Elisabeth Gomes Barradas est une jeune artiste plasticienne présente sur la scène rennaise et parisienne. Elle participera à la 12e édition de Circulation(s), festival de la jeune photographie européenne. Diplômée des Beaux-Arts de Rennes en 2019, c’est à force de persévérance que la jeune femme est parvenue à construire ses projets et à obtenir la reconnaissance de son travail dans le milieu artistique.
Elisabeth Gomes Barradas est une artiste plasticienne originaire de Paris. Depuis son plus jeune âge, elle souhaite s’orienter vers le milieu artistique et rentre en 2012 à l’université de Paris VIII en arts plastiques. Suite à une première année sur les bancs de la faculté, elle s’inscrit aux ateliers des beaux-arts de la ville de Paris dans un cycle d’approfondissement. Au cœur de l’atelier de peinture, elle pratique beaucoup de médiums en lien avec le visuel comme la peinture, la photographie et le dessin. Durant cette année très enrichissante, elle monte son dossier pour l’EESAB – École européenne supérieure des arts de Bretagne – de Rennes, où elle est acceptée en 2014. La mise à disposition des ateliers permet une pratique régulière et Elisabeth Gomes Barradas s’épanouit dans cette école ces trois premières années d’études.
Lors de sa quatrième année, la jeune artiste décide d’axer son travail sur le milieu dont elle est issue. Née de parents cap-verdiens immigrés et ayant grandi dans les quartiers populaires de la banlieue parisienne, Elisabeth baigne entre traditions africaines et éducation occidentale, chose qu’elle souhaite mettre en avant dans ses projets artistiques et son esthétique. Ce qui l’interpelle : l’utilisation de l’art dans la communauté noire comme moyen d’émancipation et d’ascension sociale, une chose par ailleurs beaucoup plus visible sur le continent africain et nord américain qu’en France. Une sensibilité qui la poussera à écrire son mémoire de 5e année autour de la « Black culture », et plus particulièrement dans les réseaux sociaux et les medias.
Intitulé Nigga, we made it en référence à une chanson du rappeur Drake, son mémoire évoque l’ascension sociale et l’émancipation de la communauté issue de quartiers populaires à travers les arts, et parle uniquement d’artistes afro-descendants. Elisabeth Gomes Barradas oriente sa démarche dans la lignée des artistes nés du Civils Rights Movements. Plaçant l’identité noire au centre de leurs œuvres, ils font de la représentation de la communauté noire leur sujet principal.
Ce parti pris artistique se confronte à la rigidité que l’on peut parfois constater dans l’enseignement des beaux-arts. « On attendait de mon travail qu’il soit militant dans le sens où il devait faire référence à des livres ou à des théories précises alors qu’il se basait essentiellement sur les réseaux sociaux et sur l’apparence qu’on pouvait montrer à la télé ou dans les clips », explique-t-elle.
Que ce soit dans le cadre de son mémoire ou de futurs projets, elle s’intéresse à la question de la “colonisation du corps et de l’esprit à travers les médias”, un terme étroitement lié au colonialisme européen et employé pour la première fois par l’artiste afro-descendante Daniel Dean. Celle-ci souhaite montrer comment, avec l’apparition des réseaux sociaux et des nouvelles technologies, se créé la surexposition d’un modèle de beauté occidental donné sous forme d’injonction par la société actuelle.
En adéquation avec ses intérêt personnels, elle présente la série Les princes de la ville, en référence à une musique du groupe de rap français 113, pour son diplôme. Elisabeth met en scène des personnalités historiques fictives, en l’occurrence des proches, qu’elle pare de vêtements de cérémonie. Les parures kitsch réalisées à partir d’éléments retrouvés dans les poubelles, à la sortie des marchés ou des friperies, viennent entourer chaque personnage et les transforment en pseudo-icônes historiques.
Cependant, les réactions que ses projets successifs suscitent au sein de l’équipe pédagogique interroge la future diplômée sur sa place dans le milieu artistique, sa pratique photographique et sa légitimé à parler de la communauté artistique noire et afro-descendante.
Elle ne reprend la pratique artistique qu’un an et demi après l’obtention de son diplôme avec Covers, en octobre 2020. Forgé par ses expériences passées, ce projet s’ancre profondément dans son désir de questionner son identité et la place qu’elle occupe dans la société. Comme pour Les princes de la ville ou encore Hair process, elle travaille sur l’iconographie, les figures, les cultures populaires et l’influence du multiculturalisme au prisme de la représentation de soi et l’afro-féminisme. À l’instar de son mémoire, le thème des rappeurs et chanteurs de RnB et leur manière d’utiliser la musique pour montrer leur réussite sociale sont prépondérants dans ce nouveau projet. « Quand j’étais plus jeune, je rêvais d’être chanteuse de RnB. Vocalises par-ci, chorégraphies endiablées par-là, c’est dans mon HLM que je performais nuit et jour sur les musiques de Nelly, Mariah Carey, Aaliyah, Usher, Ashanti espérant un jour être à leur place », confie-t-elle. « Covers se veut un hommage à ce style de musique qui m’anime quotidiennement. »
Baignée dans le RnB des années 2000, elle commence ce projet photographique autour de l’iconographie de cette culture. Elisabeth créé pour chaque portrait un personnage avec un nom de scène et une personnalité sur-mesure. Elle photographie ensuite cette star de Rnb pré-fabriquée dans une scénographie confectionnée à partir d’objets de récupération ou issus de la culture populaire, et dont le portrait serait la cover (jaquette) fictive d’un album. La jeune artiste travaille à l’argentique, dont le grain contraste avec l’image parfois trop lisse du numérique, afin d’obtenir un résultat visuel old school fidèle à l’esthétique RnB.
Grâce à la mise en scène, Elisabeth Gomes Barradas aborde autour de ces portraits diverses problématiques liées à des sujets d’actualité et souhaite mettre en avant le multiculturalisme et son impact sur le développement de la personnalité.
Elisabeth présentera son travail dans le cadre du festival Circulation(s), festival de la jeune photographie européenne au CENTQUATRE de Paris, du 2 avril au 29 mai 2022. Après sa participation à La rencontre de la photographie d’Arles en 2021, c’est au Festival Circulation(s) que la jeune femme se rendra. Le festival, en collaboration avec la RATP, a permis à cinq photographes d’être sélectionné·e·s pour exposer dans le métro, ce qui réjouit la jeune artiste : « c’est tout à fait ce que je cherchais. Mon projet fait vraiment référence à la culture populaire, à la culture du cheap, à l’apparence, au fait de vouloir se mettre en avant, au fait de se fabriquer une image que tu vas montrer sur les réseaux », déclare-t-elle. « Le fait que ces portraits soient présentés dans le métro, sur des panneaux publicitaires, je me dis que j’ai réussi à atteindre l’objectif que je voulais donner à ce projet, à lui donner une autre dimension que celle conditionnée par le white cube (ce type d’espace d’exposition est apparu dans les années 1970 et se caractérise par de grandes surfaces blanches, sans fenêtre, où l’œuvre exposée est détachée de tout contexte, ndlr). » Une belle victoire pour la jeune artiste dont les ambitions plastiques étaient plutôt controversées à l’école des beaux-arts.
À travers le projet Covers, l’artiste veut aussi que les spectateurs s’identifient et se remémorent un souvenir, un motif qu’ils ont connu à l’adolescence. « C’est pour cette raison que je m’axe énormément sur la culture des années 2000 une époque dans laquelle on a grandi. »
Concernant ses projets futurs, Elisabeth Gomes Barradas souhaite poursuivre son aventure dans les années 2000, mais dans une autre direction. Passionnée de culture nippone et ayant grandi avec le manga et les animes, elle travaille en ce moment sur un projet photographique particulier. Elle compte mettre en avant la culture japonaise vue d’un œil européen, en reprenant des codes tels que celui du cosplay (pratique qui consiste à revêtir un costume pour ressembler à des personnages virtuels, spécialement des personnages de manga, ndlr) ou de la culture « kawaii » (kawaii signifie mignon en japonais, ndlr). Ces portraits ne seront pas cette fois-ci des covers d’album, mais des photographies autour de l’iconographie des années 2000 comme l’avènement du selfie, des filtres et des stickers.
En attendant la sortie de ce nouveau projet il est possible, dans le cadre du Festival Circulation(s), d’admirer la série de portraits Covers qui sera exposé au CENTQUATREPARIS, du 2 avril au 29 mai 2022.
Infos pratiques
Site web Elisabeth Gomes Barradas – Instagram
Contact – 06 59 21 16 05 / E-Mail :elisabeth.gomesbarradas@gmail.com