Au début du mois de décembre, deux tempêtes ont ravagé coup sur coup une partie de la Bretagne. Non loin de Quimper, dans le Finistère, on a retrouvé jusqu’à 80 % des arbres à terre. Des zones sont ainsi devenues inaccessibles comme à Ploudalmézeau et Plonéis ou, encore, dans le massif forestier du Pays de Morlaix. Peu accessibles par les machines agricoles, le département fait appel à des débardeurs à cheval pour sécuriser les lieux et dégager les voies.
Les tempêtes Ciaran, dans la nuit du 1er au 2 novembre 2023, puis Domingos quelques jours après, ont ravagé les forêts du Finistère et laissé derrière elles des milliers d’arbres au sol dans les bois et forêts, sur les routes, sur les rails, etc. Dans certaines zones, 95% des arbres se sont arrachés, comme dans le secteur de Brest, où ils sont 2 000 à être tombés. le travail de déblayage va être long ! Dans les chemins accidentés et les plus sinueux, c’est le débardage à cheval qui s’avère être la meilleure solution pour dégager le passage.
L’Office National des Forêts (ONF) s’appuie pour ce travail sur les chevaux de trait, car ils sont robustes, puissants et endurants. Ils peuvent soulever jusqu’à une fois et demi leur poids. L’accès aux tracteurs et machines agricoles est d’une part inaccessible et d’autre part le cheval de trait n’abîme pas la richesse du sol, les racines et la biodiversité car il pèse moins lourd, même avec un poids de 750 kg ou 850 kg. De plus, le travail se fait dans le calme et sans pollution.
Anne-Louise et Vincent Seïté se faufilent dans les bois, soit avec Hubert ou avec Gitan Richardière deux de leurs chevaux hongre trait Poitevin, pour sécuriser les lieux de première urgence et le plus de sites possibles. Avec leur 1,70 m au garrot, ce sont des compagnons remarquables, très à l’écoute de la voix d’Anne-Louise grâce à une grande complicité du binôme, entre la meneuse et le cheval. Calmes et concentrés, ils dénouent les troncs entrelacés. Pendant que Vincent tronçonne, Anne-Louise attache et tire leur cheval de trait breton qui est équipé d’un harnachement en cuir moderne avec une partie en mousse qui s’adapte à la forme de l’épaule de l’équidé, et d’un amortisseur de traction permettant un attelage allégé.
Le cheval attend le signal, patiente en reprenant son souffle et en bandant ses muscles. Puis confiant dans les ordres, il tire avec ardeur et sans frayeur. Le bûcheron a juste le temps d’abattre un arbre qu’il est aussitôt dégagé par Gitan, prêt à être débarrassé. Grâce au cheval de trait, une vingtaine d’arbres se trouvent dégagés en une demi-journée et 100 m3 de bois en une semaine. Le couple est aussi intervenu dans le bois du Cosquer à Nostang dans le Morbihan.
Chose incroyable : dans le Finistère et par endroit, le couple rencontre encore des vestiges des tempêtes de 1987 ou de 1999 ! Le travail reste colossal. Le cheval Hubert est en fin de carrière ! Gitan a lui seulement 7 ans. Pour réparer tous les dégâts de Ciaran et Domingos, le couple peut compter sur lui et sur les vingt-quatre autres chevaux, prêts pour ce lourd chantier. Quatre années seront nécessaires pour effacer les dégâts de ces deux tempêtes et il faudra compter sur plusieurs décennies pour laisser le temps aux arbres de pousser…
Avec douze ans d’expérience à leur actif, le cheval de trait représente un vrai partenaire de travail pour Anne-Louise et Vincent Seïté, grâce à sa capacité de traction pour l’attelage et aussi pour être monté. Cependant, Anne-Louise explique que la race Poitevin, pourtant calme, grande, élégante et dotée de crins ondulés, est très menacée : avec une cinquantaine de naissances en 2016, seulement quinze naissances sont observées ces dernières années. La cause en serait hélas une importante consanguinité et la faible rentabilité des animaux pour la production de viande.
Dans le passé, le cheval Poitevin n’a jamais été employé ni pour les activités agricoles, ni bouchères. Il a été sélectionné pour sa capacité à produire des mules : la production mulassière, d’où son nom complet : Poitevin Mulassier. Les mules sont des croisements entre un cheval et un âne. Les juments Poitevin Mulassier étaient croisées avec des Baudets du Poitou pour produire des Mules Poitevines. Cette activité de production a perduré jusqu’au milieu du 20e siècle. Elle a été lourdement impactée par la motorisation et après la Seconde Guerre Mondiale avec la fin de l’utilité des équidés de trait.
Anne-Louise est fière de raconter aussi qu’avec Gitan, la famille avait participé au Salon de l’agriculture 2022 et remporté le trophée de la seconde place.