Portraits de cinéma. Barbara Dupont, première assistante de réalisation

marmaille film
© CINE NOMINE

Derrière la caméra, aux côtés du réalisateur, l’assistant.e de réalisation joue un rôle crucial dans le tournage d’un film. Barbara Dupont est première assistante de réalisation depuis près de quinze ans et elle a récemment travaillé sur le tournage du film Marmaille de Grégory Lucilly qui sortira en salles le 4 décembre 2024 ou sur la série Enquête en famille, une série TF1 tournée en Bretagne dont la sortie est prévue en 2025.


Née dans un univers équestre en Auvergne, Barbara n’était pas destinée au cinéma dès son enfance : « Ma mère avait un centre équestre. J’ai grandi au milieu des chevaux et des poneys et j’ai passé un monitorat d’équitation », raconte-elle. « Et ce sont eux qui m’ont amenée sur les plateaux de cinéma. » Les choses se sont un peu dessinées après une rencontre : « J’avais à peine 20 ans quand j’ai contacté Mario Luraschi ; cascadeur équestre et dresseur de chevaux de cinéma, pour faire un stage d’un mois dans le cadre de mes études. En 1 mois j’ai eu la chance de voyager et d’accompagner l’équipe sur des spectacles et des tournages en France et à l’étranger ! Un nouveau monde s’ouvrait à moi ! ». À la suite de ce stage, Mario lui propose d’intégrer l’équipe sous condition de passer rapidement son permis de conduire. : « Le diplôme que je préparais il s’en fichait (je l’ai passé quand même bien sûr… c’était un BTS) mais le permis ça c’était vraiment important, on passait nos vies sur la route ! Après je suis restée 5 ans dans l’équipe !»


Barbara Dupont

Les premiers pas dans le cinéma

Lors de cette première expérience, Barbara a pu participer à de nombreux tournages en tant que palefrenière, cavalière et ou cascadeuse équestre et a dû développer des capacités d’adaptation et d’organisation. C’est donc très naturellement qu’elle a commencé à s’intéresser au métier d’assistant de réalisation. « Le métier d’assistant, je l’ai appris petit à petit en étant d’abord troisième assistante. Mon premier tournage a été une série qui s’appelle Les Misérables, réalisée par Josée Dayan. » Elle a directement été plongée dans un projet colossal, avec un gros casting et un tournage en français et en anglais : « Le 3eme assistant gère les loges. Chaque acteur qui arrive le matin doit passer 3 étapes de préparation, l’habillage, le maquillage et la coiffure. Il faut être souple car tu rencontres beaucoup de personnalités différentes que ce soit à la distribution des rôles ou les techniciens. Tu dois répondre à toutes les demandes. Je me souviens d’un caprice d’une actrice qui ne voulait pas commencer sa préparation tant qu’elle n’aurait pas eu une pomme… Verte pas jaune ! Cette anecdote donne une meilleure idée de ce qu’il faut parfois gérer, surtout quand tu as une vingtaine de comédiens par jour ! »

Barbara a progressé petit à petit, gravissant les échelons avec patience : « Grâce à mes années de travail auprès des chevaux de cinéma j’avais appris le fonctionnement d’un plateau, les codes, le vocabulaire, mais malgré ça j’avais besoin d’apprendre et j’avais une sorte de syndrome de l’imposteur. Je suis entrée par une petite porte ». Après une dizaine de projets comme troisième assistante, elle est passée seconde et maintenant cela fait quinze ans qu’elle est première assistante à la réalisation. Une grosse partie de son travail se fait en amont du tournage. Il y a deux principales phases : « La phase de préparation qui commence par le dépouillement du scénario pour lister les éléments techniques (caméras, steadycam, grue, etc) et artistiques (cascades, effets spéciaux, costumes, accessoires, etc..) afin que ce soit chiffré dans le devis. Il faut « allouer » à chaque scène un temps de travail en accord avec les désirs de mise en scène du ou de la réalisateur/rice. Ensuite on combine tous ces temps de travail ensemble, on les regroupe par lieu de tournage et on peut ainsi établir un grand planning qui s’appelle le plan de travail. Dans un deuxième temps il y a le tournage, phase durant laquelle on applique le planning. », explique Barbara. La première partie de préparation prend souvent autant de temps que le tournage. L’assistante de réalisation donne l’exemple d’un plan de travail qui avait duré 63 jours, presque 6 mois de travail en cumulant la préparation.

Barbara Dupont

Un métier polyvalent avec des rencontres enrichissantes

La discussion avec le réalisateur est essentielle, car l’assistant de réalisation doit être capable de distinguer ce qui est crucial de ce qui ne l’est pas. Le rôle d’assistante de réalisation peut ainsi prendre différentes formes : « Autant il y a des réalisateurs qui ne cherchent que des assistants, des techniciens avec des qualités d’organisation et d’anticipation, autant il y en a d’autres qui ont besoin de discuter toutes les notions artistiques », explique-t-elle. Marmaille, le premier film de Grégory Lucilly, est un de ces tournages qui lui a beaucoup apporté. « On a eu avec Grégory Lucilly un vrai partenariat de travail, d’échanges d’idées. C’est un bel exemple de travail en collaboration avec toute l’équipe, ce qui fait le ressort vraiment précieux de notre travail ».

Barbara évoque d’autres réalisateur.rices avec lesquels elle aime travailler : « Les collaborations avec Christian Carion, on a travaillé deux fois ensemble pour faire Mon Garçon et My Son, des projets particuliers. On a tourné sans donner le scénario aux comédiens, donc là il a fallu aller trouver comment préparer un film qu’on allait tourner de manière extrêmement différente, en 6 ou 7 jours ». Elle cite également Edouard Bergeon qu’elle a accompagné pour son premier long métrage :  Au nom de la terre , un film qui s’est tourné sur plusieurs saisons avec un sujet très fort et très enrichissant humainement. Mais aussi Anne Barbier, réalisatrice de courts-métrages qu’elle affectionne particulièrement, une spécialiste de la comédie. « Par la comédie, tu fais passer beaucoup de choses, beaucoup d’émotions et c’est une approche de la vie qui me plaît aussi. »

Barbara se sent pleinement épanouie dans ses projets actuels et, bien que la réalisation de films n’ait pas été initialement prévue dans ses aspirations, elle ne l’écarte pas complètement pour l’avenir. « Ton œil et ton imaginaire se développent et je me dis parfois pourquoi ne pas essayer des choses. » Elle confie au sujet de son métier : « Je pense que le métier s’apprend en école, mais je pense qu’il s’apprend aussi beaucoup sur le terrain ».

« Je pense que le métier s’apprend en école, mais je pense qu’il s’apprend aussi beaucoup sur le terrain.»

Entre flexibilité et adaptation

Travailler dans le cinéma permet de bouger et de voyager un peu partout en France et dans le monde : « Il y a une partie de ta préparation qui se fait généralement à Paris. Mais j’ai travaillé pour des productions délocalisées : Maroc, Espagne, Écosse. Pour la télé, Josée Dayan tourne dans toutes les régions de France donc tu visites ton pays. » Toutes ces opportunités sont stimulantes, mais nécessitent d’être flexible : « Ce qui est génial, c’est qu’à chaque instant le téléphone peut sonner, mais ça demande des organisations familiales pour réussir à concilier les deux ». Comme bien des métiers du cinéma, l’instabilité professionnelle propre aux intermittents du spectacle peut parfois faire peur. « Tu enchaînes les CDD sans savoir quand le prochain commencera. C’est parfois angoissant d’attendre que le téléphone sonne, mais quand tu viens de terminer un tournage tu espères aussi qu’il ne va pas sonner trop vite ! Il faut prendre les choses comme elles viennent. »

La beauté du métier réside cependant dans la diversité qu’il offre, des projets qui se présentent : « Je suis allée faire un remplacement pour une saison d’Emily in Paris. Du jour au lendemain tu pratiques ton métier en anglais et tu travailles selon les règles américaines. » Barbara se laisse toujours le choix d’accepter ou non un tournage en fonction de certains critères de sélection. « Pour la dernière série, Enquête en famille, qui est une aventure bretonne avec beaucoup de techniciens bretons, le fait de tourner avec Dominique Farrugia a été un critère de sélection. » Elle poursuit : « Parfois, il faut aussi savoir s’arrêter. Une fois, il y avait un fossé entre la vision du réalisateur et celle de la production, et je n’ai pas voulu être l’interlocuteur entre les deux ».

Au niveau des thématiques de film et des scénarios, Barbara a réussi au fil des années à trouver ce qu’elle voulait représenter : « Ce que j’aime beaucoup, ce sont les scénarios authentiques qui défendent des causes sociales, environnementales, qui portent vraiment des sujets humains, des messages et des visions du monde ». Elle confie vouloir explorer un cinéma un peu plus féminin, en travaillant avec des réalisatrices.

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