Témoignage de proximité plus que réelle biographie, la lecture de l’ouvrage de Christian Eudeline ne permettra pas (est-ce souhaitable ? ) de prendre la mesure de la taille de l’âme de celui qui fut l’un des plus fragiles et sensibles apôtres du rock. Daniel Darc, ange pâle vêtu de noir, qui est né au ciel au crépuscule de l’année 2013. Demeure le plaisir d’un texte d’où émergent de belles fulgurances qui évoquent une vie sur le fil du rasoir, tout entière vouée au rock’n roll.
Moi, quoiqu’il arrive, c’est le rock ! (Daniel Darc, Entretien avec l’auteur, p. 165)
Né en 1959 d’un père de confession juive et d’une mère catholique, Daniel Rozoum dit Darc va, 35 années durant, naviguer par les creux et les pics de la mer chaotique et amère du rock français. Surfant sur un succès à l’équilibre toujours précaire, notamment avec Taxi Girl, ou sombrant dans les flots obscurs du rejet et du mépris, Daniel Darc assumera toujours l’amour viscéral qui le lie à l’esprit du rock le plus tranchant, le plus singulier, le plus intelligent, lequel est souvent le plus sombre et tragique. Mais, celui qui, après le décès de son père, se convertit à la foi chrétienne et l’affirme trouvait dans les ténèbres une indestructible lumière.
Les évocations par cette biographie du parcours, tant musical que personnel, effleurent leur sujet. Un sujet certes fut particulièrement dense et profond. L’écriture n’a rien d’exaltante et le style, commun, reste d’une lecture agréable et aisée. À souligner, cependant, de belles envolées dans certaines descriptions de chansons ou d’ambiance musicale. On y sent alors, très concrètement, l’attachante et exigeante passion de Christian Eudeline pour la musique et sa connaissance intime de celle de Darc.
Les entretiens ont eux cette admirable capacité à faire résonner en nous le timbre si particulier de la voix, le rythme unique de la diction. Tout ce que reflète l’écriture de Daniel Darc que ce soit dans ses meilleures chansons-poèmes, ses articles ou ses nouvelles. C’est le mérite de ce livre qui se lit d’une traite de nous le rappeler. Darc ne fut pas qu’un parolier prolixe et doué. Le rock fut pour ce grand timide le viatique nécessaire, presque insurpassable, de l’expression littéraire et poétique.
Si l’ouvrage offre une très sérieuse discographie et bibliographie, on pourra néanmoins regretter l’absence d’iconographie. Quelques beaux clichés en cahier central n’auraient pas été superflu pour évoquer celui pour qui le rock était, avant tout, le style !
Un livre émouvant, parfait complément de Daniel Darc, Tout est permis mais tout n’est pas utile, autobiographie inachevée de Daniel Darc, co-écrite par Bertrand Dicale (Fayard, 2013)
Daniel Darc, une vie, Christian Eudeline, préface de Dominique A, 241 pages, Ring, 2014, 18€