Du printemps à l’automne 2025, la Ville de Dinan rend hommage à une figure majeure mais encore trop méconnue de l’art breton du XXe siècle : Yvonne Jean-Haffen (1895-1993). L’exposition « Le réalisme décoratif », présentée dans la maison d’artiste de la Grande Vigne – son ancienne demeure surplombant la Rance – propose un regard neuf sur son œuvre riche, singulière, à la croisée du dessin, de la peinture et des arts décoratifs.
Une femme artiste dans un monde d’hommes
Née à Paris, formée à l’École des arts décoratifs, Yvonne Jean-Haffen fait partie de cette génération de femmes artistes qui, dans l’ombre des figures masculines, ont pourtant posé leur marque dans l’histoire de l’art français. Elle rencontre Mathurin Méheut dans les années 1920, devient son élève, sa collaboratrice fidèle, et suit ses pas en Bretagne, dont elle adopte les paysages et les lumières.
Mais loin de n’être qu’une suiveuse, Jean-Haffen affirme progressivement son propre langage plastique : un réalisme sobre et délicat, nourri de rigueur graphique, d’une attention aux détails de la vie quotidienne, et d’un sens décoratif très personnel.
Le réalisme décoratif : une esthétique singulière
Le sous-titre de l’exposition, Le réalisme décoratif, exprime à la fois une fidélité au réel et un parti pris d’élégance formelle. Yvonne Jean-Haffen a dessiné avec la même ferveur des scènes rurales, des intérieurs de ferme, des ports bretons, mais aussi des compositions ornementales, des céramiques, des illustrations de livres. Son trait est limpide, sûr, économe, souvent rehaussé de couleurs claires et sobres.
On découvre dans cette exposition près de 150 œuvres : huiles, dessins, aquarelles, faïences, cartons de tapisserie, croquis de voyage. Certaines n’ont jamais été montrées au public. Le parcours met en valeur son regard humaniste, sa curiosité ethnographique, mais aussi la modernité de sa démarche. L’artiste observe, recueille, restitue – sans jamais esthétiser à l’excès, sans pathos, avec une tendresse retenue.
La Bretagne en partage
Installée définitivement à Dinan en 1937 dans la maison de la Grande Vigne, Jean-Haffen en fait à la fois un atelier, un laboratoire, et un lieu de vie inspiré. C’est là qu’elle reçoit des artistes, y travaille avec Méheut, correspond avec des écrivains, peint sans relâche. Elle sillonne aussi la région, dessinant sur le motif les paysages du Trégor, les gens de la mer, les artisans.
L’exposition se veut aussi une plongée dans cette Bretagne populaire, laborieuse, authentique, loin des clichés pittoresques. Elle nous rappelle que la peinture de Jean-Haffen est un acte de mémoire : celui d’un monde en train de disparaître, mais qu’elle documente avec une rare dignité.
Une œuvre à redécouvrir
Si Yvonne Jean-Haffen reste aujourd’hui dans l’ombre des grands noms de la peinture bretonne, cette exposition contribue à réévaluer sa place dans l’histoire de l’art du XXe siècle. Son œuvre, à la frontière entre art majeur et arts appliqués, entre figuration et décoration, entre tradition et modernité, mérite toute notre attention.
Plus qu’une simple rétrospective, Le réalisme décoratif propose une lecture sensible d’une artiste attachée à la beauté du quotidien, au geste juste, au lien profond entre l’humain et son environnement. Une exposition précieuse, élégante et apaisante.
Exposition : Yvonne Jean-Haffen, Le réalisme décoratif
Musée Yvonne Jean-Haffen, La Grande Vigne, Dinan
Avril – octobre 2025
Tous les jours sauf le lundi, 10h-18h
Plein tarif : 6 €, réduit : 4 €, gratuit – de 18 ans
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