Mettre en place une mesure écologique en France n’est pas chose facile. Particulièrement en Bretagne. Une part non-négligeable des agriculteurs y sont prix à la gorge à la suite d’une stratégie de monoculture et d’investissements bancaires périlleux depuis les années 70. Reste que l’équité et l’avenir environnemental appellent à faire appliquer le principe du pollueur-payeur ou, encore, de taxer les produits en fonction de l’importance des transports utilisés pour passer de matière première à produit final.
Quelle écotaxe en Allemagne ?
En Allemagne, l’écotaxe porte sur les camions de plus de 3,5 tonnes qui utilisent le réseau routier. Objectif : inciter à l’utilisation du rail (ferroutage) ou du fluvial. Bien sûr, les infrastructures allemandes et françaises en la matière n’ont pas grand-chose à voir.
Le fluvial allemand autorise de drainer le pays du Nord au Sud comme de le relier aux ports néerlandais et belges. En France, malgré des projets promis depuis des années, le réseau en étoile est toujours de mise. Le Port du Havre en fournit un parfait exemple avec une grande faiblesse de connexion avec le réseau principal.
Concrètement en Allemagne, il suffit d’inscrire son véhicule sur un site (http://www.toll-collect.de/fr) et une balise est installée dans le véhicule pour un prélèvement automatique. Il y a 4 catégories de véhicules et un tarif kilométrique pour chacun, sans distinction d’axe ou de région. Et, de fait, entre le bassin de la Rhur et la région de Dresde, il n’y a pas plus de similitudes qu’entre la Bretagne et l’Alsace.
Le modèle français
En France, rien de tout cela. Les tarifs seraient modulés selon les régions, dont certaines sont jugées « défavorisées ». À cet égard, la Bretagne fait partie des régions qui bénéficient des plus grands traitements de faveur.
Les chiffres dans le surcout de l’écotaxe se définit en théorie ainsi : dans le produit final, la part transport représente près de 10 % ; sur ces 10%, l’écotaxe représente 4% d’augmentation : donc impact final théorique : 0,4 %. D’où la question de la répercussion de cette hausse de prix dans la chaine de distribution.
Ne nous voilons pas les yeux : le transporteur qui fait le lien entre le producteur et le grossiste va répercuter cette hausse sur la facture de sa prestation. Le grossiste pour garder sa marge fera de même, avec deux solutions : hausse du prix du produit à la revente ou baisse du prix d’achat au producteur…. Voire les deux. Résultat : le producteur trinque.
Or le producteur, notamment breton, est déjà souvent le prisonnier de logiques agricoles préjudiciables mis en place dans les années 70, de banques qui ont poussé aux investissements jusqu’à la déraison – et, concrètement, à la ruine et, parfois, au suicide. À cela s’ajoute que la Bretagne a été l’un des atouts majeurs dans l’élection de François Hollande à la présidence de la République. Les intérêts et lobbies bretons exigent des retours d’ascenseur…
Comment favoriser la consommation locale ?
Alors, que faire ? D’une part, reprendre tout le dossier de la taxation en France avant qu’il n’engloutisse définitivement le gouvernement Ayrault. D’autre part, consommer localement et diversifier l’agriculture. Consommer local, cela signifie une chaine logistique raccourcie pour les produits français. Cela veut dire moins de transport, moins de pollution, une sécurisation des productions locales. Bien sûr, cela entraîne une révision des modes de consommation par le consommateur et des politiques de subventions et d’investissements locales.
En pratique, l’actuelle écotaxe n’entraîne pas de différence flagrante entre un produit importé acheminé par un port et le produit cultivé dans un rayon de 100 km. C’est bien cela que les protestataires reprochent à cette taxe. Si le pollueur était mis en demeure de payer, c’est alors l’importateur qui devrait s’acquitter d’une taxe proportionnelle à la distance de provenance du produit. Les processus de traçabilité exigés par la Douane le permettent : les produits importés doivent a minima spécifier le port, aéroport et entrepôt de départ de la marchandise.
Égalité, féodalisme et centralisation
L’égalité devant la taxe est bien entendu en question, mais aussi nos modes de consommations qui font centraliser trop de flux logistiques qui pourraient rester locaux. La centralisation a poussé par les dispositifs de subventions à des monocultures et à des agricultures productivistes qui petit à petit ruinent les chances des plus faibles et des plus innovants qui tentent de mettre en place des solutions alternatives.
Derrière la réflexion sur cette écotaxe se révèle avant tout le mal d’une agriculture ruinée par des décennies de politiques aveugles et jusqu’au-boutistes. En question les stratégies de certains élus régionaux et nationaux qui ont enterré l’intérêt collectif au profit de leur intérêt propre, autrement dit de leur féodalité locale, et ont oublié que la mesure avait été signée par la législature précédente en 2009, avec un contrat de sous-traitance privé à la clé. Résultat : pour certains aujourd’hui, les mesures environnementales sont jugées responsables de la crise actuelle de l’agriculture. Alors que le propos originel était de valoriser les produits régionaux et de reformuler de la cohérence territoriale.
Didier Ackermann