Rennes. Les grands petits riens de Raymond Depardon exposés aux Champs Libres et au FRAC Bretagne

exposition depardon rennes
Depardon aux Champs libres de Rennes

Jusqu’au 5 janvier 2025, venez découvrir à Rennes deux expositions dédiées à l’Algérie et aux Jeux Olympiques photographiés par le photographe reporter Raymond Depardon. Ces deux expositions font partie du festival Exporama, festival d’art contemporain qui pavoise la capitale bretonne chaque été depuis quatre ans.

Les Champs libres et le Frac Bretagne de Rennes consacrent deux expositions à Raymond Depardon dans le cadre du festival Exporama et des Olympiades culturelles. Ce célèbre photographe reporter, aujourd’hui âgé de 88 ans, n’a eu de cesse de parcourir le monde afin de livrer des clichés intimes des grandes soubresauts politiques.

  • exposition depardon rennes
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L’exposition, intitulée Son oeil dans ma main – Algérie 1961 & 2019, témoigne du lien étroit entre l’Algérie et Raymond Depardon. En 1961, Raymond Depardon est envoyé à 19 ans comme reporter-photographe en Algérie. “Les très bons photographes de l’époque, ils n’allaient pas en Algérie, ils photographiaient les quartiers populaires à Paris, en France. J’étais tout seul là-bas”. Plus que la violence, il s’emploie à capter la fin du temps colonial, un esprit du temps qui chancelle doucement avant d’accélerer. Raymond Depardon capture des regards, des moments de vie intimes qui reflètent une période historique et politique de grand doute au sein de la population algérienne : “Ces photos de rue n’ont l’air de rien mais elles racontent plein de choses”. Il capte des scènes de la vie quotidienne : les désirs retenus de la jeunesse, la place culturelle des bancs et de la promenade, la cohabitation entre colons et autochtones. Depardon fige dans la pellicule la tension qui grandit dans un pays où la confrontation entre le Front de la Libération nationale et l’Organisation de l’Armée secrète (OAS) se fait de plus en plus dure. Il assiste aux négociations des accords d’Evian, en mars 1962, où ii côtoie la délégation algérienne ; il en saisit l’intimité avec une rare délicatesse.

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  • Raymond Depardon Villa du Bois d'Avault
  • Raymond Depardon Alger

Près de soixante ans plus tard, alors qu’il souhaite exposer pour la première fois ses photographies de 1961, son épouse Claudine Nougaret lui conseille d’effectuer un nouveau voyage en Algérie afin de compléter ces premières par un genre de “post-scriptum”. Retour à Alger en 2019 qu’il photographie de nouveau en noir et blanc.

Depardon se rend également 5 jours à Oran. Il y retrouve l’écrivain Kamel Daoud pour de longues déambulations dans la ville. A Alger comm Oran, ils  saisissent ensemble la vibrante contemporanéité mais aussi les tensions persistantes d’une nation jeune et éduquée mais sans avenir. Quelques semaines plus tard, le soulèvement populaire du Hirak aboutit à la démission du Président Bouteflika. Au fil de leurs déambulations, naît non seulement une amitié, mais aussi un projet d’ouvrage à quatre mains où se mêlent, aux clichés de 1961 et de 2019, les textes libres et engagés de l’auteur algérien.

Alors qu’en 1961, le photographe avait pris l’habitude de rester figé et de figer en photo le mouvement autour de lui (ou l’absence de mouvement ; cf. les motifs de la promenade et des bancs très présents), en 2019, il prend le parti d’avancer et de photographier les gens qu’il croise. “J’avais une nouvelle méthode, je me suis dit qu’il faudrait peut-être faire comme en province et dire bonjour aux gens qu’on croise. Les gens étaient surpris, ils pensaient qu’on était des nostalgiques”. Entre les deux époques, finalement, pas grand chose de nouveau sous le soleil méditerranéen… On retrouve les mêmes regards, la même jeunesse brillante, mais en attente, et toujours des tensions politiques avec la menace islamiste… Même s’il est parfois difficile de distinguer, parmi tous ces clichés en noir et blanc, ceux qui ont été pris en 1961 et ceux qui datent de 2019, l’exposition invite à faire attention aux détails, aux vêtements, aux arrières-plans afin de s’immiscer dans la vie de ces Algériens et ressentir avec eux l’évolution (plus ou moins lente…) de leur société.

Quand Raymond Depardon s’emploie à photographier le sport

En 1964, Raymond Depardon est depuis quatre ans photographe reporter salarié pour l’agence Delmas. Il est envoyé à Tokyo pour couvrir les Jeux olympiques d’été. Il fait ainsi ses premiers pas dans la photographie sportive alors qu’il n’apprécie pas beaucoup cette activité… C’est le début d’une longue aventure. Il couvrira six Olympiades jusqu’aux JO de Moscou en 1980.

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  • Instants Olympiques
  • Raymond Depardon Tokyo Japon

C’est aux JO que le photographe apprend que, pour saisir la beauté du moment, il faut le devancer. “C’est très compliqué de photographier les Jeux Olympiques  parce qu’il faut avoir une vraie science de ce qui va peut être se passer d’intéressant. Et lui il l’a, surtout avec la gymnastique” explique Emmanuelle Hascoët, coordinatrice de l’exposition. Il apprend aussi à saisir le “temps faible” en opposition à “l’instant décisif” dont parlait le photographe Henri Cartier-Bresson : ces moments où rien ne se passe vraiment… les moments hors épreuves… les derniers arrivés, les perdants… tout ce qui révèle une dimension moins spectaculaire mais plus intime de l’évènement. Des petits riens qui se révèlent essentiels.

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  • depardon attentat munich
  • depardon attentat munich

Les six Olympiades couvertes par Raymond Depardon contiennent une forte charge politique. Les JO de 1968 ouvrent une scène pour les athlètes afro-américains qui revendiquent leurs droits civiques tandis que les Olympiades de Moscou sont marquées par le refus de certains pays d’envoyer leurs athlètes pour faire suite à l’envahissement de l’Afghanistan par l’URSS. Porté par son talent de grand reporter, Raymond Depardon fige ces faits historiques qui dépassent largement le champ sportif. En 1968, il immortalise le poing levé des athlètes afro-américains à Mexico ; en 1972, lors de Jeux Olympiques de Munich, il est le témoin de la terrible prise d’otage de la délégation israélienne : il photographie le visage de l’athlète qui est embarqué en camionnette vers son assassinat. Pour Claude Boli, responsable scientifique du Musée national du sport, il est aussi le premier photographe à mettre en avant certains athlètes : “Il a été le premier à donner une visibilité aux femmes. C’est aussi le premier à s’être intéressé aux athlètes éthiopiens”. Y compris dans le sport, Raymond Depardon a réussi à saisir le liant humain et documenter l’esprit du temps qui enserrent les êtres dans du collectif…

expositiion depardon sport

Les Jeux Olympiques, 1964 – 1980, Du samedi 15 juin au dimanche 5 janvier 2025 au Frac Bretagne, 19 avenue André Mussat. Ouvert du mardi au dimanche de 12 h à 19 h.

Rural et son œil dans la main, du samedi 15 juin au dimanche 5 janvier 2025 aux Champs Libres, 10 cours des Alliés. Ouvert du mardi au vendredi de 12 h à 19 h et le samedi et dimanche de 14 h à 19 h (petites vacances scolaires : du mardi au vendredi de 10 h à 19 h et le samedi et dimanche de 14 h à 19 h).

Tarifs : Billet couplé pour les expositions « Algérie 1961 & 2019 » et « Les Jeux Olympiques, 1964-1980 ». Plein tarif : 5 € / tarif réduit : 3 €. — Billet simple pour une des deux expositions. Plein tarif : 3 € / tarif réduit : 2 €.

Des projections de documentaires réalisés par Raymond Depardon, des rencontres et des conférences sont également prévues aux Champs Libres.

Une sélection d’images grand format de Raymond Depardon sont exposées tout l’été sur les grilles du Palais Saint-Georges dans le cadre de l’exposition Rennes célèbre le sport par la photographie.

Programmation complète d’Exporama : https://www.exporama-rennes.fr

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