Symboles et divisions de l’actuelle communication politique en France

Même en adoptant un esprit positif, il est nécessaire de s’interroger régulièrement sur l’évolution d’une société ou d’un pays. La France est un pays chanceux. Où il fait globalement bon vivre. Mais qui renvoie parfois une image détestable d’un peuple râleur et donneur de leçon. Pour l’observateur intérieur, c’est l’image d’une société plus divisée que jamais qui saute aux yeux. Une situation que la présidence socialiste n’a pas réussi à réunir. Tant s’en faut.

Le mal est lointain et profond. Il en va ainsi de la France, agitée par les grèves, l’absence de négociation, les combats et révolutions. Rien ne peut se faire en douceur et la situation avait empiré durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Dès qu’il fut élu, il cristallisa le ressentiment d’une partie de la population française en raison de discours stigmatisant ou favorisant des groupes, communautés ou ethnies. Cinq ans plus tard, Hollande, sa « présidence normale » et sa communication politique sont arrivés avec la promesse d’une société apaisée. Le constat est pourtant sans appel : le début de son mandat est plus agité encore que ne l’était le précédent. Il serait vain et lâche de tout rejeter sur son prédécesseur, car la politique tient aussi à des symboles, ces éléments que l’on garde en mémoire, comme l’abolition de la peine de mort pour Mitterrand, le refus de la guerre en Irak pour Chirac.

Priorité et Symboles

Il y a une continuité involontaire dans la politique française entre Sarkozy et Hollande. Continuité qui explique les conflits ouverts ou latents qui minent ce pays. Ainsi, le choix de faire passer la loi sur le « Mariage pour Tous » dans le début de quinquennat donne une valeur symbolique forte à la mesure. Reste qu’alors que les deux tiers des Français étaient favorables à cette union avant l’arrivée de Hollande à l’Elysée, ce dernier a réussi à mettre le feu à la France et réduire cette statistique à la moitié. Une Loi mal conçue, mal débattue, mal rendue publique et qui n’aura pas été accompagnée de mesures aussi forte qu’en 1981 (où, rappelons-le, l’abolition de la peine de mort ne rencontrait pas l’adhésion d’une majorité de Français). Si la peine de mort concernait tout le monde, le traitement de la loi sur le mariage pour tous à donner l’impression que le gouvernement s’occupait  davantage d’une communauté que de l’ensemble des Français. Ce n’est pas encore demain qu’en France un footballeur de premier plan fera son coming-out, comme cela vient d’être le cas en Allemagne.

L’expression de la haine, du refus des étrangers et des différences peut même trouver des racines dans des mesures voulues comme positives. Ainsi, la loi « contre le voile », comme elle a été retenue faussement par l’opinion publique, et votée tant par la majorité Sarkoziste que par les socialistes, a créé ou accentué le sentiment de rejet d’une partie de la population de confession musulmane, jusqu’à des amalgames, des unes de journaux autrefois sérieux… Ajoutons à cela le manque de répondant sur les agressions racistes dont sont victimes les musulmans ou les noirs et il n’en faut pas plus pour que certains soient attirés par des discours haineux de ceux qui sont vus comme complices du pouvoir. Un exemple récent en est le traitement de l’affaire Saïd Bourarach, jeune vigile mort noyé dans un fleuve après une rixe contre 4 individus de confession juive. Étaient-ils réellement proches des extrémistes de la Ligue de Defense Juive ? Était-ce simplement une dispute, un accident, une agression raciste ? La mort n’a été ni condamnée à l’époque (en 2010) par les politiques comme pour d’autres crimes sur d’autres communautés ni élucidée à ce jour, laissant la possibilité aux rumeurs de se propager et les comparaisons les plus douteuses s’installer (comme avec l’affaire Ilan Halimi qui va est la base de pas moins de 3 films !). Le « deux poids – deux mesures » fait le lit des extrémismes. Et puis le symbole a une importance cruciale comme durant cette semaine où le Sénat refusa la levée de l’immunité parlementaire de Serge Dassault, poursuivie pour des malversations et associations de malfaiteurs, tout en accélérant étrangement la justice pour une affaire de « quenelle » (le référé n’excuse pas tout) et un ministre de la Défense qui annonce 1 milliard d’Euros pour aider la société du même Serge Dassault à améliorer son avion de combat Rafale. Cette symbolique écorne ce qu’il restait de crédibilité à l’État.

Antisémitisme plutôt que racisme

En choisissant de s’attaquer encore à un « antisémite » après avoir versé dans la détestation antirom, le gouvernement Ayrault et le président Hollande ont encore accentué les clivages de la société française. L’utilisation même du terme “antisémite” pour marquer la différence avec les autres formes de racisme et xénophobie est une erreur. Déjà le terme est impropre puisqu’il désigne également les populations arabes. Mais il a été popularisé, paradoxalement, par Wilhelm Marr, journaliste allemand lors de la fondation d’une ligue anti-juive en 1879. Sachant que dans la population juive, il existe également des racismes entre les juifs d’origines ethiopienne, ashkénaze, séfarade, mizrahim….Et en isolant ce terme des autres racismes, il y a comme une insistance et une gradation que l’on rencontre également dans le spécisme. Une manière encore de favoriser jalousies et haines.

Pire encore, la gauche donne son blanc-seing aux Femens dont le discours est souvent plus extrémiste et haineux que d’autres pseudo-comiques. On va jusqu’à s’inspirer de leur leader pour illustrer le timbre français, pendant que ces personnes s’attaquent à la religion chrétienne dans des lieux de cultes, à l’islam par des messages aussi explicites que haineux et tout ça pour défendre la place de la femme qui mérite d’être promue d’une manière plus adroite. Bilan, chrétiens comme musulmans se sentent déboussolés, si ce n’est maltraités. La reconnaissance de la place de la femme est toujours bien moindre en France que dans d’autres pays européens (voir notamment les dirigeantes d’entreprise, la part des députés femmes, les pénalités aux grands partis pour non-respect de la parité et le traitement condescendant de chaque candidate femme à un poste à responsabilité). Et les lois se succèdent sans pénalités (la dernière version promue par Najat Vallaud-Belkacem est encourageante, si on trouve les inspecteurs pour…). Dernier avatar : l’aventure supposée du président Hollande avec une actrice, qui fait la une des journaux sans choquer, tandis que l’inverse aurait ruiné la carrière d’une femme politique.

Répression ou éducation

De qui se moque-t-on ?
De qui se moque-t-on ?

Au ministère de l’Intérieur, rien n’a vraiment changé avec l’arrivée de Manuel Valls : des chiffres, des déclarations à l’emporte-pièce pour répondre à des faits-divers, des communautés montrées du doigt et des circulaires à foison. Le réseau de contacts est très similaire entre les deux hommes avec le communicant Fouk et le tout puissant Alain Bauer au centre et donc des méthodes similaires ne remettant pas en cause l’utilisation des moyens policiers ou le non-interventionnisme dans quelques quartiers dits « chauds ». Au passage, la circulaire « Dieudonné » rappelle le cadre légal, mais crée paradoxalement plus de troubles autour des spectacles et du ministre que s’il n’y avait eu qu’une application de la loi a posteriori. De quoi se demander si Valls ne devrait pas s’appliquer sa circulaire.

Ces décisions du Conseil d’État constituent un danger pour la liberté d’expression, car elles peuvent motiver le bâillonnement de toute opposition. Quand on voit les dernières actions des préfets pour interdire des manifestations contre la corrida (dada de Valls), on peut s’inquiéter de l’avenir. Oui, en refusant de dialoguer avec les extrêmes, le pouvoir en place ne fait qu’alimenter un peu plus les divisions. Cela n’a jamais été en les interdisant que l’on a fait disparaître la haine et le racisme. Au contraire, on créer des martyrs, des leaders, mais il est plus compliqué de désamorcer leurs discours. Diviser pour mieux régner, dit le proverbe. Mais jusqu’à un certain point. Désormais, il est clair que la cohésion nationale française ne se refera pas par la force affichée, mais des efforts d’explication et de communication en profondeur. Des efforts bien plus complexes que ces discours ostraciques de la dernière décennie.

Quelle image ?

La situation française provoque bien sûr railleries et critiques à l’étranger avec parfois des visions à l’emporte-pièce de journalistes peu coutumiers à notre pays. C’est ainsi que Janine Di Giovanni, une journaliste réputée comme reporter de guerre, évoque « La chute de la France » sous le pouvoir socialiste. Peut-on lui donner totalement tort de brosser une vision caricaturale après ces derniers mois : Bonnets rouges, mariage pour tous, Ras-le-bol des impôts, etc. ? La vision d’un pays au bord du gouffre. Il en était de même dans notre vision des États-Unis du Tea Party il y a quelques années avec cette détestable propension à faire du catastrophisme racoleur. Les donneurs de leçon de la presse française qui se sont jetés sur cette consoeur auraient mieux fait de s’interroger sur les raisons profondes de cet article, sur l’image que nous renvoyons aux touristes ou visiteurs depuis bien longtemps.

L’exemple du débat sur l’agriculture, masqué par ces actualités, est flagrant : d’un côté, les tenants d’une agriculture d’avenir, biologique et respectueuse, mais que l’on présente souvent comme des doux dingues décroissants ; de l’autre, les tenants du productivisme à outrance, de la recherche sur la modification du vivant, qui accusent les autres de ruiner la France. Entre les deux ? Rien d’audible. Raleurs nous sommes et resterons, mais commençons sérieusement à nous regarder dans le miroir avant de le briser sur la tête des voisins. Sinon, il est inutile de parler d’idéal européen et de fraternité des peuples. Il fait de plus en plus froid en France.

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Didier Acker
didier.ackermann {@] unidivers .fr

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