Aujourd’hui, de jeunes danseuses vont faire vivre le répertoire de la Nouvelle danse française avec Assaï de Dominique Bagouet sous l’oeil attentif de Catherine Legrand. Parfaite illustration du cheminement qui mène du répertoire à la création, la soirée se poursuit avec la dernière création de Dominique Jégou Accumulation⧣ 2, aux côtés de Catherine Legrand et en dialogue avec la musique d’Olivier Sens.
En 2013, Catherine Legrand et Anne-Karine Lescope ont recréé Jours étranges de Dominique Bagouet dans une version très remarquée. L’appétit pour cette danse s’est avéré éclatant. Catherine Legrand revient aujourd’hui avec la pièce Assaï du répertoire de Bagouet qui révèle un autre aspect de sa danse, empreinte d’influences indiennes et balinaises. Une danse que Catherine Legrand définit comme très géométrique et dans laquelle les corps sont sans cesse contrariés avec des directions extrêmement précises. La musique de Pascal Dusapin enveloppe cette danse très technique, dévoilée sans les costumes imposants d’origine afin de mieux souligner la subtilité des lignes.
Catherine Legrand fut l’assistante de Dominique Bagouet et a dansé dans de nombreuses pièces du chorégraphe. Elle s’attache à faire vivre son répertoire et prépare en ce moment un autre projet pour lequel, cette fois-ci, elle fera appel à des danseurs professionnels dont elle sait le talent, mais qui, selon elle, ne sont pas assez présents à la scène. Projet que nous suivrons avec attention.
Avec Accumulation ⧣2, Dominique Jégou présente le deuxième volet de son triptyque des Accumulations. Catherine Legrand et lui dansent leurs archives et jouent de leurs décalages. Les synchronisations sont perturbées par la musique d’Olivier Sens. Le dialogue est parasité par trois pistes sonores : celle que les spectateurs entendent, celles que les danseurs reçoivent dans les ear monitors (chacun sa piste) créant une dynamique atypique.
ENTREZ DANS LA DANSE…
Emmanuelle Paris Perrière : Qu’elle a été votre approche sur ce spectacle ?
Olivier Sens : L’idée de ce projet était de travailler sur les illusions. Avec Dominique Jégou, nous avons travaillé à aller jusqu’au bout de tout ce que l’on pouvait imaginer des rapports entre la danse et la musique pour ensuite explorer les décalages entre elles. La nécessité des ear monitors s’est imposée : les danseurs ont dans les oreilles des écouteurs et la musique qu’ils entendent n’est pas la même que celle que je diffuse au public. Par exemple, je diffuse une musique très douce au public et j’envoie une musique stressante aux danseurs qui donne une teinte particulière à la phrase qu’ils sont en train de danser. Parfois je diffuse une musique différente à chacun des danseurs. Ainsi, ils dansent la même phrase avec des sensations musicales différentes qui les plongent chacun dans un univers à part l’un de l’autre.
Nous nous sommes détachés de l’association entre la musique et la chorégraphie. Nous avons choisi d’isoler ces deux composants du spectacle. Le rapport danse musique s’organise toujours l’un avec l’autre ou alors en opposition. Nous avons voulu que la danse soit avec la musique, mais pas tout à fait afin d’aller vers un rapport plus subtil. Le dispositif des ear monitors permet aux danseurs de ne pas se recaler, de rester dans des sphères différentes.
Paradoxalement, Dominique et moi avons conçu la musique et la danse ensemble. Habituellement, pour différentes raisons, les compositeurs travaillent indépendamment des chorégraphes. On se rencontre, on échange et chacun retourne travailler sa partie. Ce qui est singulier sur ce projet est que nous avons travaillé dès le début de concert. J’aime beaucoup travailler avec Dominique aussi pour cela. Comme il n’y avait pas de regard extérieur, j’ai été amené à donner mon avis sur le résultat que je percevais à la fois sur la musique et sur la chorégraphie.
E.P.P. : Vous mêlez écriture et improvisation ?
Olivier Sens : En ce qui concerne la musique elle-même, je me situe entre l’écriture et l’improvisation. Nous avons mis en place une trame ainsi que des climats musicaux relativement écrits où je peux improviser adapter les matières en fonction de ce que je sens quand Catherine et Dominique dansent. Pendant le spectacle, il est plus aisé pour moi de m’adapter à la chorégraphie, mais il arrive que l’inverse soit vrai aussi. Quand c’est nécessaire, je n’hésite pas à terminer ce que j’ai à dire. Mais quoi qu’il en soit, ce qui importe pour nous est que la musique ait sa propre histoire ainsi que la danse, qu’elles puissent exister en soi.
Assaï (1986)
chorégraphe Dominique Bagouet / direction artistique de la recréation Catherine Legrand / musique Pascal Dusapin / élèves en cycle d’orientation professionnelle ou cycle 3 du Conservatoire : Clara Dupont, Bérangère Guille, Enora Guillery, Lorraine Kerlo-Auregan, Salomé Labbe, Sandrine Leroy-Jean, Louise Levacher, Cassandra Teroy, Ariane Tissier
Accumulation ⧣ 2
chorégraphie, interprétation Dominique Jégou / composition musicale Olivier Sens /danse Catherine Legrand / création lumières Ronan Bernard
crédit photos : Thomas Seité
+ d’infos : Notre précédent entretien avec Dominique Jégou au sujet d’Accumulation⧣ 2 ici