Formé il y a bientôt 8 ans, le groupe Cut The Alligator s’est fait un nom sur la scène funk et soul rennaise. Composée de musiciens aguerris formés pour la plupart aux conservatoires de Rennes et de Saint-Brieuc, cette joyeuse bande a sorti en 2016 un premier EP intitulé First Blood . 3 ans après, ils s’apprêtent à présenter leur premier album Niopée’s Call. Il allie de bonnes vibrations à une histoire énigmatique…
Le début de l’aventure Cut The Allligator remonte à 2011. C’est cette même année que le bassiste Sylvain Hannoun rencontre ceux qui seront ses premiers compagnons de route pour les années suivantes. Parmi eux, Régis Bunel, saxophoniste baryton et compositeur, qu’il rencontre lors de son passage au conservatoire de Saint-Brieuc. Il fait également la connaissance de Louise Robard et de Stellis Groseil, deux interprètes polyvalentes qui ont grandi au contact de musiques populaires afro-américaines telles que le jazz vocal et la soul. Il leur propose d’animer une fois par mois une jam session funk à Rennes. Ainsi prit forme la première mouture de Cut The Alligator. Elle évolua au fil des années pour accueillir d’autres disciples, dont le guitariste Kévin Le Pennec qui a rejoint le groupe en 2015.
Pendant plusieurs années, les compères se font connaître en enchaînant les concerts sur des scènes de diverses envergures, avec quelques passages aux « Funky Fresh Parties » animées depuis 2013 par DJ Freshhh au 1988 Live Club de Rennes. Leurs prestations étaient rythmées par des reprises de titres popularisés par des artistes phares des musiques soul et funk, notamment Aretha Franklin, James Brown et Meters. Par la suite, ils décidèrent de créer leurs propres compositions dont certaines sortirent en septembre 2016 sur leur premier EP « First Blood », enregistré en mars de la même année au Studio du Poulailler de Vézin-Le-Coquet. Dans cette continuité, ils sortent vendredi 21 juin 2019 Niopée’s Call, leur premier album à l’esthétique singulière.
Par sa thématique, l’album Niopée’s Call souligne que, outre une passion musicale commune, les membres de Cut The Alligator sont également réunis par une histoire des plus mystérieuses… Elle est à l’origine du nom de la formation. Selon la légende racontée par Sylvain Hannoun, les musiciens répondent à l’appel à l’aide de Niopée, déesse des rêves et porteuse des énergies positives qui fut engloutie il y a bien longtemps par Siirah, la grande déesse alligator. Ils auraient ainsi trouvé en la musique le moyen privilégié pour tenter de libérer toutes ces précieuses émotions et énergies vitales, enfouies en chacun de nous. Celles-ci se retrouvent d’ailleurs incarnées dans cet album par les libellules au centre de la chanson « Unleash The Dragonflies« , dont le propos expose explicitement cet enjeu de décharge émotionnelle. Le groupe nous entraîne alors dans un univers empruntant au fantastique et invitant dans le même temps au lâcher prise. Certains, d’ailleurs, y verront peut-être une certaine parenté artistique avec le monde surréaliste jadis mis en scène par George Clinton, chanteur afro-américain et leader des groupes Parliament et Funkadelic pendant les années 70.
Sur le plan musical, certaines chansons de Niopée’s Call se situent dans la meime dynamique suivie par Cut The Alligator dans leur EP First Blood. Dès les premières mesures de la chanson « New Race », ouvrant l’album, on retrouve certains des éléments musicaux caractéristiques des styles funk et soul du début et du milieu des années 70. Une rythmique régulière et percutante assurée à la batterie par Basile Gueguen, des sections de cuivres dialoguant avec les autres instrumentistes et les lignes de basses au rôle mélodique affirmé de Sylvain Hannoun. Sans oublier les « cocottes » (enchaînement mélangeant de façon rythmique des notes piquées et des accords ou des notes seules) jouissives et le jeu de guitare électrique de Kévin Le Pennec, jouant souvent sur les contretemps. Vers la dernière partie du morceau, un passage mélodique ascendant et descendant réalisé par les cuivres en unisson évoque immédiatement les interventions des Memphis Horns sur les chansons enregistrées au label Stax pendant les années 60. De même, Louise Robard et Stellis Groseil adoptent une vocalité généralement puissante et percussive, habituelle dans les chansons funk et en alternance avec de beaux mélismes inspirés des artistes de gospel et de soul.
Mais si la musique de Cut The Alligator conserve des éléments incontournables tirés de ces racines musicales soul et funk « traditionnelles », elle n’hésite pas non plus à s’affranchir de ce cadre et à explorer d’autres horizons parfois associés. En témoignent les sonorités électroniques exploitées aux claviers par Edouard Ravelomanantsoa sur certaines chansons : ainsi dans « Unseen Faces », il réalise d’entêtants gimmicks, des basses et des nappes d’accords hypnotiques qui ne sont pas sans rappeler l’« électro funk » de groupes tels que Midnight Star ou, encore, les arrangements des chansons de Prince et de Michael Jackson pendant les années 80. Ces mêmes sonorités sont d’ailleurs encore plus présentes et combinées à une forte orientation funk sur le morceau « Find Your Name ». On remarque également dans cet album une place importante accordée à la guitare électrique de Kévin Le Pennec, dont les lignes mélodiques sont fortes et doublent très souvent celles de Sylvain Hannoun à la basse. Parfois employée avec un timbre saturé aux accents hard rock, elle s’exprime notamment à l’occasion de motifs aériens et paraît même exulter lors d’un solo déchaîné durant la dernière partie de « Unseen Faces ».
Par ailleurs, l’harmonie qui semble unir les musiciens de Cut The Alligator se révèle en outre jusque dans la création de leurs chansons. En effet, chacune d’entre elles est le fruit d’un véritable travail collectif, réalisé à partir d’un ensemble d’idées musicales différentes, imaginées et développées par les musiciens au fil du processus créatif. Un procédé qui leur permet de composer des mélodies et des motifs accrocheurs, s’insérant dans un contrepoint très élaboré et harmonieux. Par moments, cette fusion est telle que les voix de Louise Robard et Stellis Groseil semblent parfois se confondre tantôt dans leurs très belles polyphonies à deux voix, tantôt dans un jeu de relais mélodique.
Toutes ces chansons mettent également en avant un caractère mouvant sur le plan harmonique, rythmique et surtout mélodique. Cet aspect correspond bien aux pulsions vitales qu’exprime le groupe et se manifeste en partie à travers des ambiances contrastées et parfois évolutives : « Unseen Faces », par exemple, commence dans une atmosphère mystérieuse installée par un motif aérien de guitare puis renforcée par des nappes sonores au synthétiseur, également associées à une rythmique dynamique irrésistiblement dansante. Dans un autre temps, on apprécie les atmosphères plus apaisées des morceaux « Too Busy For Love » et « Seed Mother », faisant la part belle à des sonorités enveloppantes de piano électrique et de la guitare électrique, ainsi qu’à des rythmiques plus lentes et chaloupées. Elles mettent aussi en valeur une extrême douceur prodiguée par les chants de Stellis Groseil et Louise Robard, dont les timbres délicats les rapprochent ici de chanteuses telles que Minnie Riperton.
Les chansons de « Niopée’s Call » permettent ainsi à Cut The Alligator de transmettre leur philosophie artistique de façon rafraîchissante et de distiller en musique des bonnes ondes dont on aurait tort de se priver. Mais leur mission est loin d’être terminée et nul doute qu’ils sauront l’honorer pendant leurs concerts à venir. Ils devraient ainsi présenter ces nouvelles chansons à l’occasion de leur prestation ce soir jeudi 20 juin à la Ferme de la Harpe de Rennes. Suivez donc leur mot d’ordre… et coupez l’alligator !
« Niopée’s Call », le premier album de Cut The Alligator, sortira le 21 juin prochain sur Musiques Têtues/L’Autre Distribution.
Avant sa sortie, vous pourrez voir le groupe sur scène à la Ferme de la Harpe ce jeudi 20 juin à 20h30, à l’occasion de leur release party.
Leur tournée d’été est marquée par plusieurs dates dans l’Ouest, dont un concert le 17 août prochain à la Place de la Mairie de Rennes dans le cadre du festival Transat en Ville.