Arrêtons-nous sur la parution aux éditions L’Harmattan d’un ouvrage intitulé « Du Religieux dans l’art ». C’est un ouvrage collectif mis en œuvre et dirigé par Alain Santacreu, père de la Contrelittérature. Une réussite et une source d’inspiration.
Tout d’abord, répondons à la question, pertinente et légitime, que ne manqueront pas de se poser moult lecteurs d’Unidivers : « Qu’est-ce que la Contrelittérature ? ». La formule explicative lapidaire choisie par son inventeur (comme on le dit de qui découvre un trésor) est assez parlante : « La Contrelittérature n’est pas une littérature contraire mais le contraire de la littérature ». À mon humble avis, toutefois, et pour faire court, cette autre formule d’Alain Santacreu est plus belle et plus exacte encore : la Contrelittérature c’est la « littérature à plus hault-sens » (« tel le contre-ut en musique », ajoute-t-il)… Une re-prise de contact de la littérature avec son cœur : la poésie !
Ni « mouvement », ni « école », ni « docte doctrine », la Contrelittérature est un souffle, un retournement. Depuis son origine, elle trouva à s’incarner comme une revue, puis un livre-manifeste (éditions du Rocher), un blog, pour aujourd’hui se vêtir d’une forme particulière, celle d’un livre collectif paraissant annuellement…
Cette livraison arrive à point nommé pour, avec un peu de distance, offrir au lecteur quelques éclairages stimulants sur les rapports complexes entre religion et art. Rapports qui ont été singulièrement présents dans la sphère médiatique durant les derniers mois de l’année 2011. Les perspectives sont ici, il est vrai, presque exclusivement, chrétiennes (catholiques romaines) et occidentales. Toutefois, elles ont l’insigne mérite d’être très loin de toute bigoterie et de toute « moraline ». Si le point de vue « moral » revient parfois, ce n’est jamais « par en-dessous » et il est généralement étayé par une haute exigence philosophique et/ou spirituelle. Certains ne manqueront pas de trouver le ton général quelque peu péremptoire mais, soyons attentifs, derrière la forme solide et affirmée se tient le grand souffle brûlant d’une saine passion.
Ces pages sont emplies d’intuition qui font frémir le cœur, à la manière des irisations du très beau cœur Emeraude du peintre-poète Roberto Mangu qui orne la couverture. Ce n’est pas l’adhésion qui est recherchée ici. Pas de théories sèches mais, dans un retournement aussi léger qu’un souffle, le recouvrement du sens de l’origine du mot theoria… une « vision-conception ».
Certes, certaines sont plus formelles que d’autres, plus rigides, mais l’intelligence de ce recueil tient dans sa respiration. Les poèmes alternent avec les essais, les interprétations personnelles – par nature difficiles à partager – emportent par leur beauté, à tout le moins par leur chaleur…
De l’exposition des rapports de l’artiste à l’eucharistie autour d’un poème de saint Thomas d’Aquin (O.-T. Venard, p. 13) à l’analyse émotive de La Lettre écarlate (Monique Cartron-Bouchouk, p. 101) en passant par les poèmes de Gwen Garnier-Duguy et Matthieu Baumier ou la remarquable analyse de Falk van Gaver sur l’origine véritable de Dada… Que de réjouissantes connaissances et découvertes !
Au cœur de l’art qui reste un mystère, il y a un souffle… Parfois, il s’essouffle… La faute aux artistes ou bien aux spectateurs.
Mais il existe comme une exigence du souffle. Dans une réflexion approfondie de ce mystère qui demeure essentiel à l’homme, il serait bien dommage de se priver de la profonde respiration que constitue cet ouvrage, qu’ouvre et conclut Alain Santacreu avec deux textes denses et profonds.
Découvrez donc l’art de dire ce que l’art respire et inspire… !
Thierry Joliff
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Contrelittérature : du religieux dans l’art, sous la direction d’Alain Santacreu, Editions L’Harmattan, 2012, 192 p., 18€
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