Rennes domine le grand Ouest en matière d’édition scientifique et régionale. En parallèle de maisons qui prétendent à un rang national, de petites maisons œuvrent à la diversité et l’indépendance du milieu. Après avoir rencontré Jean-Marie Goater, Critic, Pontcerq et l’œuf, recevons André Crenn des éditions Apogée !
En politique, on parlerait de « troisième force ». Les éditions Apogée, en termes d’âge comme de publications, arrivent derrière Édilarge et les PUR. Rien à voir, cependant : cette maison est une maison avant d’être une entreprise. Elle fêtera en mai ses noces d’argent (élément certes problématique dans l’édition). 25 années dont André Crenn parle avec passion et expérience.
Nous l’avons retrouvé dans les locaux des éditions. Dans cette ville de Rennes qui se refuse à une véritable politique du livre, le quartier du papier – comme nous pourrions le nommer – n’a rien de reluisant. C’est dans la zone industrielle de Chantepie que l’on trouve les locaux des éditions Ouest-France et de Cap Diffusion, l’imprimeur Microlynx et, non dans les sommets mais au fond d’une ruelle en friche : Apogée. Le tout, en plein non-lieu, entre des salles de Fitness, un cimetière des autobus et des usines agroalimentaires.
André Crenn travaille à son bureau et parle de son métier avec amour et sagesse. André Crenn cherche à vendre, à transmettre le flambeau, pourquoi pas, à un jeune éditeur enthousiaste. Car de l’enthousiasme, il en faut ! À moins d’en faire une activité connexe, comme Goater, ou carrément bénévole (Pontcerq ou l’œuf), l’édition requiert des recettes. Un livre demeure un produit. C’est grâce à cet équilibre entre l’exigence économique et la passion de la qualité que les éditions Apogée ont perduré, et perdure encore.
« J’ai d’abord travaillé aux Presses Universitaires de France », nous dit André Crenn. En 1991, lorsqu’il fonde la maison d’édition, il axe une partie de la ligne éditoriale (généraliste) sur l’universitaire, notamment une collection sur l’Union européenne (en partenariat avec la CE). Peu à peu, les collections se créent, sur la Bretagne par exemple. Plusieurs collections de vulgarisation sont montées : scientifique, en partenariat avec l’Espace des Sciences, philosophique avec la Société Philosophique de Bretagne. Exception faite de la BD, les éditions Apogée ont touché à tous les secteurs.
Bien sûr, on connaît des éditions Apogée les livres rouges et jaunes, respectivement, pour la littérature et la poésie. Jacques Josse y publie et dirige l’une des collections. Plusieurs noms y figurent. Pour se permettre ces publications dites littéraires, un éditeur doit s’assurer de vendre plus ailleurs. Ce qu’on appelle dans le milieu « des niches ». Apogée a trouvé un thème inattendu : le stade rennais ! Eh oui, on peut publier et de la poésie en prose et une petite histoire du club de football rennais. Parmi ces trouvailles, André Crenn est fier de compter une collection de guides géologiques et, bien entendu, Le Dictionnaire du Patrimoine. Au total, depuis leur création en 1991, les éditions Apogée ont publié près de 540 titres. À l’apogée de la maison d’édition, il arrivait à l’équipe de publier une quarantaine d’ouvrages par an. À cette époque, ils étaient cinq salariés : maintenant, à trois, ils publient environ 15 titres par an.
André Crenn le confie, il n’est pas « très numérique ». Son bureau rempli de feuilles et de livres tend à le prouver. Il parle de la fidélité à ces auteurs, va chercher à la bibliothèque quelques nouveautés ou titres qui l’ont marqué. Il mentionne Albert Bensoussan, écrivain, traducteur de Vargas Llosa ou Onetti et anciennement professeur de littérature espagnole à l’université Rennes 2. Il se souvient du regretté Alain Jégou, poète et pêcheur breton. La vie continue, et André Crenn semble ravi de présenter les dernières parutions : Xiaoling, nouvelles de Chine, de Jean-Louis Coatrieux, Un bleu d’octobre de Françoise Ascal, Manifeste pour la ville biodiversitaire de Philippe Clergeau.