Portraits de cinéma. Maud Coué, ensemblière ou l’art de créer de la justesse…

Ensemblière Maud Coué

Derrière tous les décors de vos films préférés se cachent des personnes talentueuses et créatives qui coopèrent pour créer des univers réalistes ou fantastiques. Le métier d’ensemblier ou ensemblière au cinéma fait partie de l’équipe de techniciens spécialisés dans la décoration. Maud Coué exerce cette profession avec passion depuis déjà huit ans…

Après un baccalauréat économique et social, Maud a compris qu’elle voulait s’orienter vers une formation artistique. Elle a intégré un BTS de design d’espace à l’école Boulle : « À la fin, je me suis rendue compte que je n’aimais pas l’espace qui était fixé, ce qui m’intéressait c’était le décor », explique l’ensemblière qui a ensuite choisi de faire une année sabbatique afin de pratiquer le théâtre de rue avec la Compagnie Méliadès à Paris, dirigée par Bénédicte Lafargues. C’est au cours de cette année qu’elle a entendu parler de l’école de cinéma la Fémis, dans laquelle il y a une formation en décor, et elle y a donc passé quatre ans à apprendre le métier : « Il y a plein d’intervenants professionnels mais également des permanents tels que Claude Daoré qui m’a beaucoup appris », poursuit Maud. « J’ai fait un parcours classique, mais il n’y a pas besoin de faire ces études pour travailler dans le décor de cinéma. Il ne faut pas justifier d’un diplôme et tout le monde peut travailler dans ce milieu. » Quand elle est sortie de la Fémis en 2016, elle savait qu’elle voulait être ensemblière.

Maud Coué
Maud Coué

Ensemblière, quel est ce métier ?

Le métier d’ensemblière et celui de décoratrice n’est pas tout à fait le même : « Je travaille dans l’équipe de décor avec le chef décorateur pour créer un univers juste par rapport au scénario. L’idée n’est pas de faire quelque chose qui est beau, mais de faire quelque chose de cohérent ». L’équipe de décor est composée de plusieurs techniciens : « Toute seule je ne fais rien, il y a le ou la chef.fe de décor, les rippeurs et rippeuses, l’accessoiriste meuble qui est capable de tout faire, le ou la troisième assistant.e. Chacun est complémentaire ». Travailler sur des tournages dans les décors de cinéma nécessite de trouver un juste milieu dans tout et c’est avant tout des rencontres humaines et des rencontres d’idées : « Il y a une espèce de pyramide qui est instituée car le cinéma est très hiérarchique mais il faut réussir à la remettre à l’horizontale. »

Avant tout, ce sont le scénario et les personnages qui guident le travail de l’ensemblière : « J’adore passer de décors très luxueux à des décors défoncés, absolument pourris et dégueulasses. Ce qui est intéressant, c’est d’essayer de raconter la vie des gens en se mettant à la place des personnages. À part quelques réalisateurs où le décor est très marqué, l’idée est qu’on ne voit pas du tout qu’il s’agit d’un décor ». Du couloir au cimetière en passant par un appartement ou une salle d’attente, chaque espace devient un décor à construire.

maud coué ensemblière

Un métier humain qui favorise la coopération

Maud souligne le fait que chaque rôle est à prendre en compte et personne ne doit être négligé au sein d’une équipe de tournage : « C’est une sorte de grande machine, où les rouages, c’est des personnes, et il y a vraiment besoin de tout le monde ». En partant de là, l’objectif est de restituer au mieux ce que cherche à montrer l’histoire : « Il faut faire preuve de diplomatie car il y a un travail très créatif, mais en même temps, il faut accepter que ce n’est pas notre film », souligne Maud. « Nous sommes techniciens mais cela ne veut pas dire qu’on n’a pas de créativité, il faut rester assez humble pour savoir quand il faut batailler et quand ce n’est pas nécessaire ». Il reste important de partager ses idées et ses réflexions créatives car c’est à partir du mélange de celles-ci que naît la beauté d’un projet. Maud travaille principalement sur des moodboards pour ensuite partager ses idées avec le ou la chef.fe de décoration : « C’est un métier qui est créatif mais avant tout humain », répète d’ailleurs à plusieurs reprises l’ensemblière.

« C’est un métier qui est créatif mais avant tout humain »

Ce qui lui plaît le plus dans son travail, c’est sa liberté : « Je ne suis pas enfermée dans un bureau, je suis tout le temps en vadrouille, je vais rencontrer les gens, des brocanteurs, je vais chiner, découvrir des lieux ». Maud poursuit : « Il faut accepter d’être très autonome tout en gardant toujours son téléphone sur soi si les autres membres de l’équipe ont besoin d’infos. Il faut également prendre soin de son équipe, c’est très important pour moi ».

ensemblier

Poser ses limites dans un métier de passion

Ses projets ont principalement tourné autour du long-métrage. L’année dernière, elle a travaillé sur la série Déter : « C’était mon premier tournage en Bretagne après plus de cinq ans ici, j’étais contente. Le tournage s’est fait dans un ancien lycée agricole à Vitré qu’on a réhabilité ». Récemment, elle était sur le plateau du film C’est quoi l’amour de Fabien Gorgeat qui sortira en 2025, avec Laure Calamy, Vincent Macaigne ou encore Lyes Salem : « C’était un tournage entre Paris et Rouen, beaucoup de tournages se font à Paris. Maintenant j’ai une fille et je n’ai pas forcément envie de partir tout le temps, de ne jamais être chez moi ». Il faut réussir à trouver un équilibre qui n’est pas toujours évident : « Quand on est intermittent, il y a toujours une remise en question de soi et de son boulot, il y a beaucoup d’imprévus et d’inconnu ».

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Malgré cette part d’inconnu, elle ne se voit pas faire un autre métier aujourd’hui car c’est un métier de passion, dans lequel il faut néanmoins poser ses limites : « On essaie de protéger nos droits et de prendre soin des gens. J’essaie de protéger l’équipe avec qui je travaille des conditions de travail car il y a aussi beaucoup d’abus. Pour moi, c’est un métier de passion mais c’est un métier qui doit avoir du cadre ». Il est nécessaire de composer avec les impératifs et le rythme de chacun : « Je ne veux pas imposer mes décisions à tout le monde ni même y laisser ma peau. J’ai une vie le soir et le week-end donc je ne dépasse pas les limites », explique Maud.

L’importance des rencontres dans le monde du cinéma

Maud insiste sur l’importance et la beauté des rencontres dans le milieu du cinéma : « La première personne que j’ai rencontrée en arrivant à Rennes, c’est Isabelle Milbeau. C’est une ensemblière depuis près de 20 ans et elle m’a permis de travailler ici. J’ai également rencontré Natalia Grabundzija qui m’avait appelée pour prendre le relai sur une série ». C’est ici que le côté humain prend tout son sens, créer un réseau permet également de créer des liens : « Ce sont des amis avec lesquels on fait le même métier ». Maud cite un chef décorateur, Erwan Le Floc’h qui l’a beaucoup aidée à son arrivée.

sacriifice tarkovsky

L’ensemblier ou ensemblière fait partie des premiers techniciens à arriver sur le plateau : « Avec la régie on est arrivé un peu avant pour tout organiser car il y a beaucoup de travail en amont et après le tournage on démonte tout ». La plupart des objets et des décors se trouvent sur des brocantes, en fouillant un peu. Maud et les autres décorateurs et décoratrices avec lesquels elle travaille en Bretagne ont créé le premier loueur de meubles à Rennes : « C’est une idée que Isabelle et Erwan avaient depuis longtemps et ça permet de tout récupérer, sinon il y a beaucoup de choses jetées après les tournages », explique Maud. Ils sont soutenus par l’association Action Ouest qui est l’association des techniciens en Bretagne et ils ont aujourd’hui un local à la Courrouze. Leur projet s’appelle l’A-drak (en vrac en breton). Cela permet de faire des économies pour les productions et surtout de favoriser le réemploi d’objets encore fonctionnels.

ensemblier

Pour ses projets futurs, Maud souhaite continuer ce rythme qui lui convient bien, tout en poursuivant son activité d’artiste plasticienne et d’illustratrice à côté. Cela lui permet de jongler entre deux mondes en restant polyvalente et en développant sa créativité. Elle confie également : « Je rêverais de faire un tournage au Mexique ou en Argentine avec Lucrecia Martel ». Son objectif est de diffuser son métier un peu partout, pour montrer qu’il est possible de travailler dans le monde du cinéma sans forcément passer par la porte principale : « Avec la Compagnie la Levée et Mathilde Martinage, je fais des ateliers de cartes postales entre des EHPAD et des collégiens et quand on parle de nos métiers, les collégiens trouvent ça génial et ne connaissent pas forcément. Il y a donc un vrai travail d’information et de communication par rapport à ça ».

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