Avec la Cité perdue du Dieu Singe Douglas Preston nous embarque, avec son dernier ouvrage qui est un récit d’aventures auxquelles il a pris part, dans une fascinante expédition au cœur de la forêt vierge de la région de la Mosquitia au nord-est du Honduras. Accompagné de scientifiques, de militaires Honduriens et d’experts Britanniques de la survie en milieu hostile, Douglas Preston raconte avec un réalisme puissant la quête et la découverte de la Cité blanche également appelée la Cité du dieu singe…
Tout commence au 16° siècle avec les explorations du nouveau monde par les conquistadors espagnols. Hernán Cortés, après avoir annexé le Mexique, entendit parler d’une immense et riche cité encore plus imposante que l’empire aztèque. À bord de son navire ancré le long des côtes du Honduras, Cortés écrivit une lettre à Charles Quint lui faisant part de cette nouvelle. Malgré l’avidité des Espagnols, Cortés ne s’aventurera pas dans la quête de cette mystérieuse cité, trop reculée dans la jungle et les montagnes de la menaçante Mosquitia. S’en suivit alors une légende qui suscita de multiples et souvent vaines tentatives d’explorations ainsi que des récits de certaines découvertes se rapprochant du site mais sans réelles concrétisations, et ce jusqu’à la fin du 20° siècle.
Quelques années plus tard, à partir de 2012, Steve Elkins, aventurier et producteur de reportages pour la télévision américaine, eu recours à un instrument révolutionnaire nommé lidar, c’est-à-dire une sorte de radar qui permet de cartographier et donc de dresser la forme et les dimensions des ruines d’un site, même dissimulé sous une épaisse couche de végétation. Utilisé en survolant en avion la vaste zone susceptible d’abriter les vestiges en question, Elkins et son équipe parvinrent à localiser avec précision 3 sites archéologiques qu’ils baptisèrent T1, T2 et T3. Ces premières approches visant à découvrir la fameuse cité n’ont pas été faciles ; en effet Le Honduras est un pays gangréné par la criminalité et le trafic de drogue. Géographiquement situé entre la Colombie et les USA, ce territoire est une plaque tournante concernant la circulation de cocaïne. Fortement corrompues, de connivence avec les narcotrafiquants, les différentes autorités du pays ont été difficiles à convaincre pour permettre Steve Elkins d’organiser son expédition. Ce dernier sera heureusement aidé par un certain Bruce Heinicke, chercheur d’or et ancien trafiquant de drogue pour un cartel colombien, dans les diverses négociations afin obtenir les autorisations administratives ainsi que de disposer, parfois de façon rocambolesque, de divers appuis logistiques.
Après 3 années de démarches pour mettre en place le projet d’exploration, l’équipe de Steve Elkins s’embarque dans un hélicoptère vers le site T1. Douglas Preston compte parmi les membres de l’équipe en tant que journaliste, accompagné d’un photographe couvrant également l’expédition pour le National Geographic. Pendant les 2 semaines que dura l’aventure, les différents membres de l’équipe furent confrontés à des situations dangereuses : la présence des serpents, notamment les redoutables fers de lance capables de cracher leur venin à plus de deux mètres, les phlébotomes et autres insectes infligeant de multiples piqures et démangeaisons.
Comme on l’apprend dans la seconde partie du récit, Les phlébotomes ont transmis à la moitié de l’équipe une maladie grave appelée leishmaniose dont les symptômes se manifestent par des ulcères cutanés, et si elle n’est pas traitée à temps, dégénère en une infection des muqueuses nasales et buccales jusqu’à une déformation du visage. Ajoutés à cela, les pluies, la boue, la chaleur et la dense végétation n’empêcheront tout de même pas les explorateurs de découvrir les ruines de la Cité ainsi que de nombreux artefacts, témoins d’une civilisation proche géographiquement, mais différente de la culture Maya.
Douglas Preston s’interroge, dans son livre qui est aussi immersif qu’une fiction, sur les raisons de la fin de cette civilisation qui n’a pas été approchée par les Conquistadors. Est-ce les maladies comme la petite vérole qui aurait tout de même atteint cette région de la Mosquitia ? Un cataclysme ? Avec un certain suspens, l’auteur nous relate cette grande découverte archéologique qui donnera également des réponses sur les origines du peuple Hondurien. Enfin, dans son épilogue, Douglas Preston fait un parallèle entre la chute de cette société préhispanique et les crises de civilisation que traversent les notre. Un point de vue autant intéressant qu’inquiétant.
La cité perdue du dieu singe Douglas Preston, Traducteur : Magali Mangin, Albin Michel, 28 mars 2018, 24 euros