Emmanuel Mouazé, un Rennais bien connu de la rédaction d’Unidivers, vient de surprendre son entourage avec la parution de son premier roman intitulé Le cas Kleiner. Un polar signé sous le pseudonyme d’Emmanuel Cosini, nom de jeune fille de sa mère. Faut-il rappeler qu’Emmanuel est un italophone distingué… Le cas Kleiner entraîne avec vivacité le lecteur dans la résolution d’un énigme policière. La psychologie (existentielle) y joue un rôle prépondérant…
Tragédie mortelle à l’hôpital Saint-Antoine : l’équipe de nuit de la police de Douai vient de découvrir le corps sans vie d’une infirmière au pied du bâtiment central. Les premiers éléments recueillis par les enquêteurs indiquent que la mort de l’employée est la conséquence d’une chute fatale du toit du centre hospitalier. Ainsi se programme le destin funeste d’une, de deux, puis de trois femmes condamnées successivement à disparaître par la volonté de quelque chose qui échappe à l’entendement. Expérimentant le hasard malgré eux, un enseignant, un journaliste et sa soeur chercheront à percer ces mystères auxquels s’ajouteront un écrivain célèbre et un cadavre datant des années 80. Du nord au sud de la France, cette affaire de patience accouchera d’une vérité comme une erreur aussi accidentelle qu’imprévue…
Unidivers – Comment êtes-vous venu à l’écriture ?
Emmanuel Cosini – Le désir d’écrire un texte plus ou moins long concerne beaucoup de monde. Pour moi, le projet de venir à bout d’une histoire est venu naturellement à une période précise de ma vie. Période au cours de laquelle j’ai pu et su me rendre disponible pour « penser » mon ouvrage, et tout au long de laquelle j’ai eu foi en mes personnages. Et quand on a la foi, la vérité de son talent est secondaire.
Unidivers – Votre entraînant roman policier tient tout autant par son intrigue que par l’incarnation existentielle de ses personnages principaux. Parfois, nous nous sommes demandés qui est au service de qui… Plus encore, les personnes qui vous connaissent bien auront noté un important faisceau d’indices qui conduit à retrouver dans le personnage principal bon nombre de vos propres traits de caractère et de votre parcours. Peut-on y voir une forme d’objectivation, voire de confession, de (certains aspects) de vous-même ?
Emmanuel Cosini – Dès qu’on choisit d’écrire une fiction, il est évident que le réel ne disparaît pas. Par facilité, mais pas seulement, on choisit des personnages avec des métiers qu’on connaît bien, on cite des lieux qui nous sont familiers. Disons que ça facilite notre raisonnement, à nous-mêmes, mais aussi à l’attention du potentiel lecteur qui ignore tout de l’auteur du livre qu’il tient entre ses mains. Pour ce premier roman publié, je me suis évidemment nourri de mon expérience et du milieu qui m’environne. Et je ne me cache pas en vous disant qu’au cours de mon travail de composition j’ai réglé des comptes à ma façon. Le genre policier est un merveilleux outil pour incarner des personnages. À la fois au service et en dehors de l’intrigue. À titre perso, c’était un vrai coup d’essai et je vous avoue que j’ai pris énormément de plaisir à mon bureau. Par exemple, je me suis demandé jusqu’où un personnage avait le droit d’exister dans le cadre d’une enquête policière. Jusqu’où ça nourrissait l’intrigue. Inversement, je me suis demandé à quel moment précis je pouvais dévoiler des indices, jusqu’où je pouvais m’autoriser à faire progresser l’affaire Kleiner sans pour autant perdre de vue le ressenti des personnages principaux en écho avec leur propre existence. Si le livre était à réécrire, je pense que le lecteur en saurait davantage sur les conflits intérieurs qui habitent Joseph, Simon et Gemma. Avec du recul, je me dis que j’ai peut-être manqué d’audace, mais d’un autre côté, j’ai l’impression que l’enquête que je déroule sur 293 pages se suffit à elle-même.
Unidivers – Un terme revient et semble soutenir toute la dimension psychologique de votre roman : la déflexion? Pourriez-vous nous en dire plus ?
Emmanuel Cosini – Au sens physique, la déflexion correspond à une déviation de trajectoire d’une particule ou d’un rayon lumineux. Disons que j’ai pris quelques libertés avec le Vocabulaire de la psychanalyse (Laplanche & Pontalis) pour définir un autre égarement conscient chez l’être humain. Dans le livre que je suis en train de finir, la psychanalyse a un rôle prépondérant. Je continue de m’amuser avec des termes étranges et catégoriques en termes de diagnostic. Et je fais des découvertes. Vous savez ce que signifie la perlaboration ? En psychanalyse, la perlaboration est le travail inconscient par lequel l’analysant semble s’enfoncer dans la résistance et refuser certaines interprétations.
Unidivers – Quel sentiment ou impression souhaiteriez-vous que vos lecteurs nourrissent en refermant votre livre ?
Emmanuel Cosini – D’abord, à l’attention de celles et ceux qui ne se sont pas ennuyés, je préfère vous dire qu’il n’y aura pas de suite. Le destin de mes personnages ne m’appartient déjà plus. Ensuite, j’aimerais bien qu’après lecture du cas Kleiner, le lecteur ne se méprenne pas : je ne suis pas un auteur de polar. En tout cas, pas seulement.
Unidivers – Quels sont vos projets littéraires ?
Emmanuel Cosini – Je suis en phase de correction d’un second récit qui se déroule essentiellement en Bretagne, dans les 4 départements. Si dans le roman précédent Joseph est un enseignant accompli, de souche française, apprenti détective et hétérosexuel, dans le récit suivant le personnage principal est une femme d’origine tunisienne, capitaine de police et homosexuelle.