Gérard Garouste (né en 1946) est un peintre qui a opté dans les années 80 pour la figuration. Il s’est intéressé à toutes les formes d’expression : dessin, gravure, sculpture et peinture. Il a ainsi exécuté plusieurs commandes publiques (le rideau de scène du théâtre du Châtelet, des sculptures pour le Palais de Justice de Lyon, la décoration d’une pièce de l’Elysée, les vitraux de l’église de Talent près de Dijon…).
Gérard Garouste est un coloriste puissant. La critique en a fait l’un des chefs de file des post-modernistes. Sa peinture est aussi une réflexion sur l’universel et l’intemporel, sur les grands thèmes comme l’amour, la mort, la folie, la sagesse. Et sur les grands textes comme la Bible, la Divine Comédie ou Don Quichotte. Il va ainsi illustrer, en 1996, le roman de Cervantès de 150 gouaches et 126 lettres ornées.
En la matière, il ne se veut d’ailleurs pas illustrateur, mais interprète. « La difficulté, dit-il, c’est de ne pas tomber dans l’illustration. Illustrer c’est lire un texte et le représenter, mais cette représentation est finie, elle est limitée. L’illustration ne dépasse pas la texture, au contraire elle est en dessous de l’écriture et on est dans un système fini. Or l’œuvre de Cervantès est une œuvre ouverte et pour moi il s’agit de dépasser une expression. Dans le travail de l’interprétation, ce qui est intéressant ce n’est pas l’histoire racontée, qui au fond est banale, mais dans cette histoire ce qui est mis en scène. Dans mes tableaux, je m’éloigne souvent de Don Quichotte pour mettre en valeur un jeu de mots, ou une petite astuce ou un clin d’œil de Sancho qui pour moi prend une grande importance. Il y a des événements qui n’ont l’air de rien dans le roman mais qui sont des clés […]. J’ai voulu mettre en évidence que certaines associations de mots faisaient allusion à des passages de la Bible. Ce n’est pas dit dans le texte, c’est de l’ordre de l’interprétation. »
Garouste va donc s’attacher à saisir des détails dont la signification et l’origine sont, selon lui, bibliques. Par exemple, nous dit-il, « au retour du premier voyage de Don Quichotte, sa gouvernante brûle sa bibliothèque pour le protéger des idées folles qui le hantent. C’est le thème de la transmission du savoir, qui suppose que le disciple doit trouver seul le chemin de la connaissance…Je suis assez convaincu que Don Quichotte/Cervantès était un juif marane […] Tout le roman joue sur l’ambiguïté du caché et du dévoilé, ce que l’on trouve déjà dans la Bible, dans le livre d’Esther […].On s’aperçoit que tout ce qui est de l’ordre de l’humour est en fait une peau protectrice pour ne pas dévoiler le sens profond du texte. Et que « Don Quichotte » est la métaphore même du secret. C’est cette idée du secret que j’ai eu aussi envie de travailler. »
Garouste va également trouver dans le Quichotte matière à justifier sa démarche de peintre « marginal » dans un milieu artistique où domine la peinture abstraite et conceptuelle. « Il y a une chose que je trouve amusante, dit-il aussi, c’est que l’on peut dire que Don Quichotte est à la chevalerie ce que la peinture est à l’avant-garde. C’est un parallèle qui m’intéresse beaucoup car la peinture est très malade dans ce système d’avant-garde qui prévaut aujourd’hui, mais comme « Don Quichotte », je trouve finalement qu’elle triomphe, maladroitement peut-être, mais qu’elle triomphe. Je joue en tout cas cette carte-là. Dans le roman, au modèle classique du parfait chevalier se substitue un personnage qui rate tout, qui est à côté de tout et en même temps son histoire n’est pas de l’ordre du ratage. C’est au moment où il retrouve la raison qu’il meurt, ce qui semble vouloir dire que c’est quand il était fou qu’il était en bonne santé. Pour croire aujourd’hui à la peinture, je pense qu’il faut s’appeler Don Quichotte ! »
Don Quichotte de la Manche, en deux volumes, illustrés par Gérard Garouste, Éditions Diane de Selliers, 2012, « La Petite Collection », ISBN 978-2-36437-004-3. Prix : 95 euros.
Pour les lecteurs du Quichotte, à noter la récente parution du Dictionnaire Cervantès écrit par Jean Canavaggio.
Page Facebook de Gérard Garouste.
À lire également sur Unidivers.fr :
GUSTAVE DORÉ, ILLUSTRATEUR DE DON QUICHOTTE DE CERVANTES