L’automne littéraire est aussi chaleureux que l’automne physique est glacial. Dans la salle de conférence des Champs Libres, le mercredi 12 octobre 2016, deux auteures contemporaines, Auður Ava Ólafsdóttir et Véronique Ovaldé, étaient invitées. « La vie comme un défi », tel était le nom de la rencontre. Leur roman, en effet, ont en partage l’idée de coller au plus proche de la réalité et de la vie quotidienne. Unidivers a rencontré pour vous l’auteure islandaise Auður Ava Ólafsdóttir…

Unidivers : Le public français découvre votre premier roman, Le rouge vif de la rhubarbe. Pensez-vous avoir évolué, depuis, au fil des romans ?

U : Ce sont donc toujours les mêmes thèmes qui reviennent ?
Auður Ava Ólafsdóttir : Sept ou huit thèmes. L’amour, l’histoire, la relation père et fils, mère et fils, le voyage. C’est assez bizarre de revenir en arrière, de voir que les thèmes sont déjà là. Par exemple, le personnage d’Ágústína est un être solitaire, un être à part, avec ses jambes de coton. Elle est différente. Je me souviens qu’en écrivant ce premier texte, ce premier roman, j’avais envie d’écrire sur les petites choses de la vie, sur ce qu’il y a de plus poétique dans la vie quotidienne. Pour cela, il m’a fallu un personnage, une héroïne statique, qui ne se déplace pas facilement, pour créer un microcosme. C’est aussi un microcosme dans le sens où l’histoire se déroule dans un petit port, un village de 200 habitants environ. J’avais envie d’opposer ce petit monde avec cette idée d’avoir une vue d’ensemble, de regarder d’en haut. L’ascension de la montagne est aussi initiatique. Le seul voyage, c’est celui qui consiste à surmonter les obstacles. On peut dire qu’on trouve déjà le thème du voyage, de l’initiation, le changement de quelqu’un qui part pour devenir un autre, qui renaît, en quelque sorte. Il paraît que cette idée se retrouve chez tous les auteurs qui sont nés sur les îles…

Auður Ava Ólafsdóttir : Ma spécificité, c’est aussi d’écrire dans une langue que personne ne comprend, parlée par les 330 000 habitants. J’ai commencé à écrire tardivement. J’étais professeur d’histoire de l’art à l’université, j’avais un travail qui me plaisait beaucoup. Je me souviens que pour ce premier roman, j’ai voulu faire quelque chose de simple, de minimaliste, tout en disant quelque chose de compliqué. J’ai pensé à ce peintre, Paul Klee, qui voulait faire quelque chose que le crayon aurait pu faire tout seul. C’était l’idée de départ. J’étais censé être intellectuelle. Mais je ne voulais pas écrire un roman intellectuel. En plus, pour devenir écrivain en Islande, il faut obligatoirement passer par la nature. Elle fait partie de nous, de notre personnalité, de notre identité. La nature sauvage, imprévisible, chaotique. J’ai essayé de l’organiser. C’était la mise en ordre de cette nature. La description de la nature, c’est aussi la nature intérieure.
U : On peut donc voir une analogie entre la montagne, donc la nature, et le personnage principal, Ágústína ? Toutes deux, par exemple, demeurent immobiles.

U : La poésie ou l’humour sont-ils des moyens de ne pas traiter votre sujet de manière rationnelle ?
Auður Ava Ólafsdóttir : C’est l’écriture qui rend original le sujet. J’ai senti l’envie de raconter une histoire. J’ai écrit une trentaine de pages. Je l’ai relu. J’ai trouvé que j’avais une voix originale, une voix à moi. Alors j’ai décidé de l’apporter à un éditeur. Être écrivain, c’est à la fois écrire et être son propre lecteur. Ce qui m’intéresse, ce sont les paradoxes qui nous rendent humains. C’est drôle, en effet. La poésie n’est pas toujours très rationnelle, elle est liée à l’humour. C’est une vision de la vie. L’âme de l’écrivain est souffrante, il tente de survivre par l’humour.
U : Le thème de la rencontre aux Champs Libres, c’est « la vie comme un défi ». Est-ce un défi, pour le roman, d’être au plus proche de la vie ?
Auður Ava Ólafsdóttir : Prenons l’exemple de l’ascension de la montagne. Pour un islandais, c’est une expérience physique, on n’a pas ce talent de cette pensée abstraite. Il faut avoir vu et touché les choses. Sans doute est-ce cela, être au plus proche de la réalité. C’est peut-être de l’existentialisme à l’islandaise (rires).
