Idle no more ou le réveil des femmes autochtones au Canada

Le mouvement Idle no more (Fini la passivité) rappelle à quel point le colonialisme a perverti le sens politique de la plupart des nations autochtones. Avant la colonisation, les femmes étaient des leaders dans la plupart des Premières Nations du Canada. La Loi sur les Indiens a toutefois, fait disparaître les femmes de la vie politique en colonisant la vie politique et sociale des autochtones, ce que des associations de femmes ont combattu depuis les années 1970. Quarante ans plus tard, les femmes montent aux tribunes pour faire entendre la voix de leurs peuples.

En 2012 avaient lieu les élections pour élire le nouveau chef de l’Assemblée des Premières Nations. Pour la première fois, quatre femmes se présentaient à l’élection. Les défis environnementaux, mais aussi des graves problèmes liés à la pauvreté ont conduit des femmes à s’impliquer plus avant en politique. Le financement pour le fonctionnement des réserves provient en grande partie du gouvernement fédéral, mais n’est pas suffisant pour amoindrir les effets de cette pauvreté endémique qui ravage plusieurs réserves. Des taux de violence élevés contre les femmes, des taux de suicides et de consommation de stupéfiants les plus importants au pays, l’insécurité alimentaire et une désagrégation des infrastructures importante (quand elles existent) ne sont que les effets les plus apparents de cette pauvreté. Et comme partout ailleurs, les femmes sont les premières touchées et les premières témoins de ces effets dévastateurs qu’a le manque de ressource sur leur entourage.

Le mouvement Idle no more a été mis sur pied par trois femmes issues de nations autochtones, Jessica Gordon, Sylvia McAdam, Sheelah McLean, et Nina Wilson, descendante de colons européens,qui se sont rencontrées par l’entremise de Facebook. Elles partageaient la même analyse des transformations que les politiquesdu gouvernement de Stephen Harper imposaient au pays.Les loi omnibus C-38 et C-45 votée sous le bâillon en 2012, qui revoyaient entre autres la protection des lacs et des rivières et réduisaient les protections environnementales à l’échelle du Canada,amenaient de façon unilatérale des changements aux traités qui relient la couronne britannique, le Canada et les Premières Nations. Ces nouvelles lois serviront notamment à assouplir les évaluations environnementales de nouveaux projets d’exploitation des sables bitumineux canadiens.

Ces libertés prises avec les ententes signées de longue date prennent racine dans l’histoire de la colonisation du Canada et ce sont encore les effets de cette colonisation qui sont présents aujourd’hui. Le 22 août dernier, le premier ministre conservateur Stephen Harper annonçait l’octroi de $100 millions de dollars à la recherche de gisement miniers et pétrolifères dans le Grand Nord canadien. Deux projets de pipelines, Enbridde et Northern Gateway serviront à l’expansion de l’industrie du pétrole issu de l’exploitation des sables bitumineux, une industrie qui se présente depuis quelques mois comme une industrie verte et équitable. Cette industrie dont l’épicentre est situé en Alberta (province de l’Ouest canadien) menace le territoire longeant la rivière Athabaska et le bassin de la rivière Mackenzie (dont la plus grande partie est composée de territoires ancestraux de chasse et de pêche de peuples des Premières Nations) entre autres par l’installation d’un « réservoir » de 200 kilomètres carrés de déchets liquides toxiques qui risque de tripler au cours des prochaines années.La lutte pour la défense de l’environnement est un point de rencontre pour les blancs et les autochtones et permet de prendre la mesure des nombreuses oppressions auxquelles les personnes des Premières nations ont à faire face.

Le climat politique canadien est sans doute un facteur important de cette implication importante des femmes autochtones dans la marche de leur peuple vers une reconnaissance pleine et entière. Aux défis environnementaux et à la pauvreté, s’ajoute la vision partisane du gouvernement dans l’aide apportée aux Premières nations à se sortir de ces problèmes récurrents. En 2010, le gouvernement fédéral coupait le financement de l’organisation Sisters in spirit qui consacrait ses efforts à faire la lumière sur les meurtres et les disparitions de femmes et de filles autochtones. Cette semaine, le gouvernement annonçait un appel d’offres pour la réalisation d’une étude sur la traite des femmes et des filles autochtones en des termes jugés offensants par la députée NPD de Churchill, Niki Ashton, qui milite activement pour qu’une enquête nationale sur les disparitions et meurtres non résolus de femmes autochtones voie le jour. La recherche sera orientée par trois axes. Le premier tentera de décrire des situations où des gens participent à la victimisation de membres de leur famille. Les deux autres axes de recherche décrits dans l’appel d’offres seront de « clarifier les mécanismes selon lesquels la traite des personnes et la violence familiale sont liées l’une à l’autre » et de « décrire en quoi les gangs et les organisations criminelles participent à la traite, en mettant l’accent sur la traite de membres de la famille ». Les crimes commis contre les femmes autochtones sont souvent traités sans réelle diligence, quand les enquêtes ne sont pas tout simplement bâclées. Le nombre de crimes violents à l’encontre des femmes et des filles autochtones est toujours aussi important.

Prenant racine dans un même ras-le-bol politique que les mouvements Occupy à travers le monde, la reprise du pouvoir sur leur destin par les femmes autochtones met de l’avant leurs nombreuses revendications. Internet et les réseaux sociaux, Facebook et Twitter notamment, rendent possible l’organisation d’événements à travers le pays, le partage d’informations et la rencontre entre les personnes issues des nations éparpillées partout sur le territoire. Les femmes des Premières Nations ont su utiliser à leur avantage ces outils pour se rencontrer, s’organiser et ainsi mettre fin à l’inertie.

Caroline Laplante

Le sujet vous intéresse ? Voici quelques liens pour en savoir plus :

Indigenous women : nerver idle par Harsha Walia

Grassroots “hearts” may be with AFN women candidates, but cold math shows Atleo may triumph par Jorge Barrera

Harper seeks to blame Indigenous women for their own disappearance par Pamela Palmater

Idle No More: Women Leading Action For Indigenous Rights In Canada par Gabriela De Cicco

La chute du mur de verre [vidéo] par Danie Royer

Sous les sables bitumineux de l’Alberta par Emmanuel Raoul

Recherche de gisements en Arctique : Stephen Harper annonce plus de 100 millions $ par La Presse Canadienne et Le Huffington Post Québec

Ce Canada qui a faim : l’Arctique au ventre vide par Laura-Julie Perraul

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Un appel d’offres du fédéral soulève l’ire des Autochtones par Radio-Canada Manitoba

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