EXPOSITION VOYAGE D’HIVER AU CHÂTEAU DE VERSAILLES, JARDINS CONTEMPORAINS

La mue automnale bien entamée, les jardins de Versailles connaîtront bientôt celle de l’hiver. Les paysages quitteront alors leur robe orangée pour le manteau neigeux. Fin d’un cycle, celui des saisons, mais début d’un voyage. Un Voyage d’hiver où les jardins de Versailles voient fleurir l’art contemporain.

Patrimoine et création contemporaine : un mariage pas toujours aisé, tant les résistances peuvent être grandes. On se souvient de l’exposition des œuvres de Jeff Koons en 2008, plus récemment, Anish Kapoor en 2015 et Olafur Eliasson, l’année passée. Pour cette 10e édition, Alfred Pacquement, commissaire pour l’art contemporain à Versailles, en collaboration avec Jean de Loisy, directeur du palais de Tokyo et son équipe de commissaires – Rebecca Lamarche-Vadel et Yoann Gourmel – ont imaginé un voyage invitant les visiteurs à déambuler d’un bosquet à un autre. 17 artistes ont investi ces salons de verdure. Répondant ainsi à la volonté de Catherine Pégard, présidente du château de Versailles, de maintenir le patrimoine vivant en inscrivant notamment l’art contemporain dans l’histoire des jardins.

voyage d'hiver versailles

Une autre manière de découvrir et de faire vivre les jardins qu’a bien compris Céline Minard, auteur de la fiction qui ouvre le catalogue de l’exposition. Les jardins deviennent un terrain de jeu où, par l’usage copieux de la personnification, la pierre se fait chair. Les sculptures s’animent et délaissent leur socle. Un récit anachronique où Céline Minard orchestre la rencontre entre « un grand roi », ses courtisans et les dieux, déesses et autres personnages mythologiques, avec le coassement des grenouilles pour symphonie.

VOYAGE D'HIVER CHÂTEAU DE VERSAILLES

La construction du catalogue est ingénieuse et rivalise d’originalité. Elle se présente comme un guide à l’usage de la visiteuse, semblant par là prolonger la fiction de Céline Minard, où s’entrecroisent les commentaires, plus ou moins explicites et développés, des commissaires. Une première énigme posée aux visiteurs par le sphinx de Marguerite Humeau présenté dans le bosquet de l’Arc de Triomphe. Le camaïeu de rouges de la végétation fait partie intégrante de l’oeuvre. Il annonce le destin que la bête hybride réserve à ceux qui, contrairement à Oedipe, ne parviendraient pas à résoudre l’énigme. Tentons de formuler une réponse : s’agit-il peut-être d’un message écologique, le sphinx étant là pour protéger la terre de l’humanité comme l’indique le titre de l’oeuvre.

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Créature hybride à nouveau avec L’Oeil du sculpteur canadien David Altmejd. Quartz, poils, stylos, briquet, l’oeuvre n’est pas sans rappeler la représentation du dieu funéraire Anubis, mi-homme, mi-chien. L’autre sculpture  de l’artiste intitulée Le Souffle renvoie aux mythes de la création. Créature et créateur, la sculpture œuvre à sa propre métamorphose. Les bras et les mains s’appliquent à donner forme au corps.

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C’est au milieu des rochers du bosquet des Bains d’Apollon, composition du peintre Hubert Robert, qu’a pris place la poésie visuelle de John Giorno. Dans un style laconique et polysémique, les phrases du poète et artiste américain semblent entrer en résonance avec les groupes sculptés : WE GAVE A PARTY FOR THE GODS AND THE GODS ALL CAME.

Le bosquet de l’Étoile accueille la tête à demi-coupée de Mark Manders. Ce visage, entre sérenité et fragilité, a sans doute trouvé dans la clairière un espace de quiétude où s’assoupir. Proserpine s’est quant à elle parée de son habit d’hiver formé de rubans colorés, dans l’attente de sa métamorphose une fois le printemps revenu. Proserpine en Chrysalide témoigne de l’intérêt de Sheila Hicks pour les pratiques de tissage issues de diverses cultures et le lieu dans lequel l’artiste intervient.

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Aérienne cette fois, l’installation Cloud Cities de Tomás Saraceno proposant un modèle utopiste d’habitat, entre Ciel et Terre, inspiré des toiles d’araignées. Poursuivons avec le Bassin du Miroir, devenu le royaume d’un serpent marin constitué de containers rouges fondus, matériau de récupération transformé par Anita Molinero.

La dernière section du catalogue est un parcours historique dans les jardins de Versailles présenté par Alexandre Maral, conservateur général, chef du département des Sculptures et directeur du Centre de recherche du château de Versailles.

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Exposition Voyage d’hiver, Château de Versailles, 21 octobre 2017 au 7 janvier 2018. Céline Minard, David Altmejd, Jean-Marie Appriou, Olivier Beer, Hicham Berrada, John Giorno, Sheila Hicks, Marguerite Humeau, Cameron Jamie, Mark Manders, Anita Molinero, Rick Owens, Dominique Petitgand, Ugo Rondinone, Tomás Saraceno, Louise Sartor, Stéphane Thidet.

Catalogue d’exposition Voyage d’Hiver Céline Minard, Broché, 24,90 euros, 144 pages, 75 illustrations, 160 x 240 mm

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