DRAG, l’explosive revue cabaret rennaise

La DRAG, direction rigoureuse des approximations glamours, souffle un joyeux vent de cabaret dans les bistrots et salles de spectacle rennaises. Embarquez dans l’univers pailleté du collectif d’artistes drag lancé en 2018 et mené par le comédien David Perrot. Soyez prêts à rire, à vous émouvoir, à vous émerveiller, mais surtout, soyez cabaret !

Nous sommes le mercredi 7 décembre 2022, au Bistrot de la cité à Rennes. Le rade est noir de monde. Entassée mais joviale, la foule attend le début du spectacle qui lancera comme il se doit les festivités de Rennes en Trans. Alors que le silence ne se fait jamais tout à fait et que certains l’apostrophent déjà avec complicité, David Perrot monte sur scène. 

En chapeau et boa, maquillé comme un vélo volé, avec une diction quelque part entre Olivier Saladin des Deschiens et Geneviève de Fontenay, le présentateur de la revue cabaret DRAG fait le bilan d’une année mouvementée. Des spectacles au musée des Beaux-Arts, à la salle de la Cité, et même place de la mairie, « ah c’était sympatoche ! », commente le comédien qui a lancé le collectif de la DRAG en 2018. Pour cet habitué des planches de théâtre aussi bien que des zincs de bistrots, c’est le résultat d’un cheminement personnel dans les contre-allées de l’art dramatique, toujours guidé par une double intention : jouer et se marrer.

david perrot
David Perrot pendant une représentation de son spectacle Rennes ville rock, mars 2022 © Annick Fidji

David Perrot découvre le monde du spectacle par des ateliers théâtre au collège. Il crée sa première pièce à 17 ans, dans sa commune d’origine, Guéméné Penfao (Loire-Atlantique). Arrivé à Rennes à l’université, il poursuit cette lancée en montant des pièces avec ses congénères, puis délaisse les études pour se plonger peu à peu complètement dans le spectacle vivant. Sans formation académique, il multiplie les expériences dans différents domaines de la scène : théâtre classique ou pour enfants, conte, art du clown. Travaillant dans différentes villes, il crée régulièrement des formes théâtrales courtes qu’il joue dans les bars, seul en scène.

De retour à Rennes, David Perrot lance en 2016 une première forme apparentée au cabaret, nommée Carte blanche. « J’en avais marre de jouer seul, mais je voulais autre chose que la compagnie de théâtre classique où on fait une pièce qui raconte une histoire. C’est là que j’ai découvert le cabaret », confie David Perrot. 

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© Annick Fidji

Ce qui l’attire dans cet univers, c’est la structure ouverte de la revue, genre hérité des théâtres de foire du XVIIIe siècle où se succèdent des numéros comiques. Reprise par le cabaret, le music-hall, puis par le spectacle de variétés à la télévision, cette forme imprègne depuis longtemps le divertissement populaire. « Le cabaret, c’est formidable parce que c’est une petite lucarne entrouverte vers un autre monde, on peut y mettre tout ce qu’on veut. Je découvre plein de pratiques qui me sont complètement étrangères. C’est ce côté pluriel et pluridisciplinaire qui m’intéresse », explique David Perrot.

Flamboyant, exubérant, ouvert à la variété tout en étant associé au monde de la nuit, le cabaret a aussi inspiré les spectacles drag à leur naissance dans les années 1920 et dans le développement de cette culture au long du XXe siècle. C’est donc tout naturellement que David Perrot prolonge son expérience cabaresque en y invitant le drag show. « D’abord, parce que ça me fait trop marrer de m’habiller en greluche avec des résilles et des talons de 2 m de haut, et ça me permet de défendre des artistes aux identités fortes, des créatures issues d’un milieu que j’affectionne : irrévérencieux, nocturne, pailleté mais un peu dégueu, punk mais avec du rouge à lèvres en plus », explique-t-il

revue cabaret drag
© Annick Fidji

Naît alors en 2018 la DRAG, Direction rigoureuse des approximations glamours, un nom délicieusement contradictoire qui « ressemble à ce qu’on fait », affirme David Perrot : « il manque une épaisseur de talon quelque part ». Les revues cabaret de la DRAG ont de rigoureuses le travail nécessaire à la préparation de chaque numéro (costumes, écriture, chorégraphies, etc.) et à leur renouvellement entre les différentes représentations. Elles ont d’approximatif leur caractère spontané et l’aléa des échanges avec le public, souvent animés. Et bien sûr, elles ont les paillettes et les plumes du glamour.

Le collectif fait ses premiers spectacles dans les bars de Rennes en 2019 et participe à l’émergence d’une constellation d’artistes queers dans laquelle on peut citer la compagnie Broadway French, Rennes Dragopole, Burlesque et Vilain·es. « Il y a une sorte de révolution sexuelle sur le sujet du genre, on cherche à mettre des mots dessus, à rendre visible la transidentité. Le cabaret est souvent présenté comme fer de lance dans ces débats de société. Il est éminemment politique bien sûr, mais pour nous ce sont des questions qu’on a déjà dépassées, et on ne veut pas que ce soit le sujet. C’est un spectacle, pas une conférence », résume David Perrot. Ainsi, si la DRAG, comme d’autres, participe à une libération des identités non binaires, son combat est plus artistique que politique.

Car c’est bien la performance artistique qui est au centre des spectacles de la DRAG. Comme souvent dans les drag shows, les artistes confectionnent leurs costumes, composent leurs maquillages et présentent des numéros de lip-sync, c’est-à-dire des performances dansées et chantées sur des airs connus. Mais la DRAG brille surtout par son amour d’un cabaret bariolé. Elle met l’accent sur une variété de prestations, de la plus émouvante à la plus grotesque. Ainsi, on trouve dans ces revues de l’effeuillage burlesque, du chant, de la musique en live, de la marionnette, de la danse, du butō (forme de danse contemporaine venue du Japon), des sketches ou encore du transformisme (le fait de se déguiser en une personnalité connue, comme Dalida ou Nathalie Appéré). Le tout est approximativement ponctué des interventions rigoureusement hilarantes de l’animateur David Perrot et de ses personnages plus ou moins glamours, Davina Vicious, Claude 2 De Dieu ou encore Nathalo Apéro.

Les premiers spectacles de la DRAG prenaient la forme de parodies de festivals rennais (Mycose, Le Gros Sifflet, Les Tombées du lit, etc.). En 2021, le collectif prend son envol et entame une tournée des bars rennais avec une nouvelle équipe. Autour de David Perrot, on trouve désormais Phœbus Fragonard, Shirley Van Mac Beal, Melvin Copalle, rejoints à l’occasion par Clémence Colin, le musicien Rouge Gorge rebaptisé Minuit, la grande Hervaise et la musicienne Marina Keltchewsky. De sa première période parodique, la DRAG garde un ton irrévérencieux et un humour de contexte plein de clins d’œil à la vie et la nuit rennaise. Le festival Mythos et son patron, éclaboussé par différents scandales, en prennent pour son grade à chaque spectacle.

revue cabaret drag
© Annick Fidji

La DRAG s’est principalement épanouie dans les bars, scène à laquelle David Perrot est attaché. « Quand on joue dans les bistrots, on voit des gens qui n’iraient pas forcément au théâtre. Et c’est là qu’il y a de la vie. Les gens ne sont pas là pour picoler ni pour glander, mais pour vivre. Et le cabaret c’est vivant, ça s’engueule avec celui au fond de la salle qui râle pour savoir quand ça va commencer », décrit le dramaturge. Il rappelle aussi la difficulté de trouver des lieux enclins à programmer du cabaret, surtout aux débuts du collectif. « Mais il y en a de plus en plus », ajoute-t-il.

Et en effet, en 2022 la DRAG a pu se produire au musée des Beaux-Arts de Rennes, au festival Transat en ville, dans la mythique salle de la Cité, ou celle du Jeu de Paume pour un dîner spectacle, et se prépare à investir le Tambour de l’université Rennes 2 (jeudi 26 janvier 2023) et le théâtre de la Paillette, après un détour pour une première date parisienne au Truc du Père-Lachaise. Le cabaret a le vent en poupe, c’est indéniable. « Il y a de grandes résurgences du cabaret généralement après les grosses crises : pendant les Années folles juste après la guerre et la grippe espagnole, après le covid ça revient aussi », analyse David Perrot.

Évidemment, il y aura toujours des trouble-fêtes. Nous sommes le mercredi 7 décembre 2022, au Bistrot de la cité à Rennes. David Perrot termine son introduction en évoquant la représentation de la DRAG place de la mairie pendant Transat en ville. Parlant de cette dernière date, il ne résiste pas la tentation de raconter l’anecdote de deux spectateurs hallucinés par un tel tableau en place publique, « des gens comme ça sur scène, avec nos impôts… ». Les deux bougres se seraient volontiers éclipsés, s’ils n’étaient complètement empêchés de quitter les lieux par 2000 personnes en liesse.

Retrouvez la DRAG au théâtre la Paillette (date à venir)

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Jean Gueguen
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