RENNES 1922 OU UNE NOUVELLE HISTOIRE DE L’ART

Du 5 février au 7 mai 2022, le musée des Beaux-Arts de Rennes propose deux expositions inédites. Parmi elles, Rennes 1922, la ville et ses artistes de la Belle Époque aux Années folles. Apportant une attention particulière au milieu artistique breton dans lequel il s’inscrit, le musée offre une vision inédite et singulière de l’art de la première moitié du XXe siècle à Rennes et à Paris, révélant une grande richesse artistique locale.

1922. Jean Janvier, maire de Rennes de 1908 jusqu’à sa mort en 1923, inaugure une pièce dédiée aux morts de la Grande Guerre à l’Hôtel de Ville. Aménagé par l’architecte municipal Emmanuel Le Ray, la pièce est habitée d’une longue frise peinte de Camille Godet et clôture un programme décoratif débuté dix ans plus tôt. Ce dernier réunit six artistes exclusivement issus de l’école des Beaux-Arts de Rennes. « Contrairement à ce qui avait été fait 20 ans plus tôt avec les tapisseries du Parlement de Bretagne, le maire Jean Janvier avait demandé à ce que l’on n’embauche pas d’artistes parisiens », déclare Guillaume Kazerouni, responsable des collections anciennes du musée des Beaux-Arts de Rennes et commissaire de l’exposition.

Ce décor et sa date d’achèvement sont à l’origine de la riche exposition Rennes 1922, la ville et ses artistes de la Belle Époque aux Années folles, visible jusqu’au 7 mai 2022 et événement inédit dans l’histoire des musées des Beaux-Arts de France. « Il y a un désert à ce niveau dans les recherches alors qu’un vrai élan artistique a existé dans les villes où ont fleuri les écoles des Beaux-Arts. Je ne peux qu’inviter les autres villes à imiter la démarche. »

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Exposition Rennes 1922, La ville et ses artistes de la Belle Époque aux Anénes Folles, au musée des Beaux-Arts de Rennes, du 5 février au 7 mai 2022.

Comment Rennes a-t-elle vécu le foisonnement culturel et artistique de la Belle Époque aux Années folles ? Comment se forme-t-on dans une ville de province ? Comment devient-on artiste ? Et, que produit-on ? Autant de questions en suspens auxquelles l’exposition Rennes 1922 répond à travers un parcours jalonné d’œuvres, dont la majorité est exposée pour la première fois.

Organisée sous la houlette du conservateur Guillaume Kazerouni, cette grande première est le fruit d’un travail de recherche pointilleux, d’une grande qualité, révélateur de la force et de l’engagement du musée des Beaux-Arts de Rennes pour la reconnaissance des artistes locaux. S’éloignant des mouvements artistiques reconnus, à juste titre, dans l’histoire de l’art du début du XXe siècle et de la capitale française, l’exposition est l’exemple type de ce qu’il a pu se passer dans le milieu de l’art dans une ville de province à cette période.

Le musée fait un pas de côté et révèle cette variété artistique tombée dans l’oubli d’un siècle passé. L’exposition donne à voir une nouvelle histoire de l’art et une vision autre que celle dominée par les avant-gardes, comme l’abstraction, le fauvisme ou encore le cubisme. Cette même vision qui a fait oublier que l’essentiel de la production était celle finissante du XIXe siècle, une création plus figurative, destinée à un marché plus bourgeois.

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La scène artistique rennaise de l’entre-deux-guerres, par le biais de l’histoire de l’école des Beaux-Arts de Rennes, aujourd’hui l’EESAB (École européenne supérieure d’art de Bretagne), renaît de ses cendres, habille les murs blancs du cloître et du couloir, et colore les cimaises de la salle d’expositions temporaires. Elle témoigne de la cohabitation entre les productions plébiscitées qui ont façonné notre vision d’une histoire de l’art construite autour des avant-gardes et celles plus populaires, « en lien avec l’académie, l’école des Beaux-Arts de Paris, le prix de Rome, un lien avec la peinture réaliste, une vrai filiation avec les productions des décennies précédentes », comme l’introduit le directeur du musée, Jean-Roch Bouiller.

Entouré d’œuvres monumentales en lien avec la commande des décors de la mairie, le public est plongé dans le contexte artistique de la Rennes de la fin du XIXe siècle, et le talent des artistes rennais issus de l’école des Beaux-Arts. « Ce projet inscrit la ville dans la problématique murale du début du XXe siècle, les architectes décident alors des décors. » Sur les conseils de l’architecte Emmanuel Ray, en charge du réaménagement de l’intérieur de la mairie, Jean Janvier fait appel à Louis Roger, premier prix de Rome de l’école des Beaux-Arts de Rennes en 1899, et Jules Ronsin, futur directeur de l’école en 1905. Ces décors peints, le plus important programme réalisé à Rennes au XXe siècle, se révéleront être une métaphore du programme de ses ambitions pour la ville. Le premier réalise deux panneaux monumentaux dans l’escalier nord. Les tableaux, après une campagne de restauration laborieuse, sont exposés pour la première fois depuis 70 ans. La littérature, la sculpture et les sciences sont représentées assises aux côtés de Rennes, qui prend les traits d’une princesse. « Les arts et les sciences prennent leur essor dans ce qu’ils appellent la Rennes moderne, avec un côté symbolique, presqu’anachronique, puisqu’en arrière-plan, on voit une vue de la ville avec le beffroi de la mairie. » Le second s’occupera quant à lui de décors aujourd’hui disparus dans la rotonde de la mairie, mais dont il reste des esquisses.

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Exposition Rennes 1922, La ville et ses artistes de la Belle Époque aux Anénes Folles, au musée des Beaux-Arts de Rennes, du 5 février au 7 mai 2022.

Considéré comme la première école d’art de province en France et présent aux expositions universelles de 1889, de 1900, 1925 et 1937, l’enseignement artistique à Rennes commence en 1757 avec la création d’une école gratuite de dessin. Elle prendra de l’ampleur en 1881 avant de s’installer dans les locaux qu’on lui connaît aujourd’hui en 1911. Le bâtiment fut le théâtre d’une production artistique foisonnante, à présent dévoilée. Entre ses murs se jouent d’autres problématiques de l’époque, telle l’ouverture de l’enseignement aux femmes à l’école des Beaux-Arts de Paris, et un peu partout en France. Est ainsi présentée Jeanne Malivel, artiste inscrite dans le mouvement Seiz Breur et enseignante à l’école des Beaux-Arts de Rennes, à l’instigation de son directeur Jules Ronsin.

Rennes 1922 donne à voir le fonctionnement de l’école régionale et sa formation, la diversité de ses apprentissages et les peintures des concours réalisées par des élèves entre 20 et 25 ans. « Les élèves se forment, dès 14 ans, gagnent des prix et pour les meilleurs, ils s’essaient aux concours d’entrée des Beaux-Arts de Paris. Ça fait partie du cursus », informe le commissaire d’exposition. « La ville leur donne une pension pour qu’ils puissent étudier trois ans. » Le public se retrouve face à des pratiques en pleine floraison, qui s’affirmeront avec le temps, les commandes publiques et les chantiers de la ville. Comment ne pas citer le plafond de l’opéra de Rennes, un chef d’œuvre de Jean Julien Lemordant ? Mais également avec les expositions et les galeries, un reflet du commerce de l’art à Rennes dans les années 20. « Tous les ans, l’association artistique et littéraire de Bretagne organisait une exposition d’art contemporain, le salon de Rennes, dans les salles du musée. »

  • paul dujardin rennes 1922
  • pierre galle rennes 1922
  • edouard mahé rennes 1922
  • louis roger rennes 1922
  • constant janvier rennes 1922
  • emmanuel fougerat rennes 1922

La multiplicité des œuvres et la qualité du propos de l’exposition en font son intérêt. « 80 % des tableaux sont montrés pour la première fois, notamment les dessins et croquis inédits d’Édouard Mahé. » Au fil du parcours, le public retrouve le nom d’artistes illustres et connus du territoire rennais, Emmanuel Fougerat, Camille Godet, Maurice Denis ou encore Jean Julien Lemordant pour ne citer qu’eux. Mais d’autres œuvres révèlent des talents à peine éclos, frappés par une destinée tragique, à l’instar de Constant Janvier, décédé pendant la guerre à l’âge de 20 ans. Ou Émile Boussu, un jeune artiste parti chercher l’inspiration à Ouessant. Son bateau va malheureusement chavirer en l’emportant, ainsi que l’essentiel de son oeuvre. Le peu qu’il en reste sera donné au musée par sa famille et se résumera à quelques dessins autour de la thématique « épouvante à Ouessant ». On y découvre des visages marqués, rongés par le vent qui prennent forme dans un trait réaliste et sombre.

expo rennes 1922
Œuvres d’Émile Boussu

Citons également André Devambez, artiste et peintre peu connu issu de l’école des Beaux-Arts de Paris. Afin de prolonger le plongeon dans l’atmosphère riche de la fin du XIXe siècle et du début XXe siècle, le musée des Beaux-Arts de Rennes consacre une exposition monographique à son univers vertigineux et décalé, André Devambez (1867 – 1944), Vertiges de l’imagination...

Jusqu’au 7 mai 2022, exposition Rennes 1922, La ville et ses artistes de la Belle Époque aux Années folles, musée des Beaux-Arts de Rennes.

Dans le cadre de Rennes 1922, un cycle de conférences est proposé par Guillaume Kazerouni, responsable des collections anciennes du musée des Beaux-Arts de Rennes et commissaire de l’exposition. Les six sujets seront traités à l’auditorium de l’EESAB (École européenne supérieure d’art de Bretagne). 

LE PROGRAMME DES CONFÉRENCES :

INFOS PRATIQUES

Musée des Beaux-Arts de Rennes
20 quai Emile Zola
35000 Rennes

Horaires d’ouverture : 

du mardi au vendredi : 10h – 17h

samedi et dimanche : 10h – 18h

Fermé le lundi et les jours fériés 

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