Dans la cuisine des Nguyen, on chante comme à Broadway et on cuisine de succulents plats vietnamiens traditionnels. Derrière une comédie musicale pétillante, Stéphane Ly-Cuong aborde dans ce premier film, en salle le 5 mars 2025, la quête identitaire, la double culture et la relation mère-fille.
Dans la cuisine des Nguyen, qui a-t-il ? La fille, Yvonne (Clotilde Chevalier). Elle enchaîne les auditions dans l’espoir de faire de sa vie une comédie musicale. Et sa mère (Anh Tran Nghia), propriétaire d’un restaurant vietnamien en banlieue. Elle préférerait que sa fille le reprenne et trouve un mari décent : un médecin vietnamien « très gentil » et ami d’enfance d’Yvonne par exemple… « Une Vietnamienne qui fait des comédies musicales, c’est comme un éléphant qui fait des nems, ça n’existe pas. » Déconnectés l’un de l’autre, les deux personnages arriveront-ils à renouer avec le retour d’Yvonne à la maison ?
Un clin d’œil à Mary Poppins par-ci, un clin d’œil à Peau d’Âne par là : le premier long métrage de Stéphane Ly-Cuong est bien une comédie musicale remplie d’optimisme qui donne le sourire (et fait verser une petite larme au passage si l’on est sensible). Le réalisateur reprend ici le personnage principal de son spectacle musical Cabaret Jaune Citron et fait appel la comédienne et chanteuse Clothilde Chevalier qui joue son rôle. Si les scènes de comédies musicales aux couleurs chaudes donnent une légèreté rythmée au film, le réalisateur dépeint non sans humour l’Asie quelque peu fantasmée des Occidentaux et les stéréotypes qui vont de pair. Parmi la panoplie des personnages hauts en couleur, on retrouve Thomas Joly dans le rôle du metteur en scène Philippe dont les propos flirtent avec le racisme ordinaire.
À la recherche de sa “Fleur de Lotus” pour sa comédie musicale sur la vie de Casanova, sa pièce se révèle un pêle-mêle de plusieurs cultures asiatiques, pour « une Asie sans frontières », comme si chacune était interchangeable… « Kimono, Mékong, on est où là ? Au Japon ou au Vietnam ? », s’indignera d’ailleurs Koko, l’ami d’Yvonne, à la lecture d’une chanson qu’elle doit interpréter pour une audition.
Chaque culture a cependant ses spécificités et, dans son film, Stéphane Ly-Cuong choisit de s’attarder sur les délices de la cuisine traditionnelle vietnamienne avec de belles scènes de préparations qui donnent l’eau à la bouche. Tout Français digne de ce nom se délectera d’ailleurs de ses scènes dans la cuisine des Nguyen où sont frits des chips à la crevette, roulés des nems et pliés des Banh Cuon (crêpe vietnamienne à la vapeur). Après tout, ne sommes-nous pas connus comme étant une des seules populations qui parlent de nourriture alors qu’elle est en train de manger un autre plat ? (Et ceci n’est pas un cliché, mais une réalité)
Ces moments filmés dans l’intimité d’une cuisine cristallisent aussi le rapprochement entre une mère de premier abord dure, mais surtout blessée et inquiète, et une fille qui accepte au fil du film ses origines. Ces scènes de transmission accompagnent l’évolution des personnages et laissent apparaître une des grandes thématiques du film : la quête identitaire d’un personnage perdu dans ses rêves. « Je suis fière de l’accent de mes parents et je suis fière de m’appeler Fen Fu ». Yvonne est une jeune femme d’origine vietnamienne née en France qui a depuis l’enfance renié son héritage pour s’intégrer, mais retrouve l’importance de le choyer. « Ton père disait : quand on a un talent, il faut le partager ». À Yvonne de trouver la manière de partager le sien.
Dans la cuisine des Nguyen de Stéphane Ly-Cuong. En salle le 5 mars 2025.