Café Zimmermann ? Drôle de nom pour un ensemble classique dédié principalement à la musique du XVIIIie siècle et à Jean-Sébastien Bach. Mais tout a une explication : c’est le nom du café créé à la même époque par Gottfried Zimmermann à Leipzig, rue Sainte Catherine. Lieu ‘branché’ de l’époque, le Cantor s’y produisait régulièrement. Il n’était pas le premier des musiciens prestigieux à avoir investi ces lieux puisque Georg Philip Telemann s’y rendait déjà avec son ensemble « Collegium musicum ».
D’entrée il nous a fallu avaler une petite couleuvre qui nous est un peu restée au fond de la gorge. Un feuillet ajouté au livret d’accueil indiquait la présence de Hélène Le Corre en remplacement de la soprano Sophie Karthauser, souffrante. Si l’événement était confirmé par Alain Surrans, l’agacement provoqué par ce remplacement de dernier moment et la petite déception qui l’accompagnait n’en étaient pas moins palpables. C’est donc dans une ambiance un peu troublée que commençait la cantate BWV 51 « Jauchzet Gott in allen Landen ». Payant sans doute les pots cassés par une autre, Hélène Le Corre peine à convaincre. Non qu’elle ne chante pas bien, ce qui serait tout à fait injuste, mais l’émotion et l’intériorité qui accompagnent toujours une œuvre sacrée de Bach ne sont pas au rendez-vous. Bien encadrée par un orchestre impeccablement rodé, elle exécute ses arias et ses récitatifs avec soin mais sans atteindre son public.
Il faudra attendre l’arrivée du baryton–basse Christian Immler pour vivre enfin ce moment de réconciliation attendu et balayer les restes de notre mauvaise humeur. Il est parfait !! Elégamment vêtu, ce géant de prés de deux mètres de haut au visage de Christ interprète la cantate « Ich habe genug » avec la simplicité et l’exactitude qui conviennent à cette œuvre.
« J’ai assez », ce qui est une traduction un peu sèche pour exprimer à quel point la foi en Dieu apporte à l’homme tout ce qui est indispensable et montre combien le reste est vanité. Cette invitation à un certain dépouillement est retranscrite par le chanteur sans aucun artifice, on ne peut pas respecter l’esprit de Jean-Sébastien Bach mieux que ne le fait Christian Himmler.
Avec la sonate pour violon et basse continue BWV 1021, l’occasion nous est offerte de mieux faire connaissance avec les membres de l’orchestre. Primo Pablo Valetti ! Ce remarquable instrumentiste mène la danse avec conviction et virtuosité. Il fait chanter de manière incomparable son très beau violon du luthier italien Giovanni Battista Guadagnini datant de 1758. Il est accompagné de Mauro lopez Ferreira ainsi que de Patricia Gagnon à l’alto. N’oublions pas ceux qui donnent corps à l’expression « basse continue », au violoncelle, Petr Skalka, qui de façon assez inhabituelle n’utilise pas l’aiguille située sous son instrument, destinée à en reporter le poids au sol, mais le tient enserré entre ses jambes. Ses mensurations personnelles lui permettent largement ce style de fantaisie. Il en est de même pour Joseph Carver qui de toute évidence a fort bien fait de choisir la contrebasse sur laquelle il excelle. Il est juste de signaler également Emmanuel Laporte, Hautbois, qui sait se faire discret mais présent lorsqu’il accompagne les chanteurs, qualité que l’on peut attribuer également à Céline Frisch surveillant depuis son orgue le bon déroulement des opérations. Notre petit coup de cœur de la soirée ira à Hannes Rux, tout à fait remarquable avec sa trompette baroque dont il tire des vibratos incroyables.
La cantate BWV 32 « liebster Jesu , mein verlangen » nous permet de retrouver Hélène Le Corre plus détendue (à moins que ce ne soit nous) et indiscutablement émouvante, ce qui nous enchante vraiment et nous conduit à penser que peut-être nous avions été un peu injuste avec elle. Elle alterne arias et récitatifs avec un Christian Himmler toujours aussi exact dans son interprétation et permet de conclure ce concert avec un réel sentiment de satisfaction. Un rappel permettra d’entendre une rafraîchissante cantate « profane ».
Dernière précision, ayant entendu une personne présente dans l’assistance poser la question du sens des trois lettres accompagnant la numérotation des œuvres de Bach (BWV), nous nous permettons amicalement le lever le voile sur ce qui est un bien petit mystère. Le B signifie Bach, le W, werke, autrement dit travail, œuvre, et enfin le V comme verzeichnis, catalogue. BWV : catalogue des œuvres de Bach. Il suffisait d’y penser !
Café Zimmermann est codirigé par Céline Frisch et Pablo Valetti, qui poursuivent parallèlement leur carrière de soliste.
CELINE FRISCH
Clavecin & Direction Artistique
Native de Marseille, Céline Frisch étudie le clavecin au Conservatoire d’Aix-en-Provence, qui lui ouvrira les portes de la prestigieuse Schola Cantorum de Bâle. Elle est Lauréate Juventus en 1996, la première claveciniste sélectionnée pour les Victoires de la Musique classique en 2002, et reçoit les insignes de Chevalier des Arts et Lettres en 2009. Ses interprétations de la musique de Jean-Sébastien Bach lui ont valu les plus chaleureux commentaires de la presse musicale internationale. Outre Bach, ses affinités l’ont amenée à jouer la musique française de l’époque de Louis XIV, les œuvres des virginalistes anglais et la musique allemande du XVIIe siècle. Elle explore également avec plaisir la musique du XXe siècle et la création contemporaine. Ses disques ont été couronnés par les plus hautes distinctions, dont le Diapason d’or, le Choc de Classica, ou encore le Grand Prix de l’Académie Charles Cros.
PABLO VALETTI
Violon & Direction Artistique
Formé à la Schola Cantorum de Bâle, il se produit régulièrement comme soliste ou premier violon avec les principaux ensembles et orchestres baroques des scènes internationales – Les Arts Florissants, Le Concert des Nations, Concerto Köln, Hesperion XX, etc. -, avant de fonder en 1999 l’Ensemble Café Zimmermann. Au-delà de ses activités comme soliste, il est régulièrement invité à diriger l’Orquesta Barroca de Séville. Il se consacre également à l’enseignement au sein de l’Escola Superior de Musica de Catalunya de Barcelone et du Conservatoire de Nice. Il joue un violon Giovanni Battista Guadagnini de 1758.