Œuvre posthume de Fernand Pesso, Le livre de l’intranquillité est publié en 1982. Un recueil de pensées, de réflexions, de poèmes qui traite de du désenchantement. L’errance au service d’une cause artistique.
Ce livre est une rencontre, une rencontre douce-amer entre un être, le lecteur, et une œuvre, une œuvre qui est chacun. Car oui, ce livre est une sorte de Doppelgänger, il prend son lecteur en image faisant de ce dernier un autre de lui-même. L’inaptitude à vivre, proclamée par l’auteur, devient langage universel pour tout être un tant soit peu sensible.
Le contenu de cette ode est poétique, pénétrant comme une belle violence. C’est une défense. La défense d’une lecture du monde dont la société contemporaine nous tient éloignées. Chaque phrase frappe comme un uppercut en plein cœur. Une décharge électrique parcourt l’échine du lecteur sensible à cette vie imaginaire qui est aussi trouble et troublante que la vie réelle qu’il s’agit de fuir. Pourquoi ?
L’homme va chercher au loin ce qu’il possède déjà au fond de lui-même. La grande erreur, voire le grand péché, de l’humanité est cette ignorance. Mépriser la rêverie pour lui préférer l’action est une condamnation avant l’heure, une condamnation ontique.
Mais cette déclaration de guerre de Pessoa envers l’action ne confine pas du tout à une démarche nihiliste. Il promeut seulement l’importance de la construction mentale personnelle et intérieure. Voie royale de l’acte poétique suprême. Un Zarathoustra portugais subvertissant un Cioran transocéanique.
Le livre de l’intranquilté est un non-livre, là repose toute sa puissance. Un accomplissement parfait. Un chef-d’œuvre à lire, à relire dans une boucle infinie d’errance, d’espérance, de plaisir… et d’intranquilité.
David Norgeot
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Christian Bourgois (27 février 2004), 570 pages, 26€
Fernando António Nogueira Pessoanote est un écrivain, critique, polémiste et poète portugais trilingue (principalement portugais, mais aussi français et quelque peu anglais). Né le 13 juin 1888 à Lisbonne, ville où il meurt des suites de son alcoolisme le 30 novembre 1935, il a vécu un cinquième de sa vie en Afrique du Sud.
Théoricien de la littérature engagé dans une époque troublée par la guerre et les dictatures, inventeur inspiré par Cesário Verde du sensationnisme, ses vers mystiques et sa prose poétique ont été les principaux agents du surgissement du modernisme au Portugal.
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