Durant la saison 2014-2015, le Pôle Art.Santé a invité Guillaume Lasserre à proposer une exposition. Intitulée Close to me, elle prend corps dans l’ensemble du Centre Médical et Pédagogique de Rennes-Beaulieu du 26 mars au 31 mai 2015. Développé par Stéphane Bernigaud et Jean-Benoit Lallemant, le Pôle Art.Santé s’attache à proposer des programmes culturels orientés vers les arts plastiques au sein des établissements de santé et médico-sociaux. Présentation de l’exposition Close to me par Guillaume Lasserre :
La proximité du corps, l’au-delà de soi.
Le Centre Médical et Pédagogique de Rennes-Beaulieu accueille chaque jour des personnes en situation de handicap provisoire ou définitif. Ces accidentés de la vie, souvent fragiles, parfois en rupture (avec leur famille, avec la société), sont des survivants, des rescapés, dont la blessure s’inscrit dans leur chair mettant en avant ce corps blessé mais terriblement vivant.
Qu’en est-il de ce corps, est-ce possible d’opérer une réparation de cet intime qui reflète et indique une intériorité secrète et profonde ? En mettant en avant le corps, beau, banal, maltraité, le corps en mutation, en transformation, l’exposition propose de parler de soi, d’en faire une aura publique où le « je » devient universel et l’ordinaire tend au sublime.
Autour des œuvres réunies à Rennes des corps se construisent, se déconstruisent ou se reconstruisent pour réitérer un paradoxe : dévoiler l’intime. Lorsqu’Elisabeth Lebovici paraphrase Maurice Blanchot en postulant : « l’intimité, c’est nous-mêmes à l’ordinaire », elle pointe la fascination de notre société pour la question du familier, comme celle de l’étranger, et questionne les notions d’identité et de minorités, de norme et de marge, d’universalisme et de communautarisme.
Les corps illustrent un paradoxe puisqu’il s’agit d’une mise en scène de ce qui est habituellement caché, le plus intérieur, le plus secret de nous-mêmes, notre intimité. La mise en scène de l’ordinaire, l’exhibition de la vie quotidienne d’une société à la marge parfois sans illusion, souvent lumineuse, car après tout, dans nos sociétés où l’intime et le privé sont de plus en plus médiatisés et souvent confondus, où chacun peut écrire ou filmer sa vie et d’un simple clic, l’exhiber sur Internet, la livrer au public, le corps a droit à ses secrets.
ELLEN KOOI
Almere – Ophelia, 2006. Tirage Fuji Crystal Archive, Contrecollage sur Reynobond et sous Plexiglass (Diasec),100 x 188 cm. Courtesy, Galerie Les filles du Calvaire, Paris.
Le spectateur est souvent confronté à des personnages dans des positions ou actions incongrues que Ellen Kooi implante dans un milieu urbain ou dans des paysages verdoyants. Par ces mises en situations quelques peu extravagantes, on peut également rattacher son travail à l’univers surréaliste. Ainsi, les photographies d’Ellen Kooi étonnent, intriguent, voire émerveillent. On se demande ce que l’on regarde, une image chimérique, parfois inquiétante ou bien une “vraie“ image dont la mise en scène serait savamment orchestrée. Ellen Kooi joue constamment de ce principe et nous invite à rentrer dans son monde qui vacille entre rêve et réalité.
ANNI LEPPÄLÄ
Hand, 2013.
Photographie, 26 x 36 cm.
Courtesy, Galerie Les filles du calvaire, Paris.
Untitled (morning light), 2013.
Photographie, 40 x 29.2 cm.
Courtesy, Galerie Les filles du calvaire, Paris.
Just before dark, 2012.
Photographie, 52 x 76 cm.
Courtesy, Galerie Les filles du calvaire, Paris.
« Les images sont comme des points fixes au coeur d’un processus de changement et d’altération, le spectateur a la possibilité de les observer librement, de s’en approcher. Elles ont un aspect rassurant, dans la mesure où elles sont reconnaissables et, en même temps, elles sont d’une autre nature, possèdent une face cachée, impossible à identifier. La photographie part du monde visible. » Anni Leppälä permet à ces “points fixes“ de se transformer en matériaux de l’imaginaire.
LAURA HENNO
Dalva, 2009.
Photographie,
Tirage sous diasec mat, 45 x 58 cm.
Courtesy, Galerie Les Filles du Calvaire, Paris.
Flanders, 2009.
Photographie,
Tirage sous diasec mat, 120 x 155 cm. Courtesy, Galerie Les Filles du Calvaire, Paris.
Laura Henno développe depuis plusieurs années une photographie du suspens et du suspense, en mettant en scène des jeunes gens dans des paysages à l’apparence hostile. Par l’expression de leur visage, leur posture, les jeux de lumière et l’omniprésence du hors-champ, Laura Henno crée des scènes de tension, aux confins du cinéma et de la peinture.
ISABELLE LÉVÉNEZ
Donne moi la couleur de ta peau, 1999. Photographie, couleur contrecollée sur aluminium 80 x 60 cm. Collection FRAC Haute-Normandie, Rouen.
Depuis plus de 15 ans, l’artiste désire le corps. Le sien et celui des autres. Et ne sait que cela. Grâce au texte, au dessin, à la peinture, à la photographie et à la vidéo. Ce corps est toujours là et, tout comme le nôtre, celui qui apparaît à l’écran a sa pleine consistance. L’incarnation qu’il implique n’est pas amoindrie par la vidéo ou la photographie ; au contraire, ce corps peut sembler très présent, rendu trop humain par le grossissement de l’objectif. La photographie de 1999 est relative aux travaux d’écriture d’Isabelle Lévénez. A l’instar de l’artiste américaine Jenny Holzer, il s’agit de sentences relatives à notre compréhension de l’autre. Ici, la phrase concerne, là encore, la peau et sa couleur. Une couleur paradoxale : peut-on la donner ?, peut-on la décrire dans son ensemble comme dans ses détails sans tomber dans le cliché, dans le stéréotype, dans la ségrégation ? L’autre est-il si différent de soi ?…
LAURENT PERNOT
Still alives, 2005. DVD PAL, 2minutes30, musique stéréo. Courtesy Galerie Odile Ouizeman, Paris.
Laurent Pernot expérimente les processus temporels, poétiques et immersifs en explorant toutes les formes d’expression, de la conception des installations à la production d’images. Ses créations s’articulent de manière récurrente autour des notions du visible et de l’invisible, du temps et des troubles de mémoire. L’identité, la fragilité, les origines et les limites de la vie sont parmis ses principaux thèmes. Et sont souvent élaborés à contre-courant des principes de la modernité et la culture de masse.
MALICK SIDIBÉ
Studio Malick, 2006. Photographies noir et blanc, 22,5 x 22,5 cm. Collection FRAC Bretagne, Rennes.
Dans un studio au décor minimal, vêtements et accessoires prennent une importance qui va bien au- delà de la simple reconnaissance sociale. Ces portraits, traduisant la volonté universelle d’enregistrer des moments heureux, retracent également l’histoire d’un peuple. Ces photographies de la série Studio Malick ont été réalisés durant l’été 2006 en Côtes d’Armor. Malik Sidibé a réalisé, le temps de son séjour, plus de trois cents portraits, portant son regard d’Africain sur des Européens. Ce travail s’inscrit dans la continuité d’une longue et riche carrière de portraitiste. Aujourd’hui, dans le cadre d’un partenariat avec la Région Bretagne et Gares & Connexions des grands tirages de ces photographies sont visibles dans plusieurs gare en Bretagne.
DOROTHÉE SMITH
Série Hear us marching slowly, n° 32, 2012. Photographie, 100 x 130 cm.
Courtesy Galerie Les Filles du Calvaire, Paris.
Série Sub Similis, n° 33, 2012.
Photographie, 80 x 60 cm.
Courtesy Galerie Les filles du Calvaire, Paris.
Son travail s’appréhende comme une observation des constructions, déconstructions, délocalisations et mues de l’identité. La photographie y côtoie la vidéo, le cinéma, l’installation et l’utilisation des nouvelles technologies. Son exploration de l’art hybride a permis à l’artiste d’utiliser son propre corps comme matière, à travers plusieurs œuvres. Smith poursuit actuellement ses recherches sur l’identité dans le cadre d’une thèse de doctorat.
TRINE SØNDERGAARD
Untitled #1, Reflections, 2014, Photographs, archival fiber print, 60 x 60 cm. Courtesy Martin Asbaek Gallery, Copenhague.
Trine Søndergaard est une artiste photographe, elle vit et travaille à Copenhague, au Danemark. Présente dans diverses collections à travers le monde, elle s’intéresse à ce qui se trouve au-delà du regard direct, ce qui arrive quand nous ne pouvons pas regarder les gens dans les yeux. Une réflexion sur l’espace mental qui se trouve au-delà de l’image. Elle étudie le temps ou la durée dans la coexistence de différents moments de conscience.
CLAIRE TABOURET
Autoportraits, Encre de chine sur papier de riz, 45 x 33 cm. Courtesy Galerie Bugada & Cargnel, Paris.
Figuratif, son travail par couches et transparences, où se mêlent aplats, épaisseurs et fluidités, donne à voir une réalité mouvante. Chez Claire Tabouret, le portrait, qu’il soit de groupe ou individuel, est un genre vivace, à tel point qu’il devient vénéneux, vindicatif, revendicatif. Les personnages sont extraits de leurs environnements, de leurs contextes et de leurs repères ; propulsés au cœur d’un espace pictural énigmatique, sombre et embarrassant.
CLOSE TO ME EXPOSITION DU 26 MARS AU 31 MAI 2015
Centre Médical et Pédagogique de Rennes-Beaulieu
Avec Juliette Agnel, Laetitia Delafontaine et Grégory Niel / DN, Anni Leppälä, Laura Henno, Isabelle Lévénez, Laurent Pernot, Malick Sidibé, Dorothée Smith, Trine Sondergaard, Claire Tabouret
Vernissage le 25 mars à partir de 18h