Eric Dubois est poète. Responsable de la revue en ligne Le Capital des mots, il a participé à de nombreuses revues et sites littéraires, ainsi qu’à des ouvrages collectifs. Depuis 2010, il est chroniqueur dans l’émission Le Lire et le Dire sur Fréquence Paris Plurielle.
Après « Radiographie », « C’est encore l’hiver », et « Mais qui lira le dernier poème ? » paru sous format numérique et en version papier, Eric Dubois présente ici une compilation de poèmes publiés pour la première fois aux Editions Encres vives, ainsi que des bribes extraites d’Estuaires aux Editions Hélices.
Ce sont des très beaux textes cours, épars, et souvent sans alignement, qui constituent un ensemble « biobibliographique » atypique permettant d’entrer dans la sensibilité du poète Eric Dubois pour découvrir et redécouvrir son cheminement en poésie. Écriture poétique tellement légitime au sens où celle-ci témoigne tête baissée face au monde et face à soi-même.
Divisé en plusieurs catégories, ce recueil-ci reprend quelques poèmes d’« Enfance », d’« Écriture », de « La parole du monde », d’« Epsilon », d’« A la charnière du provisoire » et de « Mise en abyme » pour tout extrait des précédents recueils où s’exprimait déjà ce fil cohérent qui joint, associe les poèmes entre eux..
L’écriture d’Eric Dubois frappe d’évidence : elle ne lésine pas, ne trébuche pas, hésite parfois mais cherche partout sa marque, tentant d’appréhender n’importe quelle bribe du quotidien à laquelle elle donne du sens, de la nécessité. Elle porte un idéal brut et sans lyrisme, avance à pas feutrés. Ségrène le sentiment de lire des phrases définitives auxquelles on ne peut rien opposer.
Penser le monde
Penser le monde
Dans sa totalité d’être
L’être dans le flux du temps
et le flux des distances.
Les jours qui s’alignent comme des soldats désarmés.
Depuis toujours, Eric Dubois exploite une écriture pleine de formes concrètes usant de calembours, de métaphores subtiles pour dire les paradoxes et les contradictions de l’emprise du monde sur ses humeurs, sur ses gestes et mouvements, sur sa fonction aussi de citoyen, de passeur et de passant, sur tout ce qui l’associe au monde qui l’entoure. Ses bouts de textes limpides révèlent une poésie réaliste où chaque mot semble posé juste. Ses poésies peuvent se dire à voix haute, telles des psalmodies, surtout les plus mélancoliques d’entre elles, qui disent d’une voix haletante la séparation, le bruit alentour ou bien le silence, la peur, l’âme, la juxtaposition des situations, les limites, le vide, la rupture.
Ces textes sont émouvants. Pourtant, le poète ne s’épanche pas. Il ne se plaint pas. Sa voix vous reconnaît, vous happe, vous étonne. On peut sans mal la comprendre, elle est unique dans la poésie contemporaine française. Ce joli recueil est un déshabillage de soi, un exemple de sublimation, de fantasmagorie pour dire les corps, l’environnement, le ciel, la réflexion existentielle et le refuge de tout un chacun.
Nocturne
Vanité des rêves dans la coupe de fruits
Nature morte dans les bras de la nuit
Nuit qui unit unit qui divise
Le baiser de l’âtre et le lait du destin
Sonnent les heures résonnent les chants
Dans la paix nocturne du sommeil
Le tout forme un ensemble profane. L’humain, dans son approche allégorique, est pourtant terriblement présent, avec sa sentimentalité, son vécu, et toutes ces choses qu’il empoigne, et puis qu’il délaisse.
Cette poésie mélancolique, dédiée au poète disparu l’an passé Charles Dobzynski, est une belle réussite.