Contrairement à ce que beaucoup pense, la pratique du Cosplay n’est pas née au Japon mais… aux États-Unis ! Elle fait de plus en plus polémique tandis que des codes vestimentaires inattendus font jour…
Tout a débuté dans les années 70-80 avec le succès des séries et films de science-fiction tels que Star Trek ou Star Wars. D’abord nommé Masquerade, l’objectif consistait à se déguiser en personnage de fiction (mangas, jeux vidéos, comics, séries). En revanche, c’est bien un Japonais qui a conçu le terme cosplay (contraction de « costume » et « playing »). Et c’est au pays du Soleil levant que le phénomène a pris toute son ampleur, poussant le jeu à son maximum avec des costumes au plus proches des originaux. Les conventions et concours ont ainsi vu le jour. L’un des plus connus étant le World Cosplay Summit qui se déroule chaque année à Nagoya (Japon). Diverses performances y sont présentées et notées afin de récompenser le long travail de création des participants. Mais ce phénomène est parfois au cœur de polémiques…
Le Nazi chic
Cette année des photos de mariage ont déchaîné de nombreux internautes. La raison ? Une jeune femme déguisée en personnage de Chobits et un homme en tenue… de SS ! De fait, il existe une tendance profonde en Asie depuis quelques années : le Nazi Chic. Choquant ? Déplacé ? Cette mode consistant à revêtir des tenues et accessoires de l’esthétique du 3e Reich est de plus en plus répandue, en particulier en Corée du Sud, à Taïwan et au Japon. Des écoliers, des restaurateurs, des salary men en congés, la mode est à l’esthétique nazie. Il y a un lustre, un groupe d’écolières du Sacré Cœur de Chiang Ma organisait un défilé répliquant une parade nazie ; la direction s’est excusée après avoir pris conscience de l’indélicatesse à la suite d’une plainte de l’ambassade israélienne. Lors de fêtes, le swastika accompagne de plus en plus souvent les confettis. « Ce n’est pas que j’aime Hitler. Mais il a l’air drôle » – déclare un commerçant de Bangkok à un journaliste de CNN surpris de la présence de l’effigie du Fuhrer devant son magasin. Bref, en Asie, le Furher fait fureur. Et dans le Cosplay, un peu fourreur aussi.
Tandis qu’en Occident, la simple évocation du mot assombrit les esprits, en Asie, c’est la beauté de la tenue qui est importante et non les idéologies véhiculées qui parlent peu. On parle ici de cosplay, car ce type d’uniforme se retrouve dans certains mangas et peut donc être utilisé en respectant les conventions du genre. Pour exemple, le Major Montana Max de Hellsing est un ancien militaire SS. Porter sa tenue signifie-t-il que le cosplayer en prône les valeurs ? Pas nécessairement. De même, se déguiser en héros de jeux vidéos du type Call Of Duty n’est pas forcément un féru de guerres ? Cette pratique ne traduit pas systématiquement une volonté d’identification, de personnalisation. C’est souvent l’occasion de travailler sur un costume que l’on trouve beau ou mystérieux. Un autre uniforme militaire que nazi poserait-il autant la polémique ? Certes, non. Or, ce qui s’est passé en Europe durant la Seconde Guerre mondiale, la plupart des Asiatiques le méconnaissent : le crucial pour eux à l’époque, c’était précisément l’Asie et non l’Europe. Et, de fait, l’enseignement de la Shoah disparait au fil du temps des programmes scolaires.
Cosplay is not consent
Dans un autre contexte, l’incident à l’Anime festival Asia de Singapour est resté dans les mémoires. Au mois de novembre 2013, les fans de la Japanimation étaient réunis pour vivre leur passion. Mais ce chouette moment fut perturbé : une des cosplayeuse s’est retrouvée face à… la police ! La jeune fille avait choisi de revêtir la tenue de combat de Matoi Ryuko, l’héroïne de Kill la Kill. Or, ce choix n’était pas du goût d’une vieille femme qui sortait d’un service religieux (lequel se déroulait dans le même centre de convention que la Japananiamtion). La dame, choquée que le dessous des seins de la demoiselle soit visible, avait appelé la police au motif d’indécence publique.
En réalité, loin de vouloir provoquer ou s’exhiber, beaucoup de cosplayers sont surtout victimes de l’aspect sexy de leurs propres costumes. Au lieu de s’intéresser au travail d’élaboration et de représentation du costume ainsi qu’au type de plaisir recherché, certains spectateurs viennent se rincer l’œil, en quête de parties dénudées, voire se permettre des attitudes déplacées. C’est le cas notamment d’adeptes du nazi trash qui affectionnent une sexualité au décorum SS. De quoi gâcher le plaisir et le travail de jeunes cosplayers. Pour lutter contre ce harcèlement le projet d’information « Cosplay is not consent » (Cosplay ne signifie pas consentement) est né. C’est toute l’ambiguïté d’incarner des personnages qui arborent des plastiques et des vêtements très osés tout en étant en pratique dénués de vie sexuelle – comme c’est le cas de plusieurs personnages de manga, de science-fiction ou de superhéros. Mais chacun a le droit d’avoir ses contradictions de les exposer, de les représenter à leurs propres yeux et aux yeux des autres à travers une théâtralisation (parfois cathartique).
Certes, reste l’éternelle question des limites. Les costumes soit trop sexy doivent-ils disparaître ? Mais de quel droit ? Les pervers et autres désaxés n’ont pas à dicter aux autres leurs conceptions et désirs malsains. Quant aux costumes idéologiquement répréhensibles, tout dépend sans doute de l’espace où ils sont portés : publics, semi-privés, privés. Mais aussi de leur contexte géographique, politique et civilisationnel. Reste une certitude : l’interdiction suscite toujours le désir de transgression.
Sandra Dufils
(supervision : Nicolas Roberti)