La peau comme angle pour aborder la question de la relation à l’autre. C’est le choix de l’Abbaye de Daoulas pour son exposition À fleur de peau, la fabrique des apparences. Le parcours porte un regard large sur des cultures proches ou lointaines, géographiquement ou historiquement. Convoquant création contemporaine et objets ethnographiques, l’exposition met en lumière des problématiques d’autant plus actuelles.
Corps à corps…
Pour l’anthropologue et sociologue David Le Breton, chargé du conseil scientifique, l’exposition est une manière de « déroutiniser nos modes de pensée, nos manières d’être et donc de briser au passage un certain nombre de stéréotypes, préjugés, visions racistes ou simplifiées ».
La peau, en tant qu’enveloppe corporelle, marque la frontière entre le dedans et le dehors, entre soi et l’autre. Elle est la première chose sur laquelle le regard de l’autre se pose. La peau, organe relationnel, est aussi le lieu de l’échange. Celui-ci étant par ailleurs soumis à des règles selon les cultures. Ce contact amenant à une appréciation, parfois faussée, détermine des comportements posant la question de la relation à son propre corps et à celui des autres.
Cette vision du corps de l’autre s’illustre particulièrement dans les bustes en plâtre de la collection anthropologique du Musée de l’Homme (Paris). Lors des expéditions scientifiques au 19e siècle, les anthropologues fixaient dans le plâtre les visages, les traits des sujets, en indiquant leur contrée ou nation d’origine. Dans la même salle est présenté le Nuancier du Français Pierre David. Sur le principe de l’échantillonnage, l’artiste a réalisé un nuancier à partir de la couleur de la carnation de 50 hommes travaillant au Musée d’Art Moderne de Bahia.
La rencontre avec l’autre est illustrée à travers le regard de trois explorateurs. Chez George Catlin (1796-1872) est un artiste-peintre américain spécialisé dans la représentation des Indiens), la découverte des « tribus indiennes », qu’il nomme « la noble race des Peaux-Rouges », fait l’objet d’une fascination. Son intérêt pour la peinture corporelle amérindienne ainsi que les nombreux portraits d’hommes, de femmes et d’enfants présents dans ses carnets en sont le témoignage. A contrario, George Dixon voit plutôt dans les labrets, parures de lèvres des femmes Tlingits, une forme d’enlaidissement. C’est une curiosité pour les tatouages que va manifester James Cook lorsqu’il découvre des peuples des îles du Pacifique. Pour anecdote, le mot « tatoo » en anglais, « tatouage » en français, est forgé par l’équipage de James Cook à partir de « tatau » en tahitien signifiant dessin.
Identité et cartographie de l’intime…
Montre-moi ta peau, je te dirai qui tu es… Avec ses signes, la peau est une énigme qu’il faut déchiffrer pour savoir ce qu’elle dit de nous, de notre histoire. En évolution permanente, elle garde en mémoire les accidents de la vie, les stigmates du temps qui passe ou encore les empreintes de pratiques culturelles. La série de portraits photographiques de Jade Beall, intitulée The Bodies of Mothers : A Beautiful Body Project, apparaît comme une hymne au corps féminin marqué par l’enfantement. Une peau qui s’exprime aussi avec son propre langage. Les poils hérissés qui trahissent la peur ou une réaction au froid. Des rougeurs au visage traduisant une gêne ou une sensation de chaud.
Des marques corporelles servant également de motifs d’identification et d’appartenance à un groupe social. Carte d’identité à même la peau, les scarifications étaient pour les tribus Môssi et Kô de Côte d’Ivoire des éléments de reconnaissance. De même, selon le contexte culturel, les tatouages n’ont pas les mêmes significations pour ceux qui les portent. Qu’ils soient associés à l’univers carcéral, à un gang salvadorien ou à des rituels de passage.
Façonner son corps « à son image »
Les interventions corporelles sont inhérentes à la condition humaine. Champ d’expression, le corps peut devenir une œuvre, matière vivante à modeler, véritable projet de soi. Dessin indélébile, le tatouage fait de la peau une toile en mouvement. On ne peut que constater l’importance que le tatouage a prise dans le champ de l’art. Preuve de l’engouement actuel, l’exposition Tatoueurs, Tatoués présentée en 2015 au Musée du Quai Branly à Paris qui avait enregistré plus de 700 000 visiteurs. L’exposition aborde également le masque et le maquillage qui sont l’occasion de se mettre dans la peau de personnages, de jouer des rôles.
À fleur de peau, la fabrique des apparences, une exposition qui ne manque pas de profondeur en abordant une thématique qui nous concerne tous. Profitez-en pour faire un détour par les jardins et le cloître roman absolument remarquables…
L’exposition À fleur de peau, la fabrique des apparences, a lieu à Abbaye de Daoulas,16 juin – 31 décembre 2017, 29460 Daoulas, Tél. 02 98 25 84 39
Infos pratiques
Horaires
Du 29 mars au 15 juin : tous les jours de 13h30 à 18h00
Du 16 juin au 17 septembre : tous les jours de 10h30 à 19h00
Du 18 septembre au 31 décembre : tous les jours de 13h30 à 18h00
24 et 31 décembre : fermeture à 17h00
Tarifs
Enfants de moins de 7 ans : gratuit
7-17 ans, demandeur d’emploi, minima sociaux, personne handicapée et un accompagnant : 1 euro
18-25 ans, Passeport culturel, carte Cézam : 4 euros
Plein tarif : 7 euros
Carte d’abonnement : 5 euros/ 15 euros/ 20 euros/ 35 euros
Visites accompagnées et ateliers : 1 euro supplémentaire/personne