Mercredi 2 avril 2025, l’Académie nationale de médecine a rendu public un rapport remarqué sur les origines possibles du SARS-CoV-2, concluant à une très large adhésion de ses membres à l’hypothèse d’une fuite de laboratoire. Une prise de position inédite en France, qui relance un débat mondial où science, transparence et géopolitique s’entremêlent.
La scène est inhabituelle. Alors que la conférence de presse bat son plein pour présenter le rapport « De l’origine du Sars-CoV-2 aux risques de zoonoses et de manipulations dangereuses de virus », le président de l’Académie de médecine, Jean-Noël Fiessinger, prend la parole depuis le public. Il souligne un chiffre : 97 % d’approbation parmi les académiciens ayant voté. Une quasi-unanimité pour soutenir une conviction scientifique de plus en plus partagée : l’hypothèse d’une fuite de laboratoire, qui aurait pu donner lieu à l’émergence du Covid-19, mérite d’être considérée avec sérieux.
Une hypothèse jugée « la plus cohérente avec les faits disponibles »
Le rapport, coordonné par la virologue Christine Rouzioux, ne prétend pas apporter une preuve définitive. Elle-même affirme que l’on « n’aura jamais la réponse » certaine sur l’origine du SARS-CoV-2. Mais elle évoque une « conviction », fondée sur un « faisceau de faits et d’arguments », en faveur d’une fuite accidentelle depuis un laboratoire de recherche travaillant sur les coronavirus, notamment à Wuhan, en Chine.
Parmi les éléments mis en avant :
- La proximité géographique entre les premiers cas recensés et l’Institut de virologie de Wuhan, un laboratoire de haute sécurité connu pour ses travaux sur des coronavirus de chauves-souris.
- L’absence d’un hôte intermédiaire identifié, pourtant attendu dans une transmission zoonotique naturelle.
- La publication, dès 2015, d’articles scientifiques décrivant des manipulations de gain de fonction sur des virus proches du SARS-CoV-2.
- La gestion opaque de la part des autorités chinoises, notamment l’absence d’accès complet aux données de laboratoire pour les équipes internationales.
Le rapport insiste néanmoins sur la nécessité de prudence. L’origine zoonotique naturelle reste scientifiquement possible, et les travaux de séquençage génomique ne permettent pas de trancher de façon absolue. Mais l’Académie appelle à sortir d’un climat de tabou ou d’hostilité idéologique vis-à-vis de l’hypothèse de la fuite.
Un tournant dans la position institutionnelle française
Cette prise de position marque une évolution significative. Jusqu’à présent, les autorités sanitaires françaises, comme l’OMS, ont toujours exprimé une préférence pour l’hypothèse naturelle, tout en n’excluant pas d’autres scénarios. La déclaration de l’Académie nationale de médecine, institution fondée en 1820 et regroupant des experts de renom, constitue donc un signal fort dans le débat scientifique.
Elle rejoint ainsi les interrogations émises dans plusieurs pays, notamment aux États-Unis, où le département de l’Énergie et le FBI ont publiquement évoqué la possibilité d’une fuite de laboratoire, sans toutefois parvenir à un consensus avec d’autres agences fédérales.
Le rapport va plus loin : encadrer les manipulations de virus
Au-delà du cas du Covid-19, le rapport s’inquiète de l’évolution des pratiques de recherche sur les agents pathogènes, notamment les manipulations dites « à potentiel pandémique ». Les académiciens alertent sur les risques associés à certaines expériences en laboratoire, qui pourraient créer de nouveaux virus hautement transmissibles ou virulents.
Ils appellent à :
- Un renforcement des régulations internationales sur les manipulations de gain de fonction.
- Une transparence accrue des laboratoires de haute sécurité, y compris au sein des pays démocratiques.
- Un débat éthique renouvelé sur les limites de la recherche virologique dans un contexte de biosécurité globale.
Une position à résonance mondiale
Alors que les séquelles du Covid-19 demeurent vives — plus de 168 000 morts en France selon Santé publique France —, cette déclaration de l’Académie de médecine française donne un poids nouveau à l’hypothèse de la fuite de laboratoire, longtemps reléguée aux marges du débat public. Elle appelle à une enquête scientifique indépendante, affranchie des pressions géopolitiques, mais aussi à une réflexion collective sur les garde-fous à poser autour de la recherche sur les virus.
Pour l’heure, aucune commission internationale dotée de moyens coercitifs n’a pu mener une enquête complète en Chine. Mais l’Académie estime que l’on ne peut plus se contenter de zones d’ombre. En science comme en santé publique, l’exigence de vérité et de prévention doit primer.