Voilà le film Cinq et la peau de Pierre Rissient. France 1h35. Sélection officielle, Cannes Classics. Vu salle Buñuel le 14 mai 2018. Dans ces notes d’un festivalier, Antoine Glémain propose aux lecteur d’Unidivers de rendre compte de ses premières impressions sur divers films en sélection du festival de Cannes 2018.
Dans le film Cinq et la peau, un homme, Ivan, retourne à Manille, apparemment sans but précis. Au gré de son errance et de ses rencontres, l’écrivain déambule dans la mégapole fascinante à la recherche de son passé et du sens de son existence.
Pierre Rissient (1936-2018), décédé à la veille du festival, était par excellence un « homme de cinéma ». Dénicheur de talents hors pair, on lui doit dans une large mesure la découverte de Clint Eastwood, Jane Campion, Lino Brocka, Lee Chang-dong, Quentin Tarantino… parmi des dizaines d’autres réalisateurs. Il était aussi tout simplement un grand monsieur. Son film introuvable de 1981, Cinq et la peau, a été présenté cette année à Cannes Classics, en version numérique restaurée.
Cinq et la peau est un film étrange et dérangeant, unique en son genre. Coécrit avec Eugène Guillevic, inspiré par des poèmes de Fernando Pessoa (excusez du peu), il n’en est pas moins une œuvre extrêmement personnelle : une dérive dans les rues de Manille qui coïncide avec un voyage intérieur vertigineux. Il nous emmène dans une zone qui est d’ordinaire l’apanage de la littérature pure mais qu’il arrive à évoquer ici en images, particulièrement dans sa dernière partie, la plus saisissante. Pierre Rissient exprime à un moment sa colère contre une éducation qui apprend aux enfants à ne pas regarder en face la réalité : ce n’est assurément pas un reproche que l’on puisse faire à son film.
Pour l’anecdote, Pierre Rissient a été dans sa jeunesse l’assistant de Godard sur A bout de souffle. Dans la queue avant la séance de Cinq et la peau, j’ai conversé avec une dame qui avait été elle aussi assistante de Godard, un peu plus tard, dans sa période militante du groupe Dziga Vertov. Elle m’a raconté ceci : lors de son voyage en Palestine, Godard rencontrait des gens qui se présentaient à lui comme Abou ceci ou Abou cela, et lui disait s’appeler Abou d’souffle.
https://youtu.be/RM5VlhL3cNM
https://youtu.be/pIDrNstJYFw
Cinq et la peau
Réalisation : Pierre Rissient
Scénario : Lucie Albertini, Alain Archambault, Eugène Guillevic et Pierre Rissient, d’après des poèmes de Fernando Pessoa
Photographie : Alain Derobe, Romeo Vitug et Daniel Vogel
Son : Lionel Crampont et Jack Jullian
Montage : Marie-José Chauvel, Mounira M’Hirsi, Sheherazade Saadi et Bob Wade
Musique : Benoît Charvet et Claude Danu
Production : Bancom Audiovision – GPFI – Les Films de l’Alma
Pays d’origine : Drapeau de la France France – Drapeau des Philippines Philippines
Durée : 95 minutes
Dates de sortie : France – 2 juin 1982
Avec :
Féodor Atkine
Eiko Matsuda
Gloria Diaz
Bembol Roco
Philipp Salvador
Louie Pascua
Chat Silayan
Lucille Alcantara
Haydee Castillo
Maki Matsumoto
et Roger Blin (voix)