L’Attachement de Carine Tardieu, adapté du roman L’Intimité d’Alice Ferney, sort en salle le 19 février 2025. Entièrement tourné à Rennes en 2023, avec la participation de talents locaux, le film aborde sans artifices des sujets souvent tabous comme le deuil.
L’Attachement raconte l’histoire de destins qui se croisent, du deuil et de la reconstruction. Eliott (César Botti), un petit garçon insouciant, vit avec sa mère et Alex, l’homme qui l’élève comme son fils. Un matin, sa mère, Cécile, le confie à leur voisine d’en face, Sandra, une quinquagénaire célibataire et indépendante. Elle part accoucher, mais tout bascule : des complications surviennent, et elle ne survit pas à l’accouchement. Alex, interprété par Pio Marmaï, se retrouve alors seul avec un nourrisson et un enfant qui n’est pas biologiquement le sien. Désemparé, il tente de faire face à cette nouvelle réalité. De son côté, Sandra, qui n’a jamais envisagé la maternité, se retrouve malgré elle impliquée dans leur vie. Ce qui n’était au départ qu’un geste ponctuel devient un véritable engagement. D’abord hésitante, elle tisse peu à peu un lien profond avec Eliott, sa petite sœur et Alex. Entre chagrin, résilience et amour naissant, ces âmes brisées vont apprendre à s’apprivoiser et à se reconstruire ensemble, redéfinissant peu à peu ce que signifie être une famille.
La vie, dans toute sa beauté et ses épreuves
Le deuil, surtout lorsque celui-ci arrive prématurément, est une étape souvent jugée tabou, qu’on essaie au maximum d’éviter ou d’oublier. Apprendre à vivre sans l’autre, à déculpabiliser et surtout à accepter sont des processus propre à chacun. Dans ce long-métrage, Carine Tardieu affronte cette réalité avec beaucoup de justesse. Au-delà de la thématique douloureuse, les relations entre humains sont questionnées. L’objectif n’est pas braqué sur un seul personnage principal. Le spectateur vit l’histoire à travers le regard de plusieurs individus, chacun avec son propre vécu et sa propre sensibilité. Eliott, d’abord, qui perd sa mère alors qu’il n’est qu’un petit garçon. Son innocence et sa maturité ne s’opposent pas, elles se complètent. Il s’attache très vite à Sandra, celle à qui sa maman l’a confiée, il voit en elle une personne de confiance. Alex, qui doit rester fort pour ses enfants, malgré le drame qu’il est en train de vivre. Et enfin, Sandra, la voisine très attachée à son indépendance, mais dont l’empathie et la sensibilité vont la conduire à se rapprocher de cette famille.
Le film est divisé en plusieurs chapitres qui font référence à la croissance de Lucille, la fille d’Alex et Cécile. Loin du ton pesant souvent associé au deuil, le sujet est ici abordé avec une certaine philosophie. Des personnalités aux convictions contrastées se rencontrent, ouvrant la voie à une réflexion nouvelle. Sandra, qui tient une librairie féministe (dont la plupart des Rennais connaisse d’ailleurs le véritable nom), exprime ses idées avec assurance, n’hésitant pas à confronter les points de vue. Valeria Bruni-Tedeschi incarne avec talent son rôle plein de nuance et d’imprévisibilité. Alex, quant à lui, reste attaché à un modèle plus traditionnel, persuadé que la reconstruction passe par la perpétuation de ce cadre établi. Sa fébrilité le pousse à chercher une forme de réconfort sans se questionner sur la nature réelle de cet attachement. L’Attachement s’affranchit de la petite romance classique, souvent prévisible avec un happy end prévisible. La natalité fait face au deuil et les deux se confrontent, s’équilibrent. Comment construire de nouvelles relations, amicales, amoureuses et familiales dans un contexte de deuil ?
Les personnages secondaires s’intègrent harmonieusement à l’univers du film, chacun apportant une nuance particulière à l’histoire. Émilia, incarnée par Vimala Pons, est une pédiatre au tempérament direct, parfois même abrupt, mais qui révèle rapidement une profonde empathie. Derrière son franc-parler se cache une sensibilité qui la rend immédiatement attachante. David, le père biologique d’Eliott, interprété par Raphaël Quenard, intrigue par sa présence en demi-teinte. Si l’acteur est souvent associé à des rôles excentriques, il livre ici une performance plus retenue. Son personnage, en retrait, ne cesse pourtant de surprendre et d’évoluer au fil du récit. Enfin, Fanny, incarnée par Catherine Mouchet, porte en elle à la fois la douleur et la résilience. Grand-mère maternelle d’Eliott, elle tente de se reconstruire après la perte de sa fille, tout en gardant un lien étroit avec sa famille. Son personnage représente une douceur empreinte de force, une volonté farouche de continuer à avancer, pour elle-même, mais aussi pour Cécile.
Avec délicatesse et tendresse, le film tisse des liens profonds entre ses personnages. Le spectateur ne peut rester indifférent et finit par s’attacher à chacun d’entre eux. Ce qui marque avant tout dans cette comédie dramatique, c’est son réalisme poignant. Carine Tardieu parvient avec brio à équilibrer rires et émotions, où chaque instant de légèreté est subtilement contrebalancé par une profondeur émouvante.
L’Attachement de Carine Tardieu, en salle le 19 février 2025