Rennes domine le grand Ouest en matière d’édition scientifique et régionale. De petites maisons œuvrent à la diversité et l’indépendance du milieu, comme Goater, Critic, Pontcerq, l’œuf ou encore Apogée. En parallèle, certaines maisons prétendent à un rang national. C’est le cas des Presses Universitaires de Rennes (PUR), dont nous avons rencontré le nouveau directeur, récemment nommé, Cédric Michon.
On les appelle plus communément les PUR. L’épure ? Pas vraiment. Cédric Michon nous a reçu à la Harpe, un campus de l’université Rennes 2, dans un bureau littéralement tapissé de livres. Ouvrages aux noms parfois barbares, ou du moins scientifiques. Créée en 1984, la maison doit principalement son rayonnement à Pierre Corbel, qui l’a dirigée pendant 25 ans. Le 16 février 2016, Cédric Michon, enseignant-chercheur en histoire, spécialiste de François Ier, l’a remplacé dans une volonté de continuation. Une tâche dont il est fier et qui ne représente pas rien : le fonds compte environ 3 500 ouvrages, la maison d’édition publie à peu près 300 livres par an, répartis en une vingtaine de collections. Elle compte actuellement 20 salariés et un chiffre d’affaires de 3 millions d’euros.
« La collection histoire, c’est notre navire amiral » se félicite Cédric Michon. Les PUR, néanmoins, publient aussi d’autres disciplines dans le champ des sciences humaines et sociales. De la critique littéraire, de la philosophie, de l’archéologie, de la sociologie, de la géographique ou encore du cinéma, du théâtre et de la science politique. Outre l’histoire, certains collections font référence dans le domaine, comme celle de philosophie esthétique ou « Tables des hommes », une spécialité sur l’histoire de la nourriture publiée en coédition avec les PUFR (Presses universitaires François Rabelais, à Tours). En littérature, la collection Interférences s’est elle aussi faite un nom, notamment en éditant plusieurs ouvrages sur l’écrivain briochin Louis Guilloux.
Avec un peu plus de 100 000 exemplaires vendus par an, Cédric Michon s’étonne du manque de reconnaissance des PUR. « Presses, ça ne fait pas sérieux. Universitaires, ça fait chiant. Rennes, ça fait province » explique-t-il en souriant. Il balaye des mains l’ensemble du bureau, qui regroupe peu ou prou tous les ouvrages des PUR. « Vous êtes dans la première maison d’édition universitaire de France », annonce-t-il, non sans fierté. Selon lui, les Presses Universitaires de Rennes ont un rayonnement international, particulièrement dans la francophonie. « Harvard nous commande toujours 2 exemplaires de chaque ouvrage » précise-t-il.
Pourtant, il existe de nombreuses maisons d’édition universitaire en France. Citons simplement les PUF, les Presses de l’université Paris-Sorbonne, le Septentrion à Lille, les presses universitaires de Strasbourg, de Lyon ou du Mirail. « On fait des choses qu’ils ne font pas : de la recherche fondamentale », précise le directeur. La ligne éditoriale et « la position politique » des PUR est claire : « trouver les moyens de diffuser la recherche fondamentale auprès du grand public, donc ne pas se cantonner aux bibliothèques et s’ouvrir sur le monde ».
Comment s’y prendre ? Imprimer plus, rendre le prix accessible. L’édition universitaire est souvent critiquée, notamment de la part des éditeurs privés, pour son statut particulier. Constituées en SAIC, c’est-à-dire en Service d’Activités Industrielles et Commerciales, les PUR sont un regroupement de plusieurs universités : les universités de Rennes, d’Angers, de Brest, de Bretagne Sud, de La Rochelle, du Maine, de Nantes, d’Orléans, de Tours et de Paris-Est Créteil. Sur l’ensemble de l’équipe, 8 sont des fonctionnaires, 12 des salariés de droit public. Cédric Michon s’explique : « On a un principe de réalité économique ». Le choix des PUR, pour baisser le prix des ouvrages, consiste à demander des subventions en amont. Un livre universitaire qui coûterait à l’achat près de 100 euros ne serait acheté que par les bibliothèques, donc de biais par les institutions publiques. Cela ressemble donc à de « la subvention déguisée ». Les ouvrages des PUR excèdent rarement 30 euros et sont diffusées via l’achat direct ou dans environ 2000 librairies.
La diffusion demeure alors primordiale. Les PUR, pour l’heure, sont diffusés par l’AFPUD, l’Association Française des Presses d’Université – Diffusion. Cette ouverture n’entrave cependant pas l’exigence scientifique des travaux publiés. Sans tomber dans la vulgarisation, les PUR n’éditent pas des thèses telles quelles. Celles-ci sont le plus souvent raccourcies, voire simplifiées. Chaque mois, un comité éditorial d’universitaires reçoit près de 70 propositions, dont la moitié ou plus sont rejetées. Globalement, la sélection se fait par le « peer review », c’est-à-dire l’évaluation par les pairs. La plupart des ouvrages sont écrits par des chercheurs, mais aussi, de temps en temps, par des conservateurs de musée ou même des journalistes (comme Georges Guitton, avec son Rennes de Céline à Kundera). « Il faut qu’il y ait une excellence scientifique » tranche Cédric Michon. De pures ambitions, un autre visage de l’édition…