Expo à Dinard. Le photographe Irving Penn illumine les grandes figures de la culture du XXe siècle

irving penn dinard

Dans la famille Penn, l’image est souveraine. Qu’elle soit animée avec Arthur, le cinéaste, ou fixe avec Irving, le photographe dont le travail de portraitiste est présenté cet été dans la villa emblématique des Roches Brunes à Dinard jusqu’au 1er octobre 2023.

Après des études de design auprès d’Alexey Brodovitch, directeur artistique de revues de mode, Irving Penn fut graphiste à la Philadelphia Museum School of Industrial Art. Il établit son studio à New York en 1938. Très vite, il travailla pour les grandes revues de l’époque et fit sa première couverture pour le magazine Vogue qui publia l’une de ses natures mortes en 1943 et devint, parmi d’autres publications dont Harper’s Bazaar, la revue qui afficha le plus régulièrement son travail photographique à partir des années 50. C’est la photographie de mode qui anima d’abord son travail, tout comme Richard Avedon, autre grande figure du genre. À cette différence près que Penn s’attacha uniquement au travail en studio, la photographie en extérieur, dans la rue ou dans les cafés, ne l’ayant jamais intéressé.

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Irving Penn (American, 1917 – 2009) Rochas Mermaid Dress (Lisa Fonssagrives – Penn) , Paris, 1950 Platinum – palladium print, 1980 19 7/8 × 19 3/4 in. (50.5 × 50.2 cm) The Metropolitan Museum of Art, New York Promised Gift of The Irving Penn Foundation © Condé Nast

Ce travail de photographie de mode allait le conduire à s’attarder sur les visages et la personnalité de ses modèles. Peu à peu, en effet, Penn s’est installé dans l’art du portrait. Et ses séries, comme celles qu’il réalisa en 1949 sur commande du magazine Vogue qui le chargeait de poster cinq images représentatives de la mode de la première moitié du XXe siècle, attiraient déjà le regard sur la silhouette et les visages de la personnalité photographiée. L’homme, la femme, l’enfant devenaient alors le sujet essentiel du photographe. Au point de faire oublier qu’il s’agissait initialement de photographies de mode.

Sur toutes ses images, que ce soit ses portraits ou ses séries sur les petits métiers et les artisans en Angleterre et en France ou bien encore sur les Marocains couverts de vêtements tribaux, les Béninoises à la peau scarifiée ou les Aborigènes de Nouvelle-Guinée à la face couverte de tatouages, Irving Penn focalise l’attention sur la personnalité du sujet et leurs visages. Penn s’est alors imposé en maître avec une série d’ouvrages devenus des classiques de l’image fixe. Comme le recueil intitulé Moments préservés ou Des mondes dans une petite chambre.

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Irving Penn, Irving Penn: In a Cracked Mirror, New York, 1986. © The Irving Penn Foundation

Témoin d’un XXe siècle riche de créations picturales, sculpturales, littéraires, chorégraphiques et musicales, Penn a fixé sur la pellicule une imposante série de portraits de ces créateurs qui ont bâti la culture de notre époque. L’exposition de Dinard, extraite des collections photographiques du Fonds François Pinault, présente une soixantaine de portraits de peintres, sculpteurs, acteurs, danseurs, écrivains, chanteurs.

Ainsi, après avoir franchi le lourd rideau qui barre l’entrée de l’exposition, comme on pénètrerait dans l’antre et le cœur d’un cabinet feutré et secret, on découvre une galerie d’hommes et de femmes illustres du siècle dernier. Ainsi de Max Ernst, le poète surréaliste photographié en pied aux côtés de Dorothea Tanning, son épouse posant au pied du Maître, de Marlène Dietrich, toute de noir vêtue, vue de dos et tournant le regard vers le photographe qui viendrait la surprendre, ou de Pablo Picasso, le visage à demi caché par une sombre et haute encolure brodée, coiffé d’un chapeau neutre et feutre, l’œil droit vif et perçant qu’Irving Penn place au centre du cliché dans une image devenue iconique du génial Catalan, ou encore de Jean Cocteau, regard distrait et distant, posture faussement négligée, vêture délibérément soignée d’une mode de dernier cri et allure volontairement affectée de dandy, de Cecil Beaton, lui-même photographe des princes et têtes couronnées, drapé dans une précieuse cape d’étoffe sombre aux revers soyeux, de Rudolf Noureev, regard volontaire, visage émacié et corps musculeux, d’Edith Piaf, enveloppée d’une longue et sombre robe à la discrète échancrure, appuyée sur un fauteuil couvert d’un drapé noir, ovale blême d’un visage qu’anime un regard de tragédienne, de Dali, le dadaïste, qui illustre l’affiche, bras et jambes écartés comme une invite à l’exposition, et quoi de plus normal pour un artiste aux mimiques et postures excentriques qui cherchait incessamment le regard de photographes en mal d’originalité…

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La qualité et le rendu velouté des tirages de Penn, la sobriété et l’équilibre des compositions, le choix du noir et blanc confèrent une exceptionnelle profondeur et émotion à ces portraits, toutes figures illustres des arts et lettres du siècle dernier. La technique de tirage choisie par Irving Penn n’y est pas pour rien. D’entrée, l’explication est clairement donnée aux visiteurs : « Au début des années 1960, déçu par ce qu’il considérait comme les valeurs bon marché épousées par l’industrie du magazine, Penn décide de se tourner vers le procédé de tirage au platine inventée dans les années 1870, technique remarquable par ses valeurs tonales et la présence accrue de la matière dont les qualités se rapprochent de celles de l’eau-forte et de la gravure. Mais cette technique de tirage était tombée en disgrâce avec l’avènement du modernisme. Se replonger dans cette technique était un moyen pour Penn de renouer avec les qualités artistiques inhérentes à la photographie. Ainsi pendant plus de quatorze ans, tout en poursuivant ses missions commerciales chez « Vogue », il travaille les week-ends dans son studio de Long Island, expérimentant différents sels métalliques, papiers et temps d’exposition. Il présente pour la première fois ses tirages au platine au Museum of Modern Art en 1975 à travers sa série « Cigarettes ». A la villa des Roches blanches sont exposés quelques-uns de plus beaux portraits de l’artiste qu’il retira des années après la prise de vue avec ce procédé afin que les chefs d’œuvre s’incarnent dans leur matérialité moderne ».

Un ensemble iconographique exceptionnel s’offre ainsi à notre regard dans une impressionnante et merveilleuse galerie du XXe siècle que la Fondation François Pinault présente à Dinard jusqu’au 1er octobre 2023, conjointement avec l’exposition rennaise des collections d’art contemporain du mécène breton visibles au Couvent des Jacobins et présentée précédemment dans les pages d’Unidivers.

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Un seul regret : l’absence de catalogue qui aurait constitué un ouvrage de référence et un témoignage précieux de cet événement estival de la Côte d’Emeraude. Heureusement, le site de l’exposition propose une longue et précise présentation de l’artiste et de sa carrière par Mathieu Huméry et Lola Regard à cette adresse : ICI

Un lien avec France Info donne aussi une belle idée de l’importance de l’exposition. Et le magazine FishEye s’attarde aussi sur cette exposition avec plusieurs clichés de l’exposition.

INFOS PRATIQUES

Exposition à découvrir du 11 juin au 01 octobre 2023 à la Villa « Les Roches Brunes », 1 Allée des Douaniers, 35800 Dinard

Horaires : de 11h00 à 19h00

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