Le Dictionnaire amoureux de l’Orient de René Guitton est paru aux éditions Plon. Dans les deux dernières décennies, les éditions Plon ont publié des dizaines de « Dictionnaire amoureux de… » sur moult sujets brassant l’ensemble de la culture humaine. Le propos est simple : un(e) auteur(e) décline sur un thème donné tout son intérêt, sa connaissance, sa passion d’un sujet. Autant dire que c’est quasiment toujours un travail riche et étonnant qui ne laisse pas indifférent.
On connaissait déjà le Dictionnaire amoureux du vin de Bernard Pivot, mais aussi de la Grèce, du rugby, des chats et autres jardins : un projet quasi encyclopédique se dessine avec les Éditions Plon…
René Guitton – à ne pas confondre avec le philosophe et académicien Jean Guitton (1901-1999) – est un écrivain et essayiste, spécialiste passionné des monothéismes et engagé dans la défense des opprimés du Moyen-Orient « Ces chrétiens qu’on assassine » ou encore le livre à la mémoire des moines de Tibhirine « Si nous nous taisons… ».
Connaissant la fascination parfois mêlée d’appréhension des Occidentaux pour ces contrées mystérieuses et agitées, le sujet ne peut que plaire surtout par les temps qui courent et la réelle difficulté à voyager sereinement dans ces contrées somme toute proches.
Définir l’Orient varie selon l’interlocuteur : s’agit-il d’un simple espace géographique allant de la rive orientale d’Istanbul aux confins de l’Arabie ou de l’Iran à l’Éthiopie ? Aucune autre région du globe n’aura eu une influence comparable sur le devenir du monde moderne ; elle qui vit naître l’agriculture, l’écriture, les sciences, la médecine et les grandes religions dont nous sommes les héritiers. On remarquera au passage que cet Orient aujourd’hui divisé – non seulement par des frontières qui se jouent des peuples et par les derniers grands conflits de notre planète – recouvre peu ou prou l’éphémère empire d’Alexandre et aussi l’Empire Byzantin dit Romain d’Orient qui perdura jusqu’au XVe siècle, plus fragilisé par les avanies du monde catholique que par les Ottomans qui lui succédèrent.
Le sujet est vaste et l’alphabet des entrées de ce dictionnaire à l’avenant. Du mot Accueil pour dire l’hospitalité à l’étranger jusqu’à Ziggourat (la plus célèbre des ziggourats est celle de Babylone ; son souvenir a traversé le temps grâce au récit de la Bible ; en Genèse 11 elle est nommée « Tour de Babel »). Les sujets sont variés tels que les manuscrits de Qumrân (manuscrits de la Mer Morte, une série de parchemins et de fragments de papyrus bibliques retrouvés entre 1947 et 1956 à proximité du site de Qumrân, alors en Transbordante). Mais aussi des pages consacrées aux écrivains voyageurs comme aux mythes et religions minoritaires et ignorés tels les Mandéens héritiers de Jean Le Baptiste qui vivent constamment près d’un fleuve pour un baptême renouvelé continuellement…
Même si on n’échappe pas à un certain ethnocentrisme, René Guitton développe chaque sujet de manière précise et agréable à lire avec une concision à faire pâlir un pédant. Sa connaissance de la géopolitique de la région est précieuse pour comprendre le méli-mélo des luttes et des guerres incessantes qui y sèment encore la terreur : des peuples de la mer aux accords Sykes-Picot (en mai 1916, le Britannique sir Mark Sykes et le Français François Georges-Picot négocient un accord qui prévoit le démantèlement de l’Empire ottoman après la guerre et le partage du monde arabe entre les deux alliés), en passant par les Croisés et le belliqueux Bonaparte qui aiguisait les dents de Napoléon et dont la vraie seule gloire fut d’aider à naître l’égyptologie, tout y passe.
En définitive, un ouvrage à conseiller pour revenir bronzé, mais cultivé en rêvant de quelque voyage vers l’Orient éternel : à lire et à offrir.
Dictionnaire amoureux de l’Orient, René Guitton, Plon, 710 pages, avril 2016, 25 €
Dessins d’Alain Bouldouyre
Calligraphies de Lassaâd Métoui