiées. On voit également des calendriers « boîte à musique », bijoux, cosmétiques. Et, pour les plus téméraires, des calendriers de l’Avent érotiques, très éloignés de l’origine religieuse du temps de l’Avent. Les prix, eux, s’étirent : de l’entrée de gamme autour d’une dizaine d’euros jusqu’à des versions luxueuses dépassant largement la centaine d’euros.
Au fond, le succès du calendrier de l’Avent tient à une idée simple : domestiquer l’attente. Pour les enfants, c’est un compte à rebours joyeux qui rend Noël plus proche, jour après jour. Pour les adultes, c’est parfois une façon de s’accorder une pause — un rituel minuscule, mais régulier — et, dans la fatigue de décembre, de réapprendre la douceur d’un temps qui se prépare, plutôt qu’un temps qui s’abat.
Sources
- Advent : définition, dates, histoire (synthèse) — Wikipedia (EN) : https://en.wikipedia.org/wiki/Advent
- Sur Grégoire le Grand et la structuration liturgique de l’Avent (rappel historique) — Norwich Diocese (Church calendar) : https://www.norwichdiocese.org/Stay-Informed/All-Diocesan-Articles/articleType/ArticleView/articleId/15573/How-Did-Advent-Come-to-Be-on-the-Church-Calendar
- Histoire des calendriers de l’Avent, jalons (1900 / 1908 / années 1920) — Weihnachtsmuseum (musée de Noël, Allemagne) : https://www.weihnachtsmuseum.de/en/adventskalender
- Gerhard Lang et la diffusion commerciale (1908 ; portes vers 1920) — Sellmer Verlag (historique de l’éditeur, repères chronologiques) : https://sellmer-adventskalender.com/en/pages/history-of-the-advent-calendar
- Instrumentalisation par le régime nazi et calendrier Vorweihnachten (contexte et exemples) — Wikipedia (DE) : https://de.wikipedia.org/wiki/Nationalsozialistischer_Weihnachtskult
- Premiers calendriers au chocolat souvent datés de 1958 (repère fréquemment cité) — Parenta (aperçu historique) : https://www.parenta.com/2017/12/08/a-short-history-of-the-advent-calendar/






