Culture 2012, Le choix (non exhaustif) de la rédaction

Adieu l’année 2012, bonjour l’année 2013 ! Année riche de promesses sur fond de crise nationale et mondiale. Plus que jamais le secours d’une pensée vivante et créatrice est de mise. Mais avant de gratifier nos lecteurs de nouveaux bons articles littéraires, artistiques, politiques et plus encore, il est possible de se réjouir une dernière fois de l’année 2012 en jetant un coup d’oeil sur ce qui a ravi notre rédaction. L’exercice est simple comme un devoir de vacances : plusieurs de nos contributeurs ont commenté une ou plusieurs rencontres culturelles qui les ont enthousiasmés. Lisez plutôt :

 

Hélène Chocolat

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Le livre indétrônable de ma bibliothèque cette année (et de ma cuisine) est Bio, bon, gourmande de Valérie Cupillard. Fade et triste, la cuisine végétarienne ? Les recettes simples et savoureuses de Valérie Cupillard donnent leurs lettres de noblesse aux végétaux et autres légumineuses qui sont la base de l’alimentation végétale. Bio, bon, gourmand s’est imposé comme la Bible des livres de recettes végétarienne : accessible, ludique, il regorge d’ingrédients surprenants et de recettes originales et gouteuses. Une véritable découverte culinaire!

Delphine Descaves

Le « revival » des années 80, dans la mode, au cinéma ou en musique, n’est plus une découverte pour personne. Certains créateurs s’en inspirent et s’en amusent, égalant parfois leurs inspirateurs. À ce jeu-là, le groupe Lescop, mené par son auteur et interprète Mathieu Lescop, se révèle particulièrement séduisant. Dans la belle tête du chanteur (on croirait un peu Pasolini, jeune !) ont germé des mélodies, très influencées par Étienne Daho et la pop des années 80. L’hommage prend presque ici la forme d’une réécriture musicale : pour autant, pas de pâle resucée, mais des chansons qui ont leur propre charme et un album qui présente une véritable cohérence – un univers. Écouter « le vent » — peut-être la plus belle — ce n’est plus seulement s’amuser des ressemblances avec le talentueux aîné : c’est savourer un petit pan de passé rien que pour soi, et se laisser aller à la vibrante nostalgie que cette chanson dégage, contagieuse et sans tristesse.

Laurence anyways, le dernier film de Xavier Dolan, prend place dans un début d’année 90 encore teinté par une esthétique années 80’s – toujours elles ! Cet inspiré réalisateur québécois signe là son troisième film – à 23 ans ! – et ose une oeuvre romantique, passionnée, lyrique, un vrai mélodrame : le héros, Laurence, veut devenir une femme, et son couple avec sa compagne Fred se fissure violemment. Ils se séparent, mais Laurence ne parvient pas à l’oublier. Laurence anyways est d’abord une belle histoire d’amour, poignante et enthousiasmante, qui porte un regard intelligent et curieux sur l’identité transgenre, sans jamais verser dans la caricature ou la molle compassion. C’est également une oeuvre baroque, et même un peu dandy, dans le soin maniaque que Dolan apporte aux costumes et à la B.O, et dans l’anticonformisme joyeux que le film dégage. Quel bonheur de se dégager de l’intimisme psychologique de certains films français…qui par comparaison paraissent étriqués, vieillots, fades ! Laurence anyways a l’énergie de son auteur, débridée, communicative, et il en a la jeunesse, pleine d’élan et d’audace.

Take shelter est une oeuvre paranoïaque, de cette paranoïa consubstantielle à un certain cinéma américain, révélateur des doutes, des failles et des névroses qui hantent sa société et ses individus. Un homme, Curtis, émouvant plus qu’inquiétant, croit percevoir les indices climatiques d’une catastrophe à venir. Il est également en proie, au sein même de sa famille et de son couple, et malgré la présence rassurante et douce d’une épouse aimante, à des angoisses de plus en fortes et de plus en plus incontrôlables. Lentement, Curtis dérive…jusqu’à la fin du film qui nous laissse perplexes – et assume là sa véritable dimension fantastique. Toute la force de ce film (esthétiquement) superbe est dans cette oscillation permanente entre réalité et illusions, raison et folie, contreforts familiaux et démons intérieurs…comment ne pas y lire la sombre métaphore de nos propres existences ?

Alix Bayart

Cette année 2012 fut pour moi riche en découvertes littéraires et en émotions données par les mots, mais également grâce à des spectacles magiques. En famille, nous avons eu la chance d’assister à une représentation du Slava’s Snow Show, et je ne peux que vous conseiller d’aller tout de suite réserver vos places si le clown Slava passe dans votre région ! C’est un clown triste, mais poète, et qui semble esseulé bien qu’il soit accompagné d’étranges créatures vertes aux longs chapeaux-oreilles. Ce spectacle est absolument grandiose, et pourtant il commence tout en douceur, tout en lenteur. Le spectateur doit se laisser bercer pour entrer dans ce monde onirique, ouvrir ses yeux, ses oreilles et surtout son cœur. Et la magie opère ! Dans cet univers mi-tragique, mi-comique, étrange, envoutant, la poésie côtoie la folie, mais une folie belle, douce, et souvent drôle. D’énormes bulles de savon lavent la tristesse, une toile d’araignée géante emprisonne les peurs, et une incroyable tempête de neige souffle sur nos angoisses et sur le public, le laissant abasourdi par ce spectacle grandiose et extrêmement original, qui est un enchantement pour les yeux et les oreilles. Emmenez-y vos enfants, et vos parents, car il n’y a pas d’âge pour s’émerveiller ! Féérique !

Autre temps, autre monde, nous voilà chez les bourgeois, et notamment chez Le Bourgeois gentilhomme de Molière, une superbe comédie-ballet mise en scène par Catherine Hiegel, avec François Morel dans le rôle de Monsieur Jourdain. Morel est un bourgeois est tout à fait ridicule, mais vraiment touchant dans sa candeur et on rit autant de lui qu’avec lui, et même moqué, Monsieur Jourdain reste étonnamment attendrissant, puisqu’il garde son âme d’enfant, toujours prête à s’émerveiller. La vivacité de François Morel porte la pièce, et ses mimiques servent le texte à la perfection, de même que tous les acteurs qui l’entourent. Cette comédie de Molière, jouée comme sans doute autrefois, se termine en grosse farce. On y retrouve des morceaux musicaux et des ballets et la pièce est d’une étonnante modernité, bien que le texte ait été écrit en 1670 ! Danseurs, chanteurs et musiciens sont intégrés complètement au spectacle et lui donnent rythme et allégresse, et une gaité qui se propage rapidement dans le public, conquis.

Je vous emmène maintenant en prison, avec la pièce Vol au-dessus d’un nid de coucou de Dale Wasserman. Un hymne à la liberté et à la résistance morale face aux diktats de la société qui n’a pas perdu une ride, bien qu’il ait près d’un demi-siècle. Cette pièce de théâtre nous a plongés dans cet univers carcéral et médical vraiment angoissant, étouffant. Ici, le lavage de cerveau est plus courant que celui des dents et il ne fait pas bon contredire l’infirmière-chef, qui a tout pouvoir sur votre esprit et votre corps, votre âme. Ici les souffrances sont à fleur de peau, mais les exprimer, même si on y est incité par les fameux groupes de parole, revient à se faire moquer et tomber encore plus bas dans l’estime des autres et surtout dans sa propre estime. Ici, il est de bon ton d’être dingue, ou dépressif, mais il convient de rester un doux dingue et de filer droit, d’accepter le règlement même (et surtout) s’il est stupide, de faire le dos rond… D’ici, il est certain que vous ressortirez plus fou que vous n’y êtes entré… Une pièce qui fait froid dans le dos, et les personnages de ce huis clos sont poignants et criants de vérité. Heureusement, le texte et le jeu sont également très drôles et le spectateur peut grâce à l’humour supporter les scènes qui s’apparentent à des mauvais traitements. Un spectacle qui ne pourra laisser personne indifférent, qui donne envie d’intervenir, de crier sa révolte, et qui pourtant vous scotche à votre siège par l’émotion qui s’en dégage. Du grand théâtre, aussi bien par le texte que par le jeu des acteurs, bouleversant. On ressort avec une boule au creux du ventre, mais heureux d’un si beau spectacle.

Minyu

Sans hésiter, Tempête sous un Crâne, parce que c’est un spectacle étrange, hybride, à cheval sur plusieurs arts, et d’une grande audace pour une transposition des Misérables sur scène. Les cinq acteurs et deux musiciens font preuve d’une fougue enthousiasmante, trop rare au théâtre, et d’ailleurs ce sont les légères imperfections qui font le charme de l’ensemble. C’est cette fraîcheur qui en fait un spectacle marquant, au-dessus de bien d’autres… Cela fait du bien de voir enfin du talent à l’état pur, sans aucune affectation !

David Norgeot

Lire, c’est pénétrer à l’intérieur d’un autre. Au fil des pages se dévoilent des plaisirs inconnus. Un monde nouveau s’offre à la vue du lecteur et la connaissance de nous-mêmes et de l’autre s’approfondit. Il suffit parfois de quelques mots pour que nos certitudes les plus profondes tanguent comme jamais. La pensée se faisant alors aussi coupable que minérale. Si un grand nombre d’ouvrages est dans ma mémoire, le combat final ne pouvait qu’opposer que deux des auteurs les plus viscéraux de la littérature : Rimbaud et Cioran. Le Bateau ivre est juste une ivresse. Écrit en 1871, par un jeune homme de 17 ans n’ayant jamais vu la mer, il offre un émerveillement si rare qu’il aurait été criminel de ne pas en parler. Oui, mais voilà, aussi profond soit-il, ce choc salvateur ne triomphe pas face à l’amertume du second. Cioran, contrairement à ce que la légende pleine de paresse pourrait faire croire, a l’écriture la plus revigorante de toute l’histoire de la littérature. Loin des fausses promesses, des faux sourires, des chimères dont nous sommes entourés, ses livres nous arrachent à la tiédeur des pensées communes. « N’est profond, n’est véritable que ce que l’on cache. D’où la force des sentiments vils. » Et déshabiller si habilement notre bel aujourd’hui est quelque chose, qui pour moi, est indispensable à la survie de chacun. Alors s’il y a des inconvénients à être né, il y a aussi la bénédiction que des remèdes existent pour pallier à certaines douleurs.

Thierry Jolif

Meilleur diksse : Dominique A Vers les lueurs. Pour les lumières puissantes et vibrantes de poésies intimes déployées à l’universel par des compositions à la fois émotionnelles, exigeantes et ouvertes…

Meilleur book : L’homme joie de C. Bobin Pour la lumière pleine d’une ombre bienfaisante et apaisante d’une écriture qui à la patience d’un ciel bleu sur le papier duquel se promènent des nuages gros de promesses qui se moquent des prévisions et même de leur possible réalisation. Pour une prose poétique qui se rit de l’étonnement de se mirer dans des yeux et des yeux…

Meilleur film : Faust de Sokourov Pour la lumière crépusculaire d’une histoire légendaire. Pour le courage d’un créateur à ne pas mettre le tragique sous le boisseau tout en célébrant, encore, malgré tout la beauté dans les remugles persistants d’une histoire qui, ontologiquement, stagne trop mollement.

Meilleur concert : Jean-Louis Murat à Mythos 2012 Pour une présence, ombreuse, qui aux gréés de ses chimères enchantées et déchantées met des frémissements électrisants dans une poésie rugueuse. Pour l’incarnation d’une langue musicale tendrement rocailleuse.

Didier A. Ice

Le Film de l’année coule de source, car il s’agit d’un choix émotif : A.L.F. Je m’y suis retrouvé, comme beaucoup et je conçois pourtant que le film en rebute d’autres.

Pour l’aspect divertissement, je m’amuse toujours du Rock Forever, pour son aspect générationnel.

Musicien ou disque de l’année : Totalement inattendu, il s’agit de The Sweet un groupe que je n’attendais pas surtout avec un album de reprise sur une ville que j’apprécie tellement : New York. Les papys font de la résistance et même après des centaines d’écoute, je continue à prendre du plaisir. Je citerai aussi Foxy Shazam et l’album The Church of Rock’n Roll parce qu’au fond je reste un fan de Queen.

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Pour le livre de l’année, le choix est difficile entre Page turner et les livres plus militants. Mon choix se porte finalement sur Lou Buc et les Autres, livre qui fait parler les animaux de laboratoire et montre surtout l’inutilité de la majorité des expérimentations qui se font dans des centres de recherche ou des universités dotées de fonds publics.

Paul Sunderland

societe-secrete-paranormal-En 2012, j’ai particulièrement apprécié Des sociétés secrètes au paranormal : les grandes énigmes. Un ouvrage collégial de Geneviève Béduneau, Arnaud de l’Estoile, Bernard Fontaine et Richard D. Nolane. L’ouvrage présente la mythique collection j’ai Lu – l’aventure mystérieuse (gros succès dans les années 60-70) et ses thèmes de prédilection : OVNI, théorie des Anciens Astronautes/histoire mystérieuse, paranormal, sciences occultes… très dans l’esprit « réalisme fantastique » du Matin des magiciens (Pauwels/Bergier). L’ouvrage ne se contente pas de résumer les titres parus jadis dans cette collection, mais propose un véritable état des lieux et le point de vue actuel devant tous ces phénomènes. Il ne s’agit pour les auteurs ni d’emporter l’adhésion du lecteur, ni de le « désenchanter », mais de relire avec discernement cette célèbre collection.

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