Le 4 décembre prochain sort le quatrième album du Finistérien Patrice Elegoët, peut-être plus connu sous le nom de Chapi Chapo, Chapi Chapo et les jouets électroniques, Collector. Dans cet opus de neuf titres, le musicien poursuit son aventure mélodique dans le microcosme de la toy music. Les sonorités énergiques des jouets acoustiques et électroniques des années 80 succèdent aux sons plus mélancoliques des trois précédents albums. En découle une musique qui navigue entre minimal pop, électro pop et punky pop. Unidivers a rencontré l’artiste.
Avant d’être connu sous le nom de Chapi Chapo, Patrice Elegoet a fait ses premières armes dans un groupe punk Tante Felipe, dans lequel il jouait de la flûte traversière. Leur marque de fabrique était alors l’utilisation d’instruments classiques pour des musiques plus énergiques.
En 2003, le projet musical Chapi Chapo naît de l’envie du musicien de créer ses propres mélodies avec ce qu’il a sous la main, comme un xylophone pour enfants. Ses premiers expériences musicales marque ses débuts dans le microcosme de la toy music et de Chapi Chapo et les petites musiques de pluie. « J’ai choisi ce nom, car c’est un programme qui m’a beaucoup marqué durant ma jeunesse. Tant par l’esthétique intrigante que par la musique, très novatrice pour l’époque, avec ces sonorités synthétiques nouvelles. » Depuis plus d’une quinzaine d’années ont passé et la collection de Patrice rassemble 600 jouets multicolores anciens venus des quatre coins du monde, matière première qui sert à la composition de ses musiques enfantines et mélancoliques : cloches, pianos Michelsonne, moulins à musique, flexatone, mélodica, flûtes, appeaux, scie musicale, clavi harp (invention de Maurice Martenot en 1953), etc. Des jouets de collection, des jouets rares, rien que des jouets… Ceux qui ont fait le bonheur des enfants (et parfois le malheur auditif des parents) sont l’essence de son projet. La composition à partir de jouets acoustiques et électroniques devient sa marque de fabrique et trois albums voient le jour : Ar mizioù du (2007), Chuchumuchu (2009) et Robotank-z (2013).
Parallèlement à son projet initial, Patrice Elegoet adapte sa musique à la scène en s’entourant d’autres musiciens avec qui il crée notamment deux ciné-concerts, La Petite Fabrique de Jouets et PoPoPolska !. Depuis quelques années, Chapi chapo s’inscrit également dans un projet à destination du jeune public en collaboration avec l’illustrateur Laurent Richard, les musiciens John Trap et Delgado Jones, et l’auteur Arnaud Le Gouëfflec. Trois concerts dessinés sont nées de ce quatuor d’artistes, trois galeries musicales aux créatures loufoques et personnages réjouissants : Chansons tombées de la lune, Chansons Robot et le plus récent, Chansons Dragons (voir site). Bien que la totalité de ses projets gravite autour de la toy music, chacun d’entre eux reste indépendant des autres.
Avec Collector, Patrice Elegoet poursuit sa chevauchée musicale sous le nom de « Chapi chapo et les jouets électroniques ». Ce quatrième opus nous plonge dans sa collection ludique des jouets acoustiques et électroniques des années 80. Un changement de cap dynamique et un joyeux ovni composé à partir de 73 jouets qui navigue entre minimal pop, électro pop et punky pop.
Unidivers – Après trois albums aux sonorités plus douces et mélancoliques, pourquoi ce virage plus électronique et énergique dans Collector ?
Patrice Elegoet – Lorsqu’on compose de la musique exclusivement à partir de jouets, on peut rencontrer des obstacles. Comme notamment les basses qui manquent cruellement dans les jouets acoustiques. Il est assez rare qu’un jouet acoustique délivre de bonnes basses. Le petit clavier, lui, en revanche, peut en produire. L’utilisation des synthés m’a donc permis d’obtenir ces sonorités graves, si importantes à l’équilibre d’un morceau. J’avais également envie de me renouveler après avoir concentré mes recherches sonores sur les « petits » jouets acoustiques qui donnaient naissance à des « petites » musiques mélancoliques et parfois enfantines. D’autre part, je me suis rapidement rendu compte qu’avec des jouets électroniques on peut composer… de la musique électronique. Dansante, puissante. Cela m’intéressait d’aller dans ce sens.
Unidivers – Votre travail s’inscrit dans la mouvance du retour à l’analogique. L’artiste sonore japonais Asuna utilise par exemple une centaine de claviers-jouets dans 100 keyboards où il crée une performance musicale à partir d’une superposition de sons et fréquences. Que vous plaît-il dans les sonorités de ce matériel, que l’on ne retrouve peut-être pas dans le numérique ? Et quelle particularité y a-t-il à travailler avec des objets de ce type ?
Patrice Elegoet – Je compose de la musique sur des vieux jouets depuis une quinzaine d’années. Au début, je me suis plutôt orienté vers la quête de vieux jouets acoustiques. Rapidement, je me suis rendu compte de la grande diversité de créations sonores imaginée par des fabricants de jouets, dès les années 1960. Surtout aux États-Unis. Des cloches, des petits pianos, des sifflets en tous genres. De beaux vieux jouets, parfois marqués par le temps, en bois, en tôle, en carton, etc. Ils me plaisent beaucoup esthétiquement et je trouve un intérêt certain à jouer sur de beaux instruments. C’est plutôt inspirant d’ailleurs. De façon générale, j’aime beaucoup les vieux objets.
Après en avoir amassé des centaines, je me suis soudainement intéressé aux jouets un peu plus récents, disons des années 70-80, avec l’arrivée des jouets électroniques. En d’autres termes, des jouets qui nécessitent des piles ou du courant. Bien sûr, le « jouet » électronique par excellence est le synthétiseur. Forcément, j’en avais déniché quelques-uns dans les allées des Emmaüs et autres vide-greniers, mais je me suis davantage plongé dans cet univers à touches afin de découvrir que, là aussi, chaque synthé à ses petits trésors sonores… Une fonction originale par-ci, une rythmique 8-bit par-là, tous ces jouets ont des richesses sonores. Je me suis rapidement retrouvé avec une centaine de jouets à piles. Outre les petits synthés, on peut citer les jouets éducatifs, comme la très célèbre Dictée Magique !
J’ai malheureusement raté l’installation sonore d’Asuna dernièrement, mais c’est une démarche que je trouve très intéressante. J’ai moi-même construit une sorte de manège avec une centaine de culbutos qui s’animent en permanence !
Unidivers – Vous vous êtes concentrés sur les jouets électroniques des années 80 pour composer Collector. Vous êtes-vous inspiré de musique de cette période dans la composition des chansons ?
Patrice Elegoet – Étant né en 1979, j’ai forcément reçu une éducation musicale estampillée années 80. Cependant, je ne me suis pour autant pas replongé dans ces années pour trouver de l’inspiration. Ma principale inspiration vient des jouets eux-mêmes, de ce qu’ils me proposent ! Sans oublier tout ce que j’écoute, bien entendu.
Unidivers – La rythmique et l’ambiance 8-bits de l’album rappelle notamment les sons de consoles de jeux vidéos, une madeleine de Proust pour toute une génération…
Patrice Elegoet – En effet, j’ai même utilisé des sons provenant d’un ordinateur que mon frère possédait dans les années 80 : l’Oric Atmos. Un petit ordinateur orange et noir qui m’a beaucoup marqué ! Cet album est truffé de sons 8-bits !
Unidivers – Chaque titre fait appel à plusieurs jouets électroniques (une quinzaine environ). De quelle manière se déroule la composition/création d’un morceau ?
Patrice Elegoet – Cet album se compose de jouets acoustiques et jouets électroniques. Je pense que ce sont clairement les jouets électroniques qui prennent le dessus et c’est tant mieux, puisque j’avais envie de changement sonore.
J’ai la chance d’avoir un bel espace pour composer, avec ma collection de jouets tout autour de moi. Généralement, je procède toujours de la même façon. Je fais en sorte d’avoir 10-15h devant moi, car je ne compose pas avant d’enregistrer. Tout est improvisé sur l’instant. Je m’installe, j’ouvre mon logiciel d’enregistrement et je me lance, à l’aveugle. Parfois, je commence par des accords de synthé, parfois par un petit train qui fait tchou-tchou, parfois par une rythmique. Puis, peu à peu, une ambiance s’installe. Le morceau est lancé. Après, ça se développe assez naturellement. Au bout de quinze heures, j’ai une bonne trame sur laquelle je pourrai revenir dessus par la suite.
Unidivers – Vous dites avoir parfois été confronté aux limites des synthétiseurs, mais utiliser les petites fonctionnalités de ces jouets demande aussi une certaine forme d’inventivité. Quels types de limites avez-vous rencontrées et comment avez-vous remédié à ces contraintes ?
Patrice Elegoet – Depuis que je compose avec des jouets, je les prends tels qu’ils sont. Je ne les transforme pas. S’ils sont cassés, j’essaye d’en tirer tout de même quelque chose. Parfois, je choisis d’enregistrer un jouet qui est un peu essoufflé. Cela m’est par exemple arrivé de devoir refaire une prise de nombreuses fois, car il y avait un faux contact. Il s’éteignait pendant que je jouais… À force d’insister, j’ai toujours le dernier mot !
Unidivers – Vous collaborez avec sept chanteurs et chanteuses : Maxwell Farrington (Dewaere), Laetitia Sheriff, Jad Fair (Half Japanese), Rachel Barreda Horwood (Trash Kit, Bamboo), G.W. SOK (ex The Ex, King Champion Sounds), Émilie Quinquis (Tiny Feet, Yann Tiersen) et Troy Von Balthazar (Chokebore). Comment choisissez-vous la voix qui se posera sur la musique ?
Patrice Elegoet – Je compose mes morceaux, puis je réfléchis dans un second temps au chant. J’imagine alors des voix, des styles, des univers. Lorsqu’une chanteuse ou un chanteur, se montre intéressé de poser sa voix sur mes jouets, j’imagine forcément ce qu’il va faire dessus. Dans tous les cas, le résultat n’est jamais celui auquel je m’attends ! Mais c’est toujours très excitant de recevoir la contribution de la chanteuse ou du chanteur. Un grand moment d’émotion à chaque fois, car le morceau change et prend une nouvelle tournure. Il ne dit plus tout à fait la même chose…
Chapi Chapo et les jouets électroniques : Collector. Sortie prévue le 4 décembre 2020 chez Music From The Masses.
Prix : Album numérique : 7 € / Digipack CD : 15€ / Vinyle + album num. : 19 € / Discographie numérique complète : 36€98
Album en précommande ICI
Article réalisé avec l’aide de Jean Gueguen