Le spectacle Chamonix, de la compagnie de théâtre de rue 26 000 couverts, sera présenté par le festival Les Tombées de la nuit à l’opéra de Rennes du 27 au 31 décembre 2022. C’est la première comédie musicale de cette troupe de trublions, complices de longue date du festival rennais. Comme son nom ne l’indique pas, Chamonix prend la forme d’une « space opérette » pour poser une question d’époque : faut-il oui ou non éradiquer l’espèce humaine ?
Le festival Les Tombées de la nuit nous gâte pour les fêtes de fin d’année. Du 27 au 31 décembre 2022 seront proposées cinq représentations de Chamonix, dernier spectacle de la compagnie 26 000 couverts, créé le mois précédent. Celle-ci est une habituée du festival rennais puisqu’elle y a déjà présenté au moins huit spectacles, dont certains à plusieurs reprises, toujours dans la même optique d’interroger le lieu théâtral et le rapport de l’art dramatique au divertissement populaire. Ce nouveau spectacle ne fait pas exception : parodie de comédie musicale, il sera représenté à l’opéra de Rennes.
La compagnie 26 000 couverts a été lancée en 1995, à une époque où « la question du théâtre de rue était assez brûlante parce qu’il y avait une remise en cause de l’institution théâtrale, de l’entre-soi bourgeois, qui est toujours actuelle », affirme Philippe Nicolle, un des deux fondateurs de la compagnie et metteur en scène de Chamonix. « Depuis notre petite fenêtre, on constate que le public de théâtre ne rajeunit pas, bien au contraire, et ne se renouvelle que très peu », continue-t-il. Le parti pris de théâtre de rue qui anime 26 000 couverts cherche à bousculer les usages et les publics traditionnels du théâtre en amenant le spectacle sur la place publique, sur les marchés (Les Petites Commissions), parfois à l’entrée même d’un théâtre (Beaucoup de Bruit pour rien de Shakespeare).
Face à ce qu’il voit comme « un problème d’accès à cette forme d’art », Philippe Nicolle se réjouit que les spectacles de sa compagnie attirent un public plus jeune, où adolescents et enfants semblent ne pas s’ennuyer. Car les 26 000 couverts veulent parler à tout le monde, et, dans Chamonix encore, « c’est un objectif : arriver à intéresser tout le monde à son niveau puisqu’il y a plusieurs niveaux de récit, plusieurs histoires racontées, différentes couches de récit qui appellent différentes couches de complicité, de compréhension des spectateurs », explique le metteur en scène.
Avec neuf comédiens et comédiennes, Chamonix est un spectacle choral, comme on appelle ces formes de fictions – romans, films, séries TV, etc. –, de plus en plus présentes aujourd’hui dans le paysage culturel, qui font le choix d’un collectif de personnages. La liste des spectacles de 26 000 couverts alterne entre cette forme et des formes plus réduites (comme Jacques et Mylène ou WRZZ…), en partie parce que l’économie du spectacle vivant ne permet pas toujours de faire tourner autant ces spectacles à beaucoup de protagonistes. « Ils sont lourds à porter, chers, et nous interdisent pas mal de lieux, de salles ou d’orga qui pourraient nous programmer mais qui n’en ont pas les moyens. Alors que ce sont souvent des petites assos qui animent les villages, avec peu de moyens mais beaucoup de passion », précise Philippe Nicolle.
Cela dit, le même Philippe Nicolle avoue une prédilection, en tant que metteur en scène, pour la complexité du travail de groupe. « Pour moi, c’est politique de travailler avec beaucoup de monde », affirme-t-il. Avant de poursuivre : « Comme son nom l’indique, la compagnie 26 000 couverts a toujours été portée vers ce côté grand groupe, vers l’énergie du collectif. Ça a toujours été notre mode de vie, dès le début on aimait se retrouver à beaucoup autour de grandes tablées. Parce que l’union fait la force. Et en même temps, on pensait que pour un spectateur, voir une bonne bande de personnes sur un plateau parvenir à fonctionner ensemble avait un côté métaphorique, exemplaire de comment on peut arriver à vivre ensemble sans trop de heurts, à s’expliquer, se comprendre et s’aimer un peu ».
Quant au choix de la comédie musicale, il s’inscrit dans l’exploration des formes de divertissement populaire à laquelle s’attelle la compagnie 26 000 couverts depuis ses débuts. Véro 1ère, reine d’Angleterre reprenait les codes du mélodrame et du théâtre forain, 1er Championnat de France de n’importe quoi singeait le divertissement sportif, Le Grand Bal des 26000 nous plongeait dans l’univers des dancings itinérants, Idéal Club dans celui du music-hall, etc. Ce dernier spectacle se terminait d’ailleurs déjà par une scène de comédie musicale. « Nul monument n’est inatteignable. Ça fait longtemps qu’on avait envie de se frotter à la comédie musicale. On est tous un peu musiciens, il y en a de vrais parmi nous. Et puis ce côté kitsch, cette sensiblerie, on en est quand même tous plus ou moins nourris, notamment par les films de comédie musicale américaine, Jacques Demy en France, ou les derniers vestiges comme Notre Dame de Paris. C’est à la fois le rire et la possibilité du tragique », déclare Philippe Nicolle.
Or, dans Chamonix, la comédie musicale rencontre un autre terrain populaire, celui de la science-fiction, plus précisément du space opera, ces univers qui transposent les clichés du récit d’aventure à l’espace (Star Trek, Star Wars, Stargate, etc.). « Il y a une sorte de croyance selon laquelle la science-fiction ne marche pas avec le théâtre. C’est peut-être pas si faux. En tout cas c’était intéressant de se confronter à cette interrogation-là, parce que là aussi il y a une part de kitsch, de clichés », commente Philippe Nicolle. Et en effet, on imagine allègrement de quelle façon une parodie de comédie musicale peut s’amuser de l’univers spatial, de ses récits, mais aussi et surtout de sa mise en scène, en musique, et de ses costumes. « Ce que j’ai toujours dit aux comédiens et au scénariste qui travaillent avec moi [Gabor Rassov, ndlr], c’est que je voulais que ça ressemble à un spectacle fait par des enfants qui voudraient faire une histoire entre Star Wars, Alien et Cosmos 99, mais sans en avoir les moyens », confie le metteur en scène.
Au-delà de la rigolade, mais par son truchement, Chamonix a la pertinente insolence d’aborder des sujets très actuels tels que le réchauffement climatique et le rapport de l’humanité à la planète, comme le laisse présager le synopsis du spectacle.
« Nous sommes en l’an 6302, le Cécile, un astronef en forme de suppositoire pénètre dans l’atmosphère d’une petite planète bleue. À son bord, huit voyageurs galactiques. Ce sont les tout derniers représentants de l’espèce humaine. Ils ignorent qu’après des siècles d’errance dans le cosmos, ils viennent de retrouver par hasard leur planète d’origine, vidée de son humanité il y a des milliers d’années (en l’an 2023 exactement) et rendue à son état sauvage. »
Et Chamonix dans tout ça ? « C’est la grande question ! », ne répond pas Philippe Nicolle.
Un mystère victime de son succès, puisque les cinq représentations rennaises affichent déjà complet. Retrouvez ici les prochaines dates de Chamonix.
Distribution
Mise en scène : Philippe Nicolle
Ecriture : Philippe Nicolle et Gabor Rassov
Création musicale : Aymeric Descharrières, Erwan Laurent, Christophe Arnulf et Anthony Dascola
Avec : Kamel Abdessadok, Christophe Arnulf, Aymeric Descharrières, Olivier Dureuil, Patrick Girot, Erwan Laurent, Clara Marchina, Florence Nicolle, Ingrid Strelkoff
Régie générale et plateau : Patrick Girot
Régie plateau : Laurence Rossignol
Son : Anthony Dascola
Lumières : Paul Deschamps
Chorégraphies : Laurent Falguieras
Scénographie Construction Accessoires : Patrick Girot, Julien Lett, Michel Mugnier, Laurence Rossignol
avec l’aide de Sophie Deck, Marek Guillemeneu et Zazie Passajou
Costumes : Camille Perreau, Sara Sandqvist
Marionnette : Carole Allemand
Maquillage, coiffure : Pascal Jéhan
Assistanat à la mise en scène : Sarah Douhaire, Lise Le Joncour
Direction technique : Daniel Scalliet
Production : 26000 couverts