Le cinéma, art populaire par excellence, est actuellement mis en danger d’un peu tous les côtés en France. Des intermittents qui bénéficient d’un régime d’assurance chômage scandaleusement avantageux rapporté au reste des salariés (les intermittents représentent 4 % des chômeurs et consomment 31 % des provisions de l’Unedic), des acteurs surpayés au regard de la rentabilité des œuvres, Depardieu qui s’évade fiscalement, les médias télévisuels qui promeuvent à renfort de flagornerie des longs-métrages dont la créativité équivaut sur cent la moyenne annuelle des températures de Roscoff, les prix distribués à la tête du client, selon l’influence et l’intérêt de tel ou tel producteur, voire en fonction de la direction du vent…
Mais la cerise au casting vient d’être ajoutée par le cinéma Pathé Wepler à Paris. Sa « géniale » idée : délimiter un carré VIP à l’intérieur de la salle.
Comment jouir de ce privilège qui consiste à être assis à côté de la populace tout étant séparé d’elle ? En achetant une place plus chère, de l’ordre de 15 €. Bien sûr, pour ce prix, le fauteuil sera plus douillet, le placement se fera juste en face de l’écran ni trop près ni trop loin, et une hôtesse aura la grande joie de vous conduire là ou vous vous assiérez. En pratique, il s’agit de s’inspirer des salles existantes destinées aux critiques de cinéma lors des présentations de nouveaux films à la presse. Fauteuil de producteur et buffet à volonté.
Comme l’explique le patron des cinémas Gaumont, François Ivernel : « On voit entièrement l’écran où que l’on se place, toutes les places sont donc bonnes en termes d’accès au contenu. Ensuite, on peut choisir de s’offrir le luxe de payer deux euros supplémentaires… »
Joie du marketing, plaisir du packaging, joie du mépris, plaisir de frimer qui en ferait même oublier qu’on est là pour regarder des films. On imagine déjà des options à 50 € avec massage, goûter gastronomique et garderie pour les bambins si le film n’est pas pour eux. Et encore ce tarif n’est valable que si ledit film n’est pas en 3D, puisque le précédent racket du spectateur a eu lieu avec cette technologie aux atouts médiocres. Voilà, tout est dit : en France, il est logique de chercher à augmenter sa marge en invitant le spectateur à draguer VIP et non en réfléchissant l’inefficace système de la production cinématographique française qui accouche d’un cinéma populo de piètre qualité au détriment de tant de projets brillants relégués aux oubliettes.
Cette innovation du cinéma Pathé Wepler sonne symboliquement le glas du cinéma comme lieu égalitaire des inconnus se mêlant à d’autres sans distinction sociale, de race, d’intelligence, du cinéma comme espace d’émotion partagée. Après la santé et la justice, le cinéma à deux vitesses !