Les années cinquante voient les objets consignés peu à peu disparaître. Depuis, les emballages ne cessent de nous envahir. Et si l’ère du tout-jetable entamait enfin son déclin ? Les magasins de « vrac » se multiplient et les consignes reviennent en force. Si, à Rennes, de plus en plus de restaurants invitent les gourmets à apporter leur propre récipient en carton, plastique ou verre, En boîte le plat fait le pari de rendre cette pratique automatique en assurant la logistique entre restaurateurs et clients à l’aide de boîtes en verre consignées.
Une association toulousaine Etic Emballages, portée par de jeunes entrepreneurs responsables et conscients de la crise environnementale, a entrepris de s’attaquer à la surproduction d’emballages alimentaires liée aux plats à emporter. En 2019 naissait “En boîte le plat“, premier projet de cette association ambitieuse et axée sur l’économie circulaire. Malgré des débuts modestes (9 restaurants toulousains inscrits dans les trois premiers mois de la phase expérimentale), les retours positifs semblent attirer de plus en plus d’acteurs dans cette chaîne solidaire : c’est ainsi que l’association donne des retours d’expérience et conseils à d’autres qui souhaitent pérenniser ce modèle. Le prochain “bébé” va s’installer à Rennes. Réussira-t-elle son pari malgré une organisation qui semble, à première vue, coûteuse et assez complexe ?
Les trois premiers mois, l’association toulousaine comptait 9 restaurants partenaires et 841 repas servis dans un contenant en verre de la marque Duralex de 115 cl (unique contenant disponible à ce jour), soit un repas par jour et par restaurant. Après un an le concept continue doucement de séduire consommateurs et restaurateurs et l’association espère avoir 70 restaurants partenaires d’ici la fin de l’année qui seront géolocalisables sur l’appli MAPSTR.
Comment fonctionne cette consigne ?
Les boîtes choisies par En boîte le plat sont fabriquées en verre trempé par la célèbre marque française Duralex (prix public d’une boîte : 3 € en moyenne). En un an d’utilisation pas une seule boîte cassée, ni un seul couvercle endommagé, sur les 5000 du stock de l’association.
- Pour chaque plat livré ou emporté, le consommateur doit débourser 5 € à titre de consigne (en plus du tarif de son plat). S’il ramène sa boîte à chaque fois, il n’a plus à payer de consigne.
- La livraison quant-à elle coûte 7 € et n’est (pour le moment) possible qu’à partir de 5 plats achetés et dans un rayon de 3 kilomètres (phase de test mise en place pendant le confinement) : si un plat coûte 10 € cela fera donc un total de 82 € (50 € de plats + 25 € de consigne + 7 € de livraison). exemple ici.
- La consigne : qu’il ait été livré à domicile ou qu’il soit allé chercher son repas, le client est dans l’obligation de rapporter lui-même la boîte consignée dans l’un des restaurants partenaires. Sinon il perd le montant de sa consigne, soit 5€/boîte.
- Le restaurateur : le service a évolué et s’est diversifié. Le montant forfaitaire de 2 €/plat qui incluait la collecte des contenants en verre un vendredi sur deux par En boîte le plat, leur lavage et leur restitution a été remplacé par un système d’abonnement.
–> Est-ce que la consigne relativement élevée ne freinera pas les consommateurs ? Autant que la réservation de son plat qui doit intervenir au plus tard la veille de la commande avant 16 heures ? Quant au fait de devoir rapporter les récipients, c’est un peu comme si le client livrait à son tour et en retour les couverts qu’on lui avait livrés…
Le concept est-il viable économiquement ?
Traiter les déchets coûte cher, très cher. Cela coûte cher aux collectivités (et donc aux citoyens par le biais des impôts) et aux entreprises. Les emballages liés aux plats à emporter se retrouvent sur la voie publique (dans le meilleur des cas dans les poubelles), dans les poubelles des particuliers, des entreprises (quand le salarié ramène son déjeuner au bureau), et naturellement dans les poubelles des établissements de restauration rapide. Et ces poubelles qui s’accumulent, il faut les ramasser et les détruire.
Réduire les emballages, c’est compresser les coûts de toute une chaîne, c’est réduire les coûts liés à la collecte et à la destruction. Finalement quand un consommateur évite un seul emballage, l’impact est immédiat. Plus les gestes vertueux se multiplient à titre individuel, plus les coûts diminuent pour la collectivité. Il est donc logique que la collectivité et les entreprises participent financièrement à ce cercle vertueux par le biais de donations, subventions et éventuellement de moyens logistiques.
Les fondateurs d’En boîte le Plat ont choisi une forme associative, d’autres comme Sofiane Hassaine Teston et Nicolas Djamdjian ont préféré fonder une entreprise (Reconcil), preuve que le concept est économiquement viable si les acteurs de la chaîne vertueuse y voient clairement tout l’intérêt (économique) qu’ils ont à passer du tout-jetable au recyclable, car si l’intérêt économique prévaut sur l’aspect écologique dans nos sociétés capitalistes, on ne peut que se féliciter si les deux se rejoignent. En résumé, les entrepreneurs et les collectivités verront :
- une baisse, voire une suppression, des achats d’emballages dont les coûts ne font qu’augmenter.
- une baisse des coûts liés à la manutention et à la logistique liés à la collecte et à la destruction des emballages.
- Une meilleure image de marque pour des consommateurs-citoyens toujours plus écoresponsables.
L’objectif de l’association En boîte le plat est avant tout de sensibiliser les citoyens au recyclable et au durable en proposant une logistique qui facilite ce passage du tout-jetable à la consigne. Bien entendu certains consommateurs et restaurateurs n’ont pas attendu pour mettre en place ce système. En effet, à Rennes par exemple, certains restaurants ou foodtruck (comme “À la Thai“) proposent une réduction si on apporte son propre contenant, d’autres proposent une consigne de 1 € (la pâtisserie 16h30 ou le Mabilay) pour emporter sa glace ou son repas dans des bocaux en verre de diverses tailles. Ils ne sont pas les seuls, outre les épiceries en vrac, on compte également des traiteurs comme Omunity.
En boîte le plat à Toulouse fait appel à plusieurs intermédiaires : le lavage est confié à Elemen’terre et la livraison à vélo à Applicolis.
Si les moyens logistiques et financiers suivent dans le temps et qu’ainsi les actions de l’association se développent, on peut imaginer avoir une offre plus diversifiée comme celle des Suisses Recircle : boxs recyclables de différentes tailles, personnalisation des boîtes, tasses à café et couverts recyclables ainsi qu’une feuille de calcul pour les restaurateurs afin de leur permettre de calculer les économies générées par ce système. À noter que Recircle n’a pas choisi le verre, mais le plastique PBT (voir ici pourquoi).
Une habitude à imposer ?
En interdisant les sacs plastiques dans les supermarchés en 2016, le gouvernement français a obligé les plus récalcitrants des consommateurs a changer ses habitudes en se munissant d’un sac recyclable pour aller faire ses courses. Ne peut-on pas imaginer la même chose pour les plats à emporter en interdisant tout simplement les emballages polluants et non recyclables ? Ce qui fonctionne déjà dans le système anti-gaspi Too good too go, lequel demande aux consommateurs de se munir de ses propre boîtes afin de récupérer ses achats alimentaires.
Au vu des nombreux déchets jetés à terre un peu partout sur le territoire, on peut douter de l’existence d’une volonté unanime des citoyens de contenir les pratiques pollutoires. Ne serait-il donc pas plus efficace d’interdire tout simplement ces emballages ? Genève a ainsi proscrit tout contenant en plastique au début de l’année 2020 afin d’éliminer les 50 tonnes de plastique qui se retrouvent annuellement dans le lac… Une interdiction définitive et radicale permettrait aux associations comme Etic Emballages de s’ancrer dans les habitudes des restaurateurs et des consommateurs (y compris des plus petits qui affronteront les grèves de cantine en n’ayant aucun souvenir du cellophane et autre gobelet en plastique). Cette interdiction par la puissance politique semble le seul moyen de ne plus dépendre de la bonne volonté de quelques citoyens écoresponsables (qui restent malgré tout la clé pour que le système fonctionne).
En attendant, l’association En boîte le plat arrive à Rennes en septembre 2020 et espère trouver de nombreux partenaires afin de généraliser l’utilisation des récipients consignés. Mais pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? Une relation directe entre le client et le restaurateur dessinerait un circuit court à la fois écoresponsable et économiquement équitable, encore faudrait-il que la majorité des consommateurs aient conscience des problèmes environnementaux.
Vous pouvez adhérer à l’association Etic Emballages ou faire un don
D’autres initiatives d’économie circulaire existent, souvent à l’échelle locale, comme Reconcil (Paris) ou Boxeaty (Bordeaux). On peut lire sur le site de Reconcil :
« La consigne en Europe. Bien que disparu en France, ce système fonctionne encore chez nos voisins européens. En Allemagne, la majorité des emballages de boissons est consignée pour une somme qui va de 8 à 25ct € (canettes et bouteilles). Elle s’applique à la fois aux bouteilles réutilisables (15 ct€), mais aussi à celles qui seront recyclées (25 ct€). Cette différence de prix a été mise en place pour inciter les ménages à employer les bouteilles réutilisables. Grâce à ce système, le taux de plastique recyclé est de 40 %.
En Belgique, la consigne pour réutilisation est surtout appliquée pour les bouteilles de bière et de vin. De plus, il existe un nombre de modèles de bouteilles de bière limité afin de faciliter la réutilisation. Contrairement à l’Allemagne, il n’existe pas de consigne pour recyclage ou pour le plastique.
Globalement, on constate qu’en Europe, les pays qui gèrent le mieux leurs déchets sont aussi les pays qui ont mis en place un système de consigne. »
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