De Brazil à Uchronia, entretien avec Christophe Goffette

À l’heure où la culture est de plus en plus formatée et ce dans tous les domaines, Christophe Goffette est de ces personnages qui sortent du lot, qui se battent pour affirmer leur foi dans la musique, le cinéma et la douce folie d’une culture qui se joue des frontières stylistiques étanches.

christophe goffette
Christophe Goffette et Terry Gilliam

De son adolescence et ses débuts dans le fanzinat, de sa rencontre et ses projets avec Terry Gilliam, en passant par l’emblématique magazine Brazil, jusqu’à Uchronia son premier long-métrage, découvrons les multiples facettes de ce trublion dont les mots d’ordres seraient indépendance et liberté artistique.

Interview Sans concession($) avec Christophe Goffette :

Unidivers : Commençons par la fin, il y a six mois le financement participatif pour boucler votre premier long-métrage s’est terminé (et a été bouclé), pouvez-vous nous parler d’Uchronia, cet ovni cinématographique ?

Christophe Goffette : Oui, bien sûr… Tout ce qui concerne Uchronia s’est déroulé de façon particulière, peut-être pas unique, mais sans doute pas loin sur certains points… L’écriture, déjà, a été assez singulière. Je ne me suis pas assis pour écrire un scénario. J’ai laissé l’histoire venir, ou pour être plus juste cet univers prendre forme, car comme son nom l’indique Uchronia est une uchronie, un monde parallèle, plutôt une dystopie d’ailleurs si on doit employer des termes un peu « techniques ». uchronia_christophe-goffette-affiche-reza-benhadjUchronia, c’est un peu la convergence de toutes mes colères au quotidien. J’y ai mis tout ce que je trouve absurde dans notre monde et j’en ai même repoussé les limites de l’absurdité, pour démontrer sans avoir à être lourd à quel point tout ça est con, au mieux futile, au pire inutile, car il ne s’agissait pas d’être trop directif, intrusif ou moralisateur. Ensuite, on peut faire passer beaucoup de choses par le rire, je pense… Bref, pendant des mois et des mois, j’ai noté des idées sur un petit calepin. Et puis j’ai commencé à tisser des liens entre ces différentes idées, à imaginer des ponts entre mes scènes, mes personnages et un beau matin, en griffonnant mon calepin, j’ai eu le sentiment que c’était bon, que cet univers était plein, complet, que je pouvais maintenant en tirer un scénario digne de ce nom, que j’avais quelque part une espèce de film-somme au bout du crayon. Ce qui n’était pas spécialement évident, car il y a beaucoup d’idées, beaucoup de choses, que j’ai fait rentrer au chausse-pied et je ne voulais pas que ce soit rébarbatif ou que les spectateurs frôlent l’overdose. Conclusion qui m’a renvoyé à nouveau vers la décision de mélanger un humour, disons « situationniste », à de l’absurde digne des Monty Python. Bien plus tard, à force qu’on me demande le « pitch » du film et de constater que je n’en avais pas, qu’au contraire mes personnages principaux n’étaient mués par aucun enjeu, comme les consommateurs sur pattes qu’ils sont et que leur utilité dans Uchronia n’est que d’alimenter le système, j’ai même trouvé cette phrase pour décrire le film : c’est comme si on avait demandé à Kaurismaki d’adapter 1984 d’Orwell, co-scénarisé par Gotlib, Desproges, Kafka et Groucho Marx et avec les Monty Python !  Voilà, c’est à ça que ça ressemble. C’est donc très ambitieux, mais en même temps sans prétention, car bien sûr, jusqu’à preuve du contraire, je ne suis qu’un nain de jardin même pas priapique face à tous ces génies.

U. : Comment s’est passé la partie production et casting?

christophe goffetteChristophe Goffette : Une fois le film écrit, je me suis retrouvé face à un dilemme. Est-ce que je devais aller frapper aux portes des producteurs et financiers de tout poil, au risque de devoir à chaque fois lisser mon propos, faire des concessions etc… au risque aussi d’y passer 10 ans pour au final un film qui existerait, oui, mais ne ressemblerait en rien à celui que j’avais imaginé ? Ou alors, est-ce que je devais la jouer 100% système D, un peu comme je l’avais toujours fait par le passé, en toute indépendance ? Bon, j’avoue que je n’ai pas réfléchi plus d’une demi-seconde avant de prendre ma décision (rires). Un autre élément important qui a justifié ça, c’est le fait que le film parle beaucoup d’argent, en filigrane et aussi un peu d’argent dans le cinéma. Quand je finissais d’en échafauder l’histoire, à chaque fois que je voyais des reportages ou des sujets cinéma à la télévision, ça ne parlait que d’argent. Ça a fini par me taper sur le système et je me suis dit, peut-être naïvement, je ne sais pas, qu’il y avait bien eu une époque où les gens se réunissaient pour le plaisir de faire un film ensemble, de créer ensemble, de participer à quelque chose de supérieur à la somme des parties en présence… Bref, ça m’a conforté dans l’idée qu’il fallait faire ce film sans argent, avec parallèlement cet autre idée que ce serait aussi un bon test pour mon film, à savoir que si Uchronia ne tenait pas debout, on allait sans doute me répondre poliment que « non désolé, j’ai piscine » ou « un sanglier sur le feu » etc… En réalité, ça a été tout le contraire. Tous les acteurs que j’ai contacté se sont montrés super enthousiastes et tous ont été partants. Je ne les remercierai d’ailleurs jamais assez les uns et les autres, parce que mon scénario n’en épargne aucun. En effet, beaucoup ont été obligés de sortir de leur zone de confort et, aussi, je n’avais pas envie de beaucoup diriger, donc d’être très ou trop près d’eux. Ils ont été vraiment utilisés comme des outils, avec cette idée que pour construire quelque chose de beau et solide, autant utiliser les meilleurs outils possibles. Il était donc important d’avoir des gens reconnus pour leur sens du rythme et de la comédie, car même si beaucoup ont été utilisés à contre-emploi, j’avais besoin qu’il y ait en eux ces petits déclics qui se produisent parce qu’ils savent et comprennent naturellement ce qui sera drôle ou pas. Ensuite, par superstition, j’ai tenu à tourner avec Terry Gilliam en premier.

U. : Le tournage a duré combien de temps ?

christophe goffetteChristophe Goffette : Le tournage s’est étalé sur plus de cinq ans, par économie, le temps parfois de trouver les décors que j’avais en tête, sans avoir à les fabriquer, ou le temps que des acteurs éloignés géographiquement viennent par ici… Et au fur et à mesure qu’on avançait, de nouveaux collaborateurs ont rejoint mon embarcation qui, au final, a maintenant fière allure. Je ne vais pas les citer, ils sont nombreux, mais s’ils lisent cet entretien, qu’ils sachent que je leur suis redevable et qu’ Uchronia est ce qu’il est aussi grâce à l’ensemble de ces collaborations. Tout ceci nous amène à la campagne de financement participatif. L’année dernière, le film se complétait bien et la pression commençait à monter et puis, tout d’un coup, j’ai eu envie de poursuivre mon implication le plus loin possible et j’ai décidé que j’allais aussi en assurer le montage. On dit souvent qu’un film se fait trois fois, à l’écriture, au tournage et au montage, j’ai voulu être à chaque fois le mec qui met le charbon dans la locomotive. Mais il me fallait acheter du matériel que je n’avais pas. Et comme j’avais aussi de plus en plus de demandes de festivals, intéressés/intrigués par le film et accompagner un film en festivals coûte assez cher, j’ai lancé cette campagne de financement, avec ce double objectif.

U. : Vous êtes un touche à tout, mais parlons du commencement, vous débutez dans le fanzinat à 14 ans et vous enchaînez rapidement sur des articles pro, l’écriture (journalistique) c’était une évidence pour vous?

christophe goffette brazilChristophe Goffette : Non, j’ai quand même l’impression que j’ai toujours tout fait un peu par défaut. Ce que je veux dire, par rapport aux magazines que j’ai créés, c’est que mon objectif principal était d’abord de les lire. Ce que j’avais envie de lire, les disques ou films que je voulais voir en couverture des magazines, n’y étaient pas, alors j’ai créé ces fanzines puis magazines. J’ai compris ça assez rapidement, quand après quatre numéros j’ai décidé d’arrêter mon premier fanzine, « Cauchemars », sur le cinéma de genre en général et fantastique en particulier, parce que « Mad Movies », qui faisait un peu la même chose —mais mieux organisé, bien sûr— est arrivé en kiosques… Par contre, l’écriture au sens large et la confection d’ouvrages, oui, ça a vite été une évidence. Je crois que j’ai commencé à écrire en CE1 et j’ai même fabriqué un petit recueil de poèmes cette année-là, vraisemblablement à un exemplaire, sur une vieille machine à imprimer, où il fallait mettre les lettres une à une, puis l’encre dedans, etc. J’avais oublié cet épisode, mais ma mère m’a offert pour mes 30 ans l’unique exemplaire imprimé de ce recueil. J’y avais d’ailleurs fait écrire deux ou trois autres camarades de classe, quelque part c’est donc ma première revue (rires).

U. : Que pouvez-vous nous dire de vos premières années en tant que journaliste ? (avant Brazil)

Christophe Goffette : « avant Brazil », ça fait pas mal d’années, en fait (rires) !J’ai commencé les piges en 84 ou 85, quand même… Bon, déjà, je n’aime pas trop le terme de « journaliste », je n’ai jamais pensé être journaliste. J’ai juste eu accès à un certain nombre de choses, qui me passionnaient à des degrés divers et m’ont donc donné envie de les partager et de les faire découvrir à mon tour. J’ai davantage l’impression que j’étais un relais plutôt qu’autre chose. Surtout, j’ai toujours refusé l’analyse, ça m’a toujours emmerdé et en plus je reste persuadé qu’on fait quasiment toujours fausse route quand on commence à essayer de comprendre et expliquer les motivations des artistes. J’ai quand même le sentiment que les œuvres se font et se défont plus avec le ventre, avec les tripes, qu’avec la tête, le cerveau… Donc quand j’écrivais, j’essayais aussi de le faire avec mes tripes. Cela explique sans doute pourquoi rapidement ma préférence a été vers les interviews fleuves, plutôt que les chroniques ou critiques en tant que tel. D’ailleurs, quand j’ai monté ma première revue musicale, « Médiators », en 1992, on ne faisait pas de chroniques de disques parce que j’avais décidé que c’était vain et con (rires) !

U. : Date charnière (ou pas) en 2002 Brazil débarque en kiosque, racontez-nous cette aventure gilliamesque ?

Christophe Goffette : J’étais arrivé à l’écriture et au fanzinat par et pour le cinéma et ensuite je n’ai pas arrêté d’aller voir des films, bien au contraire ça s’est encore intensifié, d’aller dans les festivals et d’écrire sur le cinéma, voire même d’incorporer du cinéma à des revues prioritairement musicales, comme « Best », quand j’en ai été rédac’chef, en 95-98… Mon premier bouquin hors presse était aussi un bouquin sur le cinéma, Le Petit livre des films cultes et c’est d’ailleurs par le biais de ce livre que j’ai rencontré Terry Gilliam pour la première fois. Il avait accepté d’en faire la préface, puis de venir le dédicacer au salon du livre de cinéma sur un week-end, après quoi on avait carrément fait une tournée des Fnac de province, tous les deux, avec nos petites valises, pendant une dizaine de jours. À côté de ça, « Starfix » avait été important pour moi, au moins les 14 premiers numéros… Bref, un jour j’ai eu envie de lancer une revue de cinéma ! Mais je n’avais pas de titre, rien ne me plaisait ou ne convenait suffisamment. Et puis, un jour, j’étais dans un taxi avec Terry Gilliam et Terry Jones, en direction du festival de Beauvais où ils étaient invités d’honneur. Nous nous sommes retrouvés pris dans les embouteillages et vers la porte de Clignancourt, Terry Jones qui n’en pouvait plus —il venait d’être opéré de la hanche— a dit au chauffeur : «arrêtez-nous au prochain troquet, on va aller boire une bière le temps que ça se calme». Ce que nous avons fait, sauf que la bière était plutôt un cognac et qu’on a été loin de s’arrêter à un seul verre (rires). Bref, assez rapidement nous étions passablement éméchés et c’est comme ça que la création imminente de « Brazil » est arrivée sur le tapis —ou plutôt le comptoir ! Et on en est arrivé à cet accord de principe avec Gilliam qui était d’une part que ce nom était non seulement parfait, mais sans doute le meilleur nom possible par rapport à ce que je voulais faire ; d’autre part qu’il en serait surréaliste en chef et qu’il participerait de temps à autre, tout en nous donnant un max d’exclu. Par exemple, nous avons été le seul magazine au monde autorisé sur le tournage de « Brothers Grimm », à Prague.

U. : Et que pouvez-vous nous dire du pendant musicale de Brazil : Crossroads ?

Mise en page 1Christophe Goffette : Pour parler de Crossroads, il faut remonter quelques années dans le passé. J’avais créé une revue, « Music Up », pour un gros groupe de presse. C’était assez ambitieux, car on faisait une revue papier et un complément en images sur CD-Rom. Mais rapidement, des divergences assez profondes se sont faits ressentir entre moi et l’éditeur et il nous a plantés. Comme « Music Up » avait été immédiatement rentable, l’équipe que j’avais constituée était vraiment dégoûtée et voulait poursuivre l’aventure sous un autre nom. Moi, à l’époque, j’avais déjà l’impression d’avoir un peu fait le tour, ça faisait une dizaine d’années que je dirigeais des revues musicales, je ne voyais pas ce que pourrait m’apporter une revue de plus. Je suis parti tailler la route aux US quatre ou cinq semaines et quand je suis revenu, j’ai dit « OK, à condition de faire un gratuit ! ». À l’époque, il n’y avait ni « Métro », ni « 20 minutes », ni rien de ce type ici. Bref, on a lancé « Compact », tiré à 100.000 exemplaires et distribué à la sortie des concerts. C’était la seule nouveauté, la revue restait très indépendante malgré donc que tout reposait sur la pub et on accumulait les grosses exclus. Sur les premiers numéros, on avait aligné quand même Pink Floyd (unique interview en France), AC/DC, Radiohead, Peter Gabriel, etc. Un an et demi plus tard, j’ai imaginé « Crossroads », comme le premier satellite sur trois ou quatre, de « Compact ». D’ailleurs, le magazine s’appelait officiellement « Compact Crossroads ». L’idée, c’était d’avoir « Compact » très ouvert, très généraliste, un peu comme « Q » en Angleterre et autour des bimestriels spé. « Crossroads » ouvrait la voie en ce concentrant sur les musiques roots, mais devaient suivre une revue de world music et même sans doute une autre sur les musiques électroniques. Il fallait simplement que je constitue des équipes, car ce sont des familles musicales où je n’ai que peu d’ancrage personnel. Mais le succès de « Crossroads », puis de « Brazil » dans la foulée, ne m’en a jamais donné le temps.

U. : Albert Dupontel et vous c’était une rencontre inévitable, vous avez réalisé un making of sur le tournage d’Enfermé dehors, comment tout cela a débuté ?

Christophe Goffette : Dupontel, oui, c’était un passage obligé pour « Brazil ». D’ailleurs, j’avais tenu à ce que la toute première page du tout premier numéro lui soit consacrée, ce qu’on a fait d’ailleurs, en utilisant pour seule iconographie la photo de « Bernie » où il a un bouquet de fleurs à la main (rires) !… Assez rapidement, on a été à sa rencontre et on a publié deux couvertures… Une première (#9) sur lui seul, puis une autre (#15) découlant d’une épique discussion à trois entre lui, moi et Paul Verhoeven ! Parallèlement, nous sommes devenus assez proches, on se parlait quasiment tous les jours au téléphone, etc. Ou alors je passais chez lui… On a organisé un débat avec des lecteurs pour la sortie du « Convoyeur », je l’ai interviewé et filmé pour un bonus DVD pour une belle ressortie de « Miller’s Crossing » des frères Coen, il m’a filé un super coup de main à un moment où j’étais mal avec mes revues, etc. Avant « Enfermés Dehors », Albert m’a proposé de réaliser quelque chose, pour StudioCanal, pour une édition anniversaire de « Bernie ». J’ai accepté si on me laissait totalement libre, ce qui fut fait et au final j’ai livré « No Zamis Lé Hyens », un film d’1h25, avec les participations de Robin Williams, Terry Jones, Terry Gilliam, Jan Kounen, Jean-Pierre Jeunet et Bertrand Blier…Tiens, je peux même vous donner un scoop, j’ai récupéré en début d’année les droits de ce film et je travaille actuellement à une sortie en salles, pour des doubles programmes, avec « Bernie » toujours, pour les 20 ans de ce dernier… Et aussi à une soirée thématique sur une grande chaîne du câble… Bref, Albert a adoré « No Zamis Lé Hyens » et m’a proposé de faire le making of d' »Enfermés Dehors ». J’ai bien sûr accepté, mais peu avant de démarrer le tournage, il a eu peur que je ne puisse pas être pleinement disponible et il a mis un petit jeune sur le coup. Toutefois, j’étais invité à venir filmer tout ce que je voulais et j’ai assuré 53 des 55 jours de tournage, comme quoi j’étais quand même plutôt disponible (rires)… Enfin, après le tournage, Richard Grandpierre, le producteur, m’a demandé s’il pouvait utiliser certaines de mes images, car leur réalisateur de making of avait été un peu « léger » sur certaines choses. J’ai bien sûr accepté —bien que n’ayant jamais été payé pour quoi que ce soit— et il y a donc dans le making of des images des deux sources. Pas grand-chose ceci dit par rapport à ce que j’ai en boite (plus de 50 heures) et surtout ça n’a pas grand-chose à voir avec l’histoire que j’aurais pu raconter. Mais bon, c’est comme ça…

U. : En 2004 vous créez la plus longue nuit de concert à l’Olympia, la Crossroad Night, plus de 8 heures de concert, d’où vient cette folie des grandeurs musicale et que pouvez-vous nous dire sur cet événement ?

Christophe Goffette : Au départ de cette folle aventure, il y a un peu toujours la même idée : puisque quelque chose n’existe pas, faisons-le exister !… Avec « Crossroads », nous défendions beaucoup d’artistes qui ne tournaient jamais ou quasiment jamais en Europe. À côté de ça, le prix des places de concerts commençaient à augmenter de façon délirante, en France, où, je le répète, nous sommes beaucoup plus chers —à spectacle égal— que nos voisins Belges, Italiens, Espagnols et même Allemands… J’ai donc eu l’idée de faire venir le plus de musiciens possibles, un 18 juin, pour faire la blague et d’appeler ça « le nouvel appel du 18 juin », sachant qu’une des idées était que tous ces musiciens venaient jouer gratuitement, que donc on aurait un prix de billet pas trop exorbitant et bien sûr moi je prenais en charge les billets d’avion, l’hôtel, la bouffe et toute la production de la soirée. Le déclic, ça a été quand j’ai appelé l’Olympia deux mois et demi avant l’échéance !… Ils m’ont dit que bien sûr la salle n’était pas libre et aussi que j’étais quand même bien barge !… Mais j’avais insisté : je veux le 18 juin ! et je veux l’Olympia !… Et puis, ils m’ont rappelé le lendemain matin, la salle venait de se libérer, j’ai vu ça comme un signe et j’ai foncé !… Au total j’ai invité 69 musiciens du monde entier, qui sont venus des Etats-Unis, d’Australie, d’Angleterre, etc., pour un concert qui a duré de 20h à 5h30 du matin ! Et ils étaient même 70, puisque dans l’après-midi j’avais reçu un coup de téléphone de Ken Stringfellow (Big Star, Posies, REM) qui me proposait d’accompagner Neal Casal, ce que j’ai accepté bien entendu… Au passage, j’ai quand même perdu 72.000 euros, que je n’avais bien sûr pas, et que j’ai mis plus de 4 ans à rembourser (rires) !… Mais bon, quand, à 6h du matin, tu as des mecs qui se jettent sur toi, en pleurant de joie et en te disant que c’est le concert de leur vie, ça les vaut amplement !… Depuis, il ne se passe quasiment pas une semaine sans que quelqu’un ne me parle de cette nuit de folie ! Et bien sûr, il y a l’arlésienne d’une suite, annoncée déjà depuis un moment, mais pas encore datée. J’avais pensé pendant un moment faireça au Grand Rex, mais le Grand Rex ne possède pas de loge, c’est donc compliqué côté logistique… Et j’ai aussi et surtout un projet encore plus dingue de « Crossroads Caravan Tour », deux mois sur la route avec les musiciens, comme un cirque, avec chapiteau et tout… On y travaille d’ailleurs en ce moment… Pour rester sur Crossroads, je prépare aussi un coffret 4 CD + livre de 100 pages…

U. : Rédacteur en chef, journaliste, tourneur, auteur, réalisateur, en regardant votre parcours le mot qui me vient c’est « indépendance », mais où s’arrêtera-t-il ?

christophe goffetteChristophe Goffette : Je n’ai jamais rien planifié. Et chaque étape importante s’est d’ailleurs souvent déroulée de façon plus ou moins impromptue. Par exemple, je me suis retrouvé rédacteur en chef de « Best », poste que j’ai tenu trois ans environ, alors que… j’avais pris rendez-vous avec l’éditeur pour lui annoncer que je ne voulais plus écrire, et pourquoi (rires) !… Tu rentres pigiste démissionnaire dans un bureau, tu en ressors rédacteur en chef, ça n’est pas commun !… Bref, je ne planifie rien et je refuse d’être stratégique ou tactique, d’abord parce que ça n’est pas spécialement dans ma nature, ensuite parce que c’est le meilleur moyen que rien ne se passe comme prévu !… Je laisse donc les choses venir à moi, en m’évertuant simplement de répondre au mieux à mes besoins et désirs. En ce moment, j’ai envie de faire des films, avec tout le côté artisanal que cela représente, mais aussi de clôturer de la meilleure façon possible mes trois décennies d’activisme et d’indépendance dans la presse. D’un côté, je vais me présenter avec « Uchronia » et je l’espère bientôt d’autres projets —sur lesquels je travaille bien sûr en parallèle— et de l’autre côté j’ai la publication de douze volumes de Rencontres, Portraits, Entretiens, qui débute dès le mois de juin, à raison de trois volumes par an. Et ces bouquins, j’ai décidé de les éditer moi-même et de privilégier donc le circuit court, directement de moi au lecteur. Ce qui, une fois encore, renvoie à ce besoin d’indépendance qui ne me quitte jamais. L’indépendance, c’est la liberté et j’ai un besoin de liberté aussi vital que celui de manger ou avoir un toit.

U. : Un comité de soutien en votre faveur à été lancé suite à un procès que l’on vous fait abusivement pour injures publiques, pouvez-vous nous en parler ?

Christophe Goffette : Oui, je peux en parler, même si je ne peux pas tout dire. Un ancien collaborateur, qui faisait la comptabilité pour mes magazines, se serait reconnu dans un édito généraliste où je me moque des ‘fans de’ et autres groupies, en arguant que puisque je prends l’exemple d’un fan de Springsteen, ça ne peut être que lui. Le fond de ses attaques, c’est que pour me « venger » de lui, j’aurais écrit cet édito, mais sans le citer. Et évidemment, à l’origine il réclamait 50 000 euros et tout un tas de choses. Le procès dure quand même depuis 2009 !… Bref, revirement de situation en appel, avec la justice qui lui donne raison, au détriment des bases même de la liberté d’expression (et de la liberté de la presse, par la même occasion). C’est absurde et totalement kafkaïen et ma seule solution à ce stade est de me pouvoir en cassation, sauf que ça n’est pas suspensif, c’est-à-dire qu’il faut payer la condamnation d’abord. Ce pourquoi un comité de soutien s’est créé, et a lancé d’une part une pétition symbolique et d’autre part une cagnotte pour me sauver.

Les photos de Christophe Goffette sont © Eddy Brière.

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Brazil 3.0 

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Tarik Messelmi
Depuis longtemps passionné de littérature, avec une préférence pour le roman noir et la science-fiction, la liste est longue et les découvertes toujours intéressantes.

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