Rennes. Celles d’en dessous racontent leurs histoires au cimetière Saint-Cyr

Avec le spectacle Celles d’en dessous, la compagnie rennaise La Mort est dans la boite fait revivre cinq femmes inconnues ou illustres inhumées au cimetière Saint-Cyr de Rennes et alentours, 29 et 30 septembre 2023. Des histoires personnelles et des témoins de la vie locale seront réincarnés le temps d’une heure. Unidivers avait rencontré Laure Fonvielle, metteuse en scène et costumière de la cie, à l’occasion du weekend mortel des Tombées de la nuit en novembre 2022.

Vendredi 29 et samedi 30 septembre 2023, le cimetière Saint-Cyr accueillera un événement des plus originaux. Cinq comédiennes feront revivre, par leur voix et leur corps, cinq femmes « remarquables » inhumées, à travers les siècles, dans l’enceinte du cimetière. En imaginant un dialogue entre les vivants et les morts, la compagnie de théâtre rennaise La Mort est dans la boîte rend visible notre matrimoine, l’héritage de nos mères que l’on a longtemps invisibilisé. (republication d’un article de novembre 2022)

celles d'en dessous théâtre
Laure Fonvieille © C. Albain

La compagnie La Mort est dans la boîte est née dans les couloirs de l’université Rennes 2, en 2005. Le nom, trouvé à la hâte, trouve son origine dans la première adaptation de la compagnie, L’Écume des jours de Boris Vian, roman dans lequel une morte sort réellement d’une boîte pour tuer Jean-Sol Partre… Choix atypique, mais qui, on peut le dire, reste dans les esprits. Dirigée en coprésidence, la compagnie se professionnalise en 2010 après plusieurs projets amateur.

Partant toujours d’un fait réel, la compagnie est spécialisée dans le théâtre documentaire. « J’aime me passionner pour un sujet, c’est super intéressant de rencontrer des personnes, souvent passionnées par leur métier, et d’en faire un spectacle », déclare Laure Fonvieille, metteuse en scène et costumière. Après plusieurs années à monter une production, la première pièce de la troupe voit le jour en 2015. Azote et fertilisants, de l’auteur et membre de la compagnie de théâtre Ronan Mancec, traite de l’explosion de l’usine AZF de Toulouse. Suit, en 2020, Le Cœur de l’hippocampe, dont le point de départ n’est autre que la perte de mémoire des pères de Laure et Ronan. Pour cette deuxième pièce autour de la mémoire et des histoires, l’équipe a travaillé avec des neurologues.

azote et fertilisants
© Anaïs Tromeur

« La mort est très présente dans nos spectacles, je ne l’avais pas réalisé plus tôt, mais pas de manière morbide », souligne Laure Fonvieille. « Au théâtre, les morts sont des personnages comme les autres, ils peuvent exister, s’exprimer. » C’est d’ailleurs ce qui est à la source de la création de la pièce Celles d’en dessous, montée en 2019 à la demande de Nathalie Bidan, chargée de la mise en valeur du patrimoine funéraire à la ville de Rennes. « Elle nous a trouvés grâce au nom de la compagnie », s’amuse Laure.

Le service de la ville lui propose de monter un spectacle au cœur du cimetière de l’Est, qui raconterait la vie de personnes inhumées. Proposition originale, et très intéressante pour cette compagnie qui promeut le théâtre documentaire, mais « il n’y avait qu’une seule femme dans la sélection. » Militante féministe, la metteuse en scène s’empare alors du sujet et pense une création autour de la vie de femmes remarquables inhumées. Cette proposition associe toutes les sensibilités de Laure. D’abord, le costume, d’une grande importance car il constitue un des facteurs chronologiques qui permet de temporaliser l’histoire. « Le décor, c’est le cimetière, le costume est la seule chose visuelle. » Ensuite, le matrimoine et l’engagement militant pour ces histoires de femmes. Et enfin, le travail documentaire, puisqu’elle mène de véritables enquêtes plus ou moins périlleuses à chaque nouvelle réédition du spectacle. « Il y a certaines femmes connues dont on retrouve facilement des archives, mais d’autres avec seulement deux ou trois informations. Il faut creuser et chercher des documents pour reconstituer leur vie. »

Pendant une heure, à tour de rôle, les comédiennes incarnent ces femmes disparues à des époques différentes et guident le public dans le cimetière jusqu’à la tombe des personnages. Parmi celles de la première édition, il y avait Simone Alizon, morte à Auschwitz le 4 juin 1943 à l’âge de 22 ans, et la meurtrière Christine Papin, emprisonnée à la prison de Rennes et décédée d’anorexie mentale à l’âge de 32 ans. « On finit toujours le spectacle par une illustre inconnue, une femme pas connue pour ce qu’elle a fait, mais dont la famille veut bien nous raconter son histoire. Ça permet d’éviter l’écueil de l’exception. » Par ce choix, la compagnie veut montrer que toute vie mérite un récit, que toute vie est extra-ordinaire.

celles d'en dessous théâtre
© Mélodie Centurion

Depuis, le spectacle Celles d’en dessous a été joué plusieurs fois : au cimetière Nord de Strasbourg, au cimetière du Nord de Rennes, au cimetière Miséricorde de Nantes et plus récemment, à celui Sud de Strasbourg. « Les cimetières sont aussi de magnifiques parcs, on a le décor le plus fort qui puisse exister. » À chaque nouvelle représentation, les comédiennes incarnent des personnes enterrées dans le cimetière d’accueil. « C’est un travail documentaire, mais aussi sensible. Les comédiennes portent des histoires de femmes qui ont réellement existé, ce qui donne une tout autre dimension. » Plus l’interprète apprend des détails de la vie de la personne, plus elle peut enfiler ses chaussons, créant parfois des moments magiques et émouvants. « C’est fort, mais dans le bon sens du terme, c’est joyeux aussi de faire revivre ces femmes-là. »

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’axe principal du spectacle n’est pas la mort, mais bien la vie. Celles d’en dessous célèbre la vie de ces femmes et est propice à de belles rencontres. « Ces lieux très calmes sont aussi plein de vie. Des gens viennent, parfois tous les jours, pour rendre visite à leurs morts, se promener. Il existe des cimetières traversants comme à Nantes ou à Strasbourg Nord, c’est parfois plus simple de passer par le cimetière pour aller d’un quartier à un autre. »

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© Mélodie Centurion

Dimanche 6 novembre, de nouvelles femmes d’en dessous arpenteront le cimetière du Nord de Rennes. Et petit bonus, un petit gâteau préparé avec amour vous sera servi en début de spectacle. Histoire d’ouvrir l’appétit peut-être ?…

Après Christine Papin lors de la première en 2019, rendez-vous cette fois dans la fosse commune pour rencontrer une nouvelle meurtrière, jouée par Sandrine Jacquemont, et pas des moindres… D’autres femmes – résistante, autrice de bande dessinée et marquise -, seront interprétées par Sophie Renou, Inès Cassigneul et Camille Kerdellant, mais conservons un peu de mystère. Sachez seulement qu’une tombe recouverte aujourd’hui de lierre est à l’origine d’une légende locale datant du XVIIe siècle… « La cimetière du Nord est le premier cimetière construit à Rennes. À sa construction, ils ont rapatrié les corps des cimetières paroissiaux », renseigne la costumière. Dans un costume d’époque, Camille Kerdellant nous contera cette histoire pleine de mystère. Le rideau tombera après la rencontre avec Marie Brune, l’illustre inconnue interprétée par la comédienne Manon Payelleville.

En amont du spectacle, Laure Fonvieille participera au café mortel au TNB, 1 rue Saint-Hélier, vendredi 4 novembre à 19 h. Depuis quelques années, la coopérative funéraire de Rennes met en place des rencontres atypiques autour de thèmes très divers comme le paysage dans les cimetières. Dans ce rendez-vous sera abordé la notion de la mort par le prisme de l’art, notamment du spectacle vivant. C’est Lucile Milliard, créatrice du podcast « la mort, tout un art », qui animera le café.

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© Mélodie Centurion

Ce n’est pas tout. La Mort est dans la boîte présentera également Héroïnes, une lecture-spectacle, vendredi 28 octobre 2022 à 14 h 30 et 17 h 30 (réservation obligatoire), dans le cadre de la programmation mémorielle sur les femmes combattantes rennaises de l’ONAC de Rennes (Office national des anciens combattants et victimes de guerre). Les comédiennes interpréteront trois résistantes rennaises ou ayant un lien avec Rennes : Anne-Marie Tanguy, Claire Roman et Raymonde Tillon. Dans la continuité de Celles d’en dessous, les comédiennes prêteront leurs voix et leurs corps afin de raconter ces histoires qui constellent la grande Histoire, « pour ne pas oublier ce qu’elles ont fait, ce qu’elles ont dit, ne pas oublier leur courage, leurs peurs, leurs exploits ».

La déambulation théâtrale commencera dans l’ancienne prison de Jacques Cartier pour se terminer au square de Villeneuve. « Claire Roman a été aviatrice dans l’armée et a été arrêtée par les Allemands à Rennes, mais elle s’est évadée de manière complètement rocambolesque… Elle avait tout pour mourir ce jour-là, mais elle a réussi un exploit », dit mystérieusement la metteuse en scène… Une nouvelle fois, celles d’en dessus incarneront celles d’en dessous pour que le présent se connecte au passé et à cet héritage, souvent invisibilisé.

celles d'en dessous théâtre
© Emmanuel Cattier

Vendredi 29 et samedi 30 septembre 2023 – Cimetière Saint-Cyr de Rennes et alentours –
Entrée Théâtre la Paillette rue Louis Guilloux à Rennes

2 représentations par jour : 10h & 14h30 le vendredi et 11h & 16h le samedi – Durée : 1h30 – A
partir de 11 ans

Jauge réduite, réservations et informations ICI

Un projet de Laure Fonvieille / Avec Camille Kerdellant, Inès Cassigneul, Manon Payelleville, Sandrine Jacquemont et Sophie Renou / Costumes Laure Fonvieille / Administration Clémence Epaud.

Compagnie La Mort est dans la boîte

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