Théâtre, Érik Satie, Mémoires d’un amnésique par Agathe Mélinand – un hommage averti…

La première représentation de ce « petit opéra comique sans lyrics » écrit et réalisé par Agathe Mélinand a eu lieu mercredi 6 janvier au Théâtre National de Bretagne. Érik Satie – Mémoires d’un amnésique, programmé jusqu’au samedi 9 janvier, a reçu un premier accueil modeste. Autant dire que ceux qui ne connaissaient rien à l’œuvre du compositeur étaient pour ainsi dire refusés à l’entrée…

 

Il est usage de croire qu’il y a vérité en Art. Je ne cesserai de le répéter – même à haute voix : « Il n’y a pas de vérité en art. » Soutenir le contraire n’est qu’un mensonge – et ce n’est pas beau de mentir.

erik satie tnbÉrik Satie ? Qui est Érik Satie ? Cette question semble fasciner la dramaturge et metteur en scène Agathe Mélinand. Saisir ce personnage complexe nécessitait plus qu’une biographie traditionnelle. Cette pièce choisit plutôt de l’incarner, mais en contrepoint. « De quel Satie parler ? Du jeune homme révolutionnaire en costume de velours ou du Satie en costume de notaire ? Du Satie qui, à pied toujours, se rendait chez les Noailles au Faubourg Saint-Germain ou de celui qui, à Arcueil se couchait dans le fossé et faisait l’ivrogne ? », s’interroge Agathe Mélinand.

Le portrait qu’elle dresse tisse des scènes dialoguées sur une interprétation au piano des œuvres de Satie (1866-1925). Le compositeur des Gymnopédies, des Trois morceaux en forme de poire, de la Sonatine bureaucratique a laissé derrière lui une œuvre étonnante, ironique et parfois déroutante en sus d’être ésotérique (Satie appartenait à un Ordre initiatique dénomme les Rose-Croix). L’inventeur de la musique d’ameublement, par ailleurs précurseur du minimalisme ou de la musique répétitive, n’était guère qu’un simple compositeur : par ses écrits et son existence, il a participé à la vie artistique de son époque et a en renouvelé son esprit et ses orientations.

Agathe Mélinand
Agathe Mélinand

Agathe Mélinand tente un hommage ambitieux. La scénographie complexe – pour ne pas dire brouillonne – s’embarrasse de projections vidéos et de danses confuses. Quatre acteurs composent une vision fragmentaire de la vie du personnage à partir des frasques et phrases de ce dernier. Au piano, à deux mains, Raphaël Howson et Charles Lavaud sauvent la mise. La truculence des textes de Satie aussi. Notamment les passages projetés sur la toile et les extraits des Mémoires d’un amnésique, écrites en 1913.

La pièce retient presque uniquement l’esthétique des mouvements Dada et surréaliste. Que ce soient les aphorismes – « La mer est pleine d’eau » – ou les situations décalées, oniriques – pensons à la scène du cheval – l’œuvre de Satie fournit matière à s’étonner. Agathe Mélinand prend garde à rappeler cependant « qu’il n’y a pas d’école Satie », que « le satisme ne saurait exister ». Libre, le compositeur l’est. La pièce qui cherche à retranscrire cette liberté pèche justement en ce sens.

Érik Satie – Mémoires d’un amnésique s’adresse à un public connaisseur et averti. Sans balise, le profane se perdra rapidement dans la succession de ces « rudes saloperies », comme les nommait Satie lui-même. Toutefois, la pièce a le mérite d’ouvrir une porte vers un univers satirique, ou satierik (selon les mots de Picabia), singulier, et qui n’est sûrement pas prêt de s’épuiser !

Érik Satie – Mémoires d’un amnésique, écrit et réalisé par Agathe Mélinand

TNB, salle Serreau
1 h 20
Du 6 au 9 janvier, à 20 h
Avec Emmanuel Daumas, Eddy Letexier, Jeanne Piponnier et Sabine Zovighian
Piano Raphaël Howson, Charles Lavaud
Vidéo Sébastien Sidaner
Scénographie Barbara de Limburg assistée de Cléo Laigret
Chorégraphie Karine Girard Son Joan Cambon
Lumières Michel Le Borgne
Costumes Nathalie Trouvé, Agathe Mélinand
Assistante à la mise en scène Audrey Gary
Accessoires Jean-Pierre Belin
Réalisation des décors Ateliers du TNT sous la direction de Claude Gaillard
Production TNT – Théâtre national de Toulouse Midi-Pyrénées

Concert SATIE donné par les élèves du conservatoire régional de Rennes, le 8 janvier à 18h15 au bar du TNB (entrée libre)

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