Profitez de l’exposition Care Ravages du photographe breton François Rio à la médiathèque de l’Intervalle, centre culturel de Noyal-sur-Vilaine, du 12 janvier au 19 février 2022. Dans un bel hommage photographique de l’œuvre du peintre italien Caravage (1571-1610), l’artiste adapte les œuvres du maître à notre vie moderne. Unidivers était parti à sa rencontre lors de son exposition à la galerie de l’Élaboratoire, en 2019.
Ce n’est pas la première fois que les photographies de François Rio s’exposént dans un lieu, mais pour autant, elles restent impactantes de par leur force visuelle. Jusqu’au 19 février 2022, elles accompagneront le quotidien de la médiathèque de l’Intervalle, centre culturel de Noyal-sur-Vilaine.
L’aventure de l’ancien postier François Rio dans le monde du peintre italien Caravage commence quand il sort son appareil photographique du placard, alors que sonne l’heure de la sa pré-retraite, après l’avoir laissé de côté pendant plusieurs années. « Beaucoup de personnes sont attirées par les effets de la lumière sur les choses, son interaction avec l’objet et en particulier avec les visages : les expressions modelées en fonction de l’éclairage, les émotions que l’on peut en tirer… en cela beaucoup de peintres m’ont inspiré, notamment Caravage ».
« Le travail de Caravage a marqué une transition, une véritable révolution. »
Comment définir l’œuvre du Caravage, peintre italien exposé dans les plus grands musées du monde — le Louvre, le Prado (Madrid) ou encore la National Gallery (Londres) ? En quelques mots : un traitement réaliste qui lui a parfois fait défaut (certains de ses tableaux refusés pour excès de prosaïsme), des sujets pris sur le vif, figés dans l’instant comme s’ils avaient été « photographiés »… Ce nouveau concept visuel, inventé par le jeune artiste à la fin du XVIe siècle, sert d’inspiration au projet du photographe breton François Rio autour de l’œuvre du maestro italien.
D’une discussion entre amis, il est passé à la concrétisation et propose aujourd’hui une série Care Ravages, exposée notamment à la galerie de l’Élaboratoire, en 2019. Sans le comparer au peintre, avouons que le travail du clair-obscur est saisissant. L’obscurité englobe les contours du tableau avant que les sujets ne soient transpercés d’une lumière aveuglante, avec peu de valeur intermédiaire. Une caractéristique spécifique au travail du Caravage et un rendu photographique réussi, notamment grâce à la présence bénévole de Tom Bourreau, un éclairagiste professionnel.
« Caravage a davantage travaillé la lumière que ses confrères. À cela s’ajoutaient des éléments qui lui étaient propres, comme l’utilisation des gens qui l’entouraient, des personnes de la rue. L’idée pour moi était de reprendre les compositions et lumières, mais aussi le casting qui donne une force réaliste impressionnante. » Avec des thématiques en majorité religieuses et mythologiques, Caravage n’a en effet pas hésité à aller à contre-courant de son temps en faisant appel à des personnes de la rue : marginaux, prostituées ou encore mendiants. De la même manière, François Rio est allé chercher dans le monde qui l’entourait. Il suffit de traverser la rue, et de s’arrêter au bar, pour trouver les emplois de ses photos : Manu du bar le Gazoline sera Jésus, puis un ouvrier, Julien de l’Élaboratoire sera un suicidé et une victime des soldes, etc. « J’ai rencontré pas mal de personnes dans les bars à Rennes. C’est un lieu d’échange extraordinaire et beaucoup d’humanisme ressort de ses rencontres. Il se crée un échange à la fois culturel et humain ».
Un constat de la société en douze photos
Les douze scènes imprimées sur bâche ont pris place sur les murs de la galerie de l’Élaboratoire et sous l’éclairage brut des néons. Elles parlent d’elles-mêmes.
Sans vouloir être critique, François Rio émet un constat sur la situation actuelle du pays. « Les gilets jaunes ont pris un peu d’avance sur moi », disait-il en riant lors de notre rencontre. « La souffrance des gens se ressent au travers des sujets qui emballent la société. On est en perte sérieuse d’humanisme et ces problématiques me tiennent à cœur », poursuivait le photographe. « Je suis très sensible à cette nouvelle façon de gérer le rapport à l’homme et à la relation des gens entre eux. Les usages des nouvelles technologies dépassent énormément de monde et laissent sur le pavé les personnes âgées, les jeunes et ceux qui ont du mal à s’en sortir ; les écoles aussi, qui, quelque part, ne répondent plus aux nouveaux besoins ; les hôpitaux malmenés… J’ai tenté de traduire tous ces éléments au travers de la photographie ».
À titre d’exemple, L’Arrestation de Jésus (1602) devient Délit de l’Humanité sous l’objectif de François Rio. Un réfugié à la place de Jésus, les forces de l’ordre à la place des soldats… Considéré comme un prisonnier, le réfugié se fait repousser et même si le tableau ne le montre pas, il est aisé de se douter ce que lui réserve cette arrestation. Quelle est sa faute ? Simplement le fait d’exister et de vouloir une vie meilleure, dans de meilleures conditions que celles de son pays d’origine ? Une belle représentation qui éclate au visage du spectateur. Il n’est pas nécessaire d’être critique pour mettre le doigt où ça fait mal…
Le manque de personnel dans les hôpitaux, le chaos déraisonnable des soldes, le burn-out… François Rio dépeint une France peu glorieuse, mais véridique. Pourtant, un peu de lumière derrière cette noirceur. « Certaines critiques peuvent être positives et des tentatives vertueuses ». Le Souper à Emmaüs (1601) apporte un élan d’espoir avec « un échange, un partage de la connaissance afin d’éviter la perte de la dignité ». Dans Refus de la pauvreté, le personnage de Jésus renseigne quant à lui les plus démunis pour qu’ils survivent au monde actuel. Un retour à l’essentiel qui montre ce que devraient être les priorités.
En 2019, alors que le rideau venait de tomber sur l’acte I, le photographie pensait déjà à un acte II. « J’ai déjà des idées quelque peu iconoclastes sur la flagellation du Christ… Ma fille a également interprété le personnage de Marie-Madeleine en extase et un autre ami, celui de Narcisse… » Et pourquoi pas un acte III sous la forme d’un spectacle vivant ? Avec des idées plein la tête, la retraite s’annonce belle et productive pour François Rio…
Une visite de l’exposition est prévue, en présence du photographe, en amont du spectacle Une ode à Marie, à l’Intervalle, vendredi 28 janvier 2022, à 19h30.
Du 12 janvier au 19 février 2022, Care Ravage, photographies de François Rio, médiathèque de l’Intervalle, Noyal-sur-Vilaine.
Horaires de la médiathèque :
Mardi : 16h-18h30
Mercredi : 10h-12h30 et 14h-18h30
Vendredi : 16h-19h
Samedi : 10h-12h30 et 14h-17h30
Contact : 02 99 04 13 28